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La loi Macron, le barème et la faille

Publié le 20 juin 2015
Par Anne-Charlotte Navarro
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Dans le cadre du projet de loi Macron pour la croissance et l’activité, le gouvernement veut limiter les indemnités versées au salarié en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, avec un barème selon la taille de l’entreprise et l’ancienneté du salarié. Si l’objectif peut être louable, il est peu probable que ce texte s’applique.

L’employeur peut licencier un salarié à condition qu’il justifie d’une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire de faits objectifs suffisamment graves pour imposer le départ du salarié. Lorsque l’employeur ne peut pas justifier leur existence, les conseillers prud’homaux peuvent octroyer des dommages-intérêts au salarié.

En pratique, les salariés ont souvent tendance à formuler des demandes irrationnelles de dommages-intérêts. « Il n’est pas rare de voir des demandes de plusieurs millions d’euros, ce qui est anxiogène pour l’employeur », souligne Dan Nahum, avocat au cabinet ADN. Mais il faut garder à l’esprit qu’une des missions des conseillers est d’évaluer le préjudice, ce qui aboutit, dans la majorité des cas, à la réduction des sommes demandées. « Le barème proposé par le texte n’est pas loin de la réalité des condamnations et évitera simplement les demandes farfelues sur ce fondement », ajoute l’avocat.

Incompatible avec les traités internationaux

Mais il est envisageable que les justiciables cherchent à contourner ce seuil, en multipliant les demandes ou en invoquant une qualification non soumise au barème, par exemple le licenciement lié à des cas de discrimination. « C’est pourquoi il est probable que ce texte ne modifie pas l’évaluation des demandes », selon Dan Nahum. Certains conseillers pourraient même être plus généreux sur d’autres qualifications non concernées par le barème afin de compenser son application.

La praticité de ce texte est donc discutée. D’autant plus que de nombreux professionnels du droit invoquent son incompatibilité avec notre système législatif. Plusieurs textes, telle que, notamment, la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, disposent que la réparation du préjudice subi par le salarié du fait d’un licenciement abusif doit être adéquate, c’est-à-dire qu’elle ne peut être réalisée en fonction d’un barème préétabli mais au regard de la situation particulière de chaque travailleur. Ce texte a une valeur supérieure à la loi.

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Dès lors, les justiciables confrontés à l’application de ce barème devront invoquer devant les juridictions le fait que le texte est incompatible avec un traité international. « Cette dernière source de droit ayant une valeur supérieure, il est vraisemblable que le barème ne pourra pas s’appliquer », indique Dan Nahum.

D’autres mesures pour les PME

Le gouvernement a proposé toute une série de mesures pour relancer l’emploi dans les PME. Revue de ce qui peut intéresser les officines.

• Une aide provisoire à la première embauche : toute entreprise qui n’a pas embauché d’employé depuis au moins douze mois et qui recrute bénéficiera d’une aide de 4 000 euros.

• Un mode de calcul différent pour rompre le contrat d’apprentissage : jusque-là, l’apprenti et l’employeur disposaient, chacun, de deux mois pour rompre le contrat. Ce délai ne prend désormais en compte que la durée de présence effective dans l’entreprise.

• Autoriser deux renouvellements au lieu d’un pour les CDD et les contrats d’intérim.

• Suppression de l’effet de seuil jusqu’à 50 salariés.

• Inciter au groupement d’employeurs grâce à un régime de TVA attractif et l’exonération des charges patronales en cas d’heures supplémentaires pour les entreprises de moins de 20 salariés.

• Assouplir la notion de faute de gestion: la condamnation du chef d’entreprise dans le cadre d’une faillite exclura la simple négligence.

• Simplifier la transmission : le droit à l’information préalable des salariés ne s’appliquera qu’aux ventes (et non aux cessions à titre gratuit) et la sanction de nullité sera remplacée par une amende.

• Le titre emploi service entreprise élargi : le TESE (titre emploi service entreprise), qui permet à l’employeur d’accomplir ses obligations sociales, est étendu aux entreprises jusqu’à 20 salariés.

Stéphanie Bérard