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La migraine de l’adulte

Publié le 1 juillet 2015
Par Nathalie Belin et Caroline Bouhala
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La migraine est une maladie neurovasculaire d’origine génétique responsable de la répétition de crises sous l’influence de facteurs déclenchants. Malgré son caractère bénin, cette pathologie est très handicapante car elle altère fortement la qualité de vie des patients. Largement sous-diagnostiquée, elle entraîne une grande automédication pouvant conduire à des abus médicamenteux.

La maladie

Définition

• La migraine se manifeste par des crises associant céphalées et signes fonctionnels, en particulier des troubles digestifs (nausées…), espacées de périodes sans douleur.

Les crises sont récurrentes et s’estompent avec ou sans traitement. Leur sévérité dépend de l’intensité de la céphalée et des signes associés. La migraine fait partie des céphalées dites primaires car non associées à une lésion sous-jacente.

• Certaines formes de migraine sont précédées d’une aura, qui se traduit par des symptômes neurologiques transitoires. Il existe donc deux formes de crises : la migraine commune ou sans aura, et la migraine avec aura (voir Physiopathologie et Signes cliniques).

Physiopathologie

Certaines structures cérébrales sensibles et vulnérables s’activent anormalement sous l’effet de facteurs déclenchants chez les migraineux. Elles envoient des informations « aberrantes » et provoquent la céphalée en causant inflammation et dilatation des vaisseaux méningés.

Mécanismes de la crise

Douleur migraineuse

Elle provient de l’activation anormale du système trigémino-vasculaire, qui participe à la régulation du diamètre des vaisseaux cérébraux, et donc du débit cérébral. La mise en route de ce système entraîne une libération anormale de neuropeptides vasoactifs, qui vont se fixer sur les vaisseaux cérébraux et générer une inflammation neurogène et une vasodilatation locale. Le nerf trijumeau, stimulé, conduit à l’influx douloureux.

Aura

Elle semblerait provoquée par une vague lente de dépolarisation, phénomène électrique responsable d’une hypoactivité neuronale passagère, qui se propage de l’arrière vers l’avant du cerveau. Les troubles visuels qui en découlent, sensitifs ou touchant le langage, dépendent de la zone du cortex atteinte par cette vague.

Facteurs déclenchants

Ils peuvent varier au cours de la vie chez un même patient, mais le point commun de ces facteurs est d’être liés à un changement d’état. Les plus fréquents sont :

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• les modifications du rythme de vie : manque ou excès de sommeil, repas irréguliers, surmenage ou relâchement physique ;

• les facteurs hormonaux : période menstruelle, avec notamment la chute en œstradiol liée ou non à la prise d’une contraception estroprogestative ;

• les variations émotionnelles : stress, joie importante… ;

• les facteurs sensoriels : bruit, odeur, lu-mière…

Un cumul de plusieurs facteurs est souvent nécessaire pour déclencher une crise de migraine.

Génétique

La répétition des crises observée dans la maladie migraineuse semble due à une hyperexcitabilité cérébrale d’origine génétique. Les migraineux sont plus vulnérables aux facteurs déclenchants.

Le seuil de survenue des crises est variable d’un individu à l’autre et va déterminer la sévérité de la migraine.

Signes cliniques

La fréquence des crises diffère d’une personne à l’autre : de plusieurs fois par semaine à quelques fois par an.

Qu’il s’agisse de migraine avec ou sans aura, environ 15 % des patients ressentent, dans les heures précédant la crise, des symptômes annonciateurs ou prodromes : asthénie, somnolence, bâillements, irritabilité, lassitude ou au contraire euphorie, etc. Attention à ne pas confondre migraine et céphalée de tension (voir info+ ci-contre).

Migraines sans aura

Elles représentent environ 80 % des migraines constatées.

• La céphalée s’installe progressivement en deux à quatre heures en moyenne et peut durer de quelques heures à quelques jours en l’absence de traitement.

• Elle présente au moins deux des caractéristiques suivantes : unilatérale, pulsatile, d’intensité modérée (gênant les activités quotidiennes) à sévère (nécessitant de se coucher), aggravée par l’effort physique et/ou les activités quotidiennes.

• Elle s’accompagne de symptômes : des nausées, voire des vomissements, et/ou une intolérance aux bruits (phonophobie) et à la lumière (photophobie).

Migraines avec aura

Elles représentent 20 % des crises. La migraine avec aura est précédée des signes de l’aura migraineuse.

• Les symptômes de l’aura se développent progressivement sur plus de cinq minutes, ce qui permet de les différencier d’un accident ischémique transitoire ou d’une crise d’épilepsie. C’est ce qu’on appelle la « marche migraineuse ».

• Dans 90 % des cas, les troubles de l’aura sont visuels : taches lumineuses scintillantes (scotomes, phosphènes, voir info+), vision floue…

→ Plus rarement, l’aura est sensitive à type de paresthésies : fourmillements d’un côté, de la main à la moitié du visage (langue, lèvres), ou aphasique avec des difficultés de parole ou de lecture.

→ Plus rare, l’aura peut être motrice avec hémiparésie (déficit musculaire d’un côté du corps) ou hémiplégie (paralysie)

Diagnostic

Au cabinet médical

Surtout la clinique

Le diagnostic est essentiellement clinique et repose sur la répétition des crises avec des signes caractéristiques, séparées par des intervalles sans douleur. L’examen clinique est normal entre les crises. Un syndrome dépressif ou anxieux est recherché.

• Migraine sans aura. Le diagnostic est posé devant au moins cinq crises caractéristiques : douleur typique (voir Signes cliniques), précédées ou s’accompagnant de nausées et/ou vomissements et/ou phonophobie ou photophobie.

• Migraine avec aura. Son diagnostic est établi devant au moins deux crises présentant les caractéristiques de cette migraine : symptômes visuels et/ou sensitifs ou troubles phasiques, réversibles, apparus en au moins cinq minutes et durant entre cinq minutes et une heure, suivis ou non d’une céphalée migraineuse.

Examens complémentaires

Scanner, IRM cérébrale sont recommandés en cas d’anomalie de l’examen clinique, devant des symptômes apparaissant après 50 ans ou devant une aura atypique : début brutal…

À l’officine

Face aux demandes répétées d’antalgiques d’une personne, il est possible de lui proposer un dépistage de migraine grâce à un questionnaire très simple à mettre en œuvre (proposé par la Société française d’études des migraines et céphalées) :

« Au cours des trois derniers mois, en même temps que vos maux de tête :

– avez-vous eu des nausées ou envie de vomir ?

– avez-vous été gêné par la lumière ?

– avez-vous été limité dans votre capacité à travailler, à étudier, dans vos activités ? »

Si la réponse est « oui » à deux de ces trois questions, la probabilité pour que le patient soit migraineux est supérieure à 90 %. Une consultation médicale est alors recommandée.

À cette occasion, lui expliquer le mécanisme des céphalées auto-entretenues (voir plus loin).

Évolution

Si la migraine débute dans plus de 90 % des cas avant l’âge de 40 ans, son évolution est imprévisible et variable d’une personne à l’autre.

« On est migraineux à vie, explique le Dr Anne Donnet, neurologue, mais souvent, avec les années, les crises tendent à devenir moins sévères et moins fréquentes, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Chez ces dernières, il existe parfois une accalmie au cours de la grossesse, liée à un climat hormonal protecteur ».

Quelquefois, la maladie peut évoluer vers des céphalées chroniques quotidiennes. Elles se définissent par des céphalées plus de quinze jours par mois depuis au moins trois mois. La cause principale est une utilisation abusive des traitements de la crise.

Complications

• Un mal migraineux : « Cet état est caractérisé par une céphalée migraineuse qui dure plus de trois à quatre jours, avec impossibilité de se lever. Il peut survenir chez tout migraineux, explique le Dr Donnet. Il s’agit d’une crise plus sévère que les autres, parfois déclenchée par un état émotionnel particulier ».

• L’aura persistante se caractérise par des signes de l’aura qui durent plus de sept jours.

• Les migraines avec aura augmentent le risque cardio-vasculaire en cas de facteurs de risque associés (voir interview ci-dessus).

• Une altération de la qualité de vie : deux patients migraineux sur trois voient leurs activités courantes perturbées par les céphalées. Certains y renoncent parfois par crainte de déclencher une crise migraineuse.

La répétition et la crainte des crises exposent également les personnes à des états anxieux, voire dépressifs.

Son traitement

Objectifs

Le traitement médicamenteux distingue le traitement de la crise de celui de fond.

→ Le premier vise à soulager la douleur et à limiter les autres symptômes associés comme les nausées lors d’une crise.

→ Au besoin, un traitement de fond sera institué afin de diminuer la fréquence et/ou l’intensité (sévérité) des crises.

Stratégie thérapeutique

Traitement individualisé

Il dépend de la fréquence, de la durée et de l’intensité des crises, ainsi que de leur retentissement sur la vie quotidienne, professionnelle et familiale. Il n’y a pas un traitement standard de la migraine, celui-ci doit être adapté à chaque patient.

Traitement de la crise

On distingue les traitements non spécifiques (AINS et aspirine) des traitements spécifiques, qui inhibent l’inflammation neurogène et la vasodilatation à l’origine de la migraine : triptans et dérivés ergotés. Les triptans sont efficaces sur les céphalées, mais aussi sur les symptômes digestifs associés, ainsi que sur l’intolérance au bruit et à la lumière.

En première ligne, AINS et/ou triptan

• Un anti-inflammatoire non stéroïdien : diclofénac, ibuprofène, kétoprofène et naproxène ont fait la preuve de leur efficacité, mais seuls ibuprofène, kétoprofène et l’aspirine associée au métoclopramide ont une AMM et sont utilisés en première intention. Les autres antalgiques ne sont pas recommandés (voir encadré p. 37).

• Un triptan : il est indiqué en cas d’intolérance ou d’inefficacité de l’AINS, ou d’emblée en cas de migraine sévère. À savoir : en pratique, le triptan est prescrit sur la même ordonnance que l’AINS avec pour recommandation de le prendre en traitement de secours, une à deux heures après la prise de l’AINS si ce dernier est inefficace. Des comprimés orodispersibles ou un spray nasal peuvent être privilégiés en cas de vomissements.

• AINS + triptan : la prise simultanée des deux molécules est proposée lorsque les stratégies précédentes ont échoué.

Évaluation du traitement de première ligne

• L’efficacité du traitement s’évalue sur trois crises migraineuses en s’aidant de l’agenda des crises (voir Info+).

• Si l’AINS est efficace sur deux crises sur trois, le traitement par AINS est poursuivi sans recours au triptan.

• Si l’AINS est inefficace ou mal toléré sur au moins deux crises sur trois, le triptan est pris en première intention pour traiter les crises suivantes.

• Il est recommandé de tester un triptan sur au moins trois crises (sauf intolérance) avant de conclure à son inefficacité et d’essayer un autre triptan car il existe une grande variabilité interindividuelle de ces molécules.

En deuxième ligne, les ergotés

Les dérivés ergotés vasoconstricteurs, du fait d’une moins bonne efficacité par rapport aux triptans et de leurs effets indésirables potentiels, sont employés en deuxième intention, en cas d’échec des triptans. « Toutefois, ils fonctionnent bien chez certains patients, qui les utilisent de longue date, et peuvent être essayés chez ceux qui ne répondent pas aux triptans », explique le Dr Donnet.

Traitement de fond

Instauration

Un tel traitement est indiqué dès lors que le patient consomme depuis trois mois les traitements de la crise plus de deux jours chaque semaine, et ce, même si ces traitements sont efficaces.

Utilité

Le traitement de fond ne supprime pas les crises mais atténue leur fréquence et leur intensité, donc diminue la consommation des traitements de la crise. Le traitement de fond est jugé efficace lorsqu’il réduit la fréquence des crises d’au moins 50 %. L’évaluation se fait au terme de trois mois de prise.

Molécules utilisées

• Les bêta-bloquants (propranolol, métoprolol) sont privilégiés en première intention en l’absence de contre-indications à ces traitements.

• En cas d’inefficacité, d’intolérance ou de contre-indication, une autre molécule est utilisée en fonction du terrain, des comorbidités et de sa balance bénéfice/risque. Ainsi, le topiramate a une AMM et une bonne efficacité dans le traitement de fond de la migraine. Le rapport bénéfice/risque des autres traitements disposant d’une AMM (pizotifène, oxétorone, flunarizine) dans cette indication est en cours de réévaluation.

Des médicaments hors AMM sont parfois aussi employés : valproate de sodium, venlafaxine, amitriptyline, qui a une indication dans les algies rebelles, candésartan…

En cas d’échec

Si le traitement de fond instauré en première intention, à dose maximale tolérée, échoue, une autre molécule est proposée, voire l’association de deux traitements de fond à faible dose.

En cas d’efficacité

Le ou les traitements sont poursuivis durant six mois à un an avant d’être progressivement diminués pour éviter un effet rebond ou l’apparition d’un syndrome de sevrage. Le même traitement sera repris si les crises de migraine se reproduisent trop fréquemment.

Médicaments de la crise

AINS et aspirine

• Molécules. Seuls l’ibuprofène, le kétoprofène et l’association aspirine-métoclopramide ont une AMM spécifique dans la migraine.

• Mode d’action : les AINS et l’aspirine inhibent les cyclo-oxygénases, enzymes impliquées dans la synthèse de prostaglandines médiatrices de l’inflammation. Le métoclopramide prévient les vomissements par blocage des sites dopaminergiques.

• Effets indésirables : surtout digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, constipation, flatulence, risque d’ulcérations peptiques, perforations ou hémorragies gastro-intestinales pouvant être fatales), exacerbation de la maladie de Crohn ou de rectocolite hémorragique, rarement, réactions cutanées graves (Stevens-Johnson…).

Risque de rétention hydrosodée, d’aggravation d’une HTA. Liés au métoclopramide : comme tout neuroleptique, risque de syndrome extrapyramidal (voir Dico+), réversible avec l’arrêt du traitement, notamment si la dose maximale est dépassée ; d’où la nécessité de respecter au moins six heures entre chaque prise. Également rapportés : somnolence, tremblements, vertiges, céphalées, hallucinations, convulsions. Des effets indésirables cardiaques graves sont décrits.

• Surveillance : des douleurs digestives inhabituelles ou un rash cutané imposent l’arrêt du traitement et un avis médical. Le risque d’effets indésirables digestifs est majoré en cas de posologie élevée, de traitement prolongé, d’âge supérieur à 65 ans, d’antécédent d’ulcère gastroduodénal, d’association à un traitement anticoagulant ou antiagrégant ou à un corticoïde.

Triptans ou agonistes sérotoninergiques

• Molécules : almotriptan (Almogran), élétriptan (Relpax), frovatriptan (Isimig, Tigreat), naratriptan (Naramig), rizatriptan (Maxalt, Maxaltlyo), sumatriptan (Imigrane, Imiject), zolmitriptan (Zomig, Zomigoro).

• Mode d’action : ces agonistes sélectifs des récepteurs à la 5-hydroxytryptamine (5HT1) agissent principalement sur des récepteurs impliqués dans la vasoconstriction de vaisseaux intracrâniens. Ils s’opposent ainsi à la vasodilatation à l’origine de la douleur. Ils limitent aussi la libération de médiateurs pro-inflammatoires impliqués dans la migraine.

• Effets indésirables. Principalement et de façon transitoire : fatigue, somnolence, nausées, bouffées vasomotrices, fourmillements, sensation de gorge serrée ou d’oppression thoracique. Augmentation possible et transitoire de la pression artérielle. Effet vasoconstricteur possible au niveau coronarien, d’où leurs contre-indications.

Dérivés ergotés

• Molécules : dihydroergotamine en pulvérisation nasale (Diergo-spray), ergotamine en association à la caféine (Gynergène caféiné).

• Mode d’action : agonistes puissants de divers récepteurs sérotoninergiques, dont ceux au niveau intracrânien.

• Effets indésirables : congestion nasale ou rhinorrhée pour le spray nasal, nausées, vomissements, dysgueusie, sensations de vertige et flush, fourmillements. Risque d’ergotisme pour la forme orale notamment. Un usage chronique peut entraîner un vasospasme et une fibrose pleurale ou rétropéritonéale.

• Surveillance : arrêt du traitement en cas de suspicion de spasmes vasculaires et consultation du médecin. Les patients ayant des antécédents de fibrose liée à des médicaments doivent être régulièrement suivis.

• Conservation : solution nasale de dihydro-ergotamine à préparer juste avant utilisation et à jeter au bout de huit heures.

Médicaments du traitementi de fond

Bêta-bloquants

• Molécules : métoprolol (Lopressor, Seloken), propranolol (Avlocardyl).

• Mode d’action : les bêta-bloquants ont une action vasoconstrictrice, d’où leur intérêt dans la migraine.

• Effets indésirables : fatigue, bradycardie, refroidissement des extrémités, maladie de Raynaud, insomnies, cauchemars, impuissance. Chez le patient diabétique, ils peuvent masquer certains signes annonciateurs d’une hypoglycémie.

• Surveillance : jamais d’interruption brutale du traitement.

Anti-épileptique

• Molécule : topiramate (Epitomax).

• Mode d’action : le mécanisme du topiramate comme antimigraineux est mal connu.

• Effets indésirables : diminution de l’appétit, perte de poids, insomnie, sensation de vertige, dysgueusie, fatigue, somnolence, diplopie, vision trouble, diarrhées, nausées, troubles de l’humeur, voire dépression. Des cas de glaucome secondaire par fermeture de l’angle sont également rapportés.

• Surveillance : les altérations du champ visuel doivent être signalées au médecin et peuvent nécessiter un examen ophtalmologique en urgence.

Autres molécules

Pizotifène (Sanmigran)

• Mode d’action : dérivé tricyclique possédant des propriétés antisérotoninergique, antihistaminique et faiblement anticholinergique. Il s’oppose aux médiateurs chimiques responsables de la crise migraineuse.

• Effets indésirables : somnolence, nausées, sécheresse de la bouche, prise de poids. Rarement : troubles digestifs, vertiges, douleurs musculaires. Des atteintes hépatiques sont rapportées par ailleurs.

Oxétorone (Nocertone)

• Mode d’action : anti-H1 qui possède des propriétés antagonistes de la sérotonine et de la dopamine. L’oxétorone a aussi des propriétés antalgiques et anti-émétiques.

• Effets indésirables : somnolence, parfois tremblements, des syndromes dépressifs sont décrits. Rarement : diarrhées nécessitant l’arrêt du traitement.

Flunarizine (Sibelium)

Cette molécule ne doit être prescrite que lorsque les autres traitements sont mal tolérés et sur une période de six mois maximum.

• Mode d’action : anti-H1, antidopaminergique et anticholinergique, antagoniste calcique sélectif.

• Effets indésirables : prise de poids, insomnie, somnolence, tremblements, sécheresse buccale, troubles gastro-intestinaux, hypotension, myalgies, irrégularités menstruelles, douleur mammaire, œdème périphérique.

• Surveillance : des signes dépressifs ou faisant évoquer un symptôme extrapyramidal nécessitent l’arrêt du traitement.

Traitements non médicamenteux

• La sophrologie, la relaxation, le biofeedback (rétrocontrôle, voir info+) et thérapies cognitives et comportementales permettent de mieux gérer le stress. Sachant que les migraineux sont des sujets qui ne vivent pas bien le stress. Ces méthodes aident également à mieux régir l’impact psychologique de la maladie.

Surtout utiles en traitement de fond, ils sont complémentaires des médicaments. Particulièrement indiqués en cas de trouble anxieux associé, ils sont aussi efficaces en leur absence. Le problème est qu’ils ne sont pas pris en charge et que les structures spécialisées les réservent aux patients les plus gravement touchés.

• L’acupuncture et l’homéopathie ne présentent pas assez de données pour pouvoir conclure à leur efficacité.

• Les manipulations cervicales ne sont pas recommandées.

Suivi

« Tout patient migraineux doit régulièrement consulter son médecin, ne serait-ce que pour faire un point sur le nombre de traitements de crise pris les derniers mois écoulés ou encore vérifier sa tension artérielle pour prendre les médicaments en toute sécurité », insiste le Dr Anne Donnet. Ce suivi repose en grande partie sur l’analyse des informations contenues dans l’agenda de crises du patient.

Une réévaluation médicale est notamment nécessaire en cas de désir de grossesse.

Conseils aux patients

Observance

Respecter les doses

L’instauration d’un traitement de fond nécessite une bonne observance. Recommander de bien respecter la posologie prescrite car accroître les doses ne serait pas plus efficace mais augmenterait le risque d’effets indésirables. Et ne jamais arrêter le traitement de son propre chef.

Moment de prise

• En cas de migraine sans aura, prendre l’AINS et/ou le triptan le plus tôt possible, dès le début de la céphalée.

• Si une première prise d’AINS ou de triptan n’est pas efficace, ne pas reprendre une seconde dose du même traitement au cours d’une même crise car elle sera inefficace aussi. On préconise alors de prendre :

→ soit le triptan prescrit en l’absence d’efficacité une à deux heures après la prise de l’AINS,

→ soit un AINS.

Si ces traitements testés sur trois crises ne sont pas actifs, il faut consulter ou reconsulter le médecin.

• Si la première dose de l’AINS ou du triptan est efficace mais que les céphalées reprennent, une deuxième dose du même traitement peut être prise avec un intervalle de deux à quatre heures généralement selon les spécialités.

• En cas de migraine avec aura, prendre un AINS dès le démarrage afin de prévenir ou limiter la céphalée ultérieure car les triptans ne sont pas efficaces sur l’aura, et attendre le début de la céphalée pour prendre le triptan éventuellement prescrit.

Inciter à tenir un agenda

Il est très utile d’utiliser un agenda des crises (disponible sur le site www.sfemc.fr), dans lequel le patient notera au fur et à mesure tous les traitements pris pour les soulager. L’orienter vers une consultation médicale dès lors que la consommation des traitements de la crise migraineuse (AINS, paracétamol, aspirine, triptan ou dérivé ergoté) paraît excessive (voir Interview p. 33).

Évaluer la surconsommation médicamenteuse

• Un questionnaire rapide permet de jauger l’efficacité des antalgiques pris en automédication par un patient grâce à quatre questions :

– « Êtes-vous suffisamment soulagé une à deux heures après la prise de ce traitement ? »

– « Utilisez-vous une seule prise de ce traitement dans la journée ? »

– « Ce traitement est-il efficace sur au moins deux crises sur trois ? »

– « Est-ce que vous le tolérez bien ? »

→ Si le patient répond « oui » à toutes les questions, nul besoin de changer son traitement.

→ S’il répond « non » à au moins une question, lui conseiller de revoir son médecin car les traitements ne sont pas assez efficaces et peuvent conduire à un abus médicamenteux.

• Le dossier pharmaceutique permet d’avoir une idée des médicaments de la crise pris lors des derniers mois ou semaines.

Automédication

• Pas d’association des AINS entre eux, notamment ibuprofène ou aspirine en automédication et AINS sur prescription !

• Signaler systématiquement les traitements pris à tout professionnel de santé en raison des interactions possibles.

Vie quotidienne

Gérer son « handicap »

Des échelles d’évaluation de la qualité de vie et du retentissement fonctionnel montrent qu’un quart des migraineux souffre d’une maladie très invalidante. Leur qualité de vie apparaît plus altérée que celle de personnes atteintes d’asthme, de diabète, d’hypertension ou d’autres troubles jugés plus sévères. Entre les crises, l’évitement des situations générant des crises amène certains à abandonner des activités sportives, des déplacements, etc.

Les variations du rythme de vie sont les principaux facteurs déclenchants des crises. Il est conseillé aux patients d’apporter de la régularité dans leurs habitudes de vie (lire ci-dessous).

Avoir une bonne hygiène de vie

« Il est certain qu’une bonne hygiène de vie aide à limiter l’apparition des crises », affirme le Dr Donnet. Dormir assez et se coucher à heure régulière, ne pas sauter de repas, s’hydrater…

Alimentation

Il est conseillé de modifier des habitudes irrégulières qui peuvent causer des crises. Le petit déjeuner doit être suffisant et les repas pris à heures régulières et équilibrés. Le jeûne et l’irrégularité des repas avec un risque d’hypoglycémie à la mi-journée peuvent générer des crises. La consommation de caféine doit être régulière en dépit des alternances travail/repos.

Sommeil

Ne pas se coucher trop tard, éviter les siestes prolongées et écourter les grasses matinées.

Gérer stress et repos

Les patients doivent apprendre à gérer le stress au quotidien et peuvent être aidés par des méthodes non pharmacologiques (voir plus haut). Ils doivent aussi être attentifs aux relâchements brutaux (vacances), qui peuvent déclencher une migraine (« migraine de week-end »).

Activités physiquess

Les efforts intenses sont déconseillés mais une activité physique régulière est bénéfique.

Sevrage tabagique

Dans certains cas, il donne à lui seul de bons résultats. Il est notamment à encourager chez les jeunes femmes.

Combattre les idées reçues

La migraine n’est pas psychologique mais bien une maladie. Même s’il n’y a pas de traitement « radical », des solutions existent pour diminuer l’intensité, la durée et la fréquence des crises afin d’offrir une meilleure qualité de vie.

Trucs et astuces

Ils ne suffisent pas à enrayer une crise mais peuvent atténuer transitoirement la douleur.

→ En cas de survenue d’une crise, se mettre à l’abri de la lumière et du bruit ; éteindre tous les écrans, téléphone mobile… Penser à s’hydrater en cas de vomissements.

→ L’application de froid sur la zone douloureuse, en créant une vasoconstriction peut aider à soulager la douleur : poche de froid, bandeaux de cryothérapie, Cryochrono, crayon de menthol à appliquer sur les tempes…

→ Le café pris dès les signes annonciateurs peut avoir un effet vasoconstricteur.

→ Se protéger des variations lumineuses brutales avec des verres teintés.

→ Le recours à l’aromathérapie peut être utile à certains patients : huile essentielle de menthe poivrée à appliquer sur le front ou les tempes ou roll on prêt à l’emploi, tels Arkopharma Migrastick, Roller Puressentiel Maux de tête…

Tous nos remerciements au Docteur Anne Donnet, neurologue au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital de La Timone à Marseille (13), et au docteur Dominique Valade, neurologue, créateur du centre d’urgences céphalées à l’hôpital Lariboisière à Paris et du diplôme interuniversitaire Migraines et céphalées.

Info+

→ Tout le monde peut faire une crise migraineuse dans des conditions défavorables. En revanche, chez les migraineux, le seuil de déclenchement de la crise est plus bas que chez les non-migraineux, ce qui explique la répétition des crises.

Info+

→ La céphalée de tension se distingue de la migraine par son caractère plus diffus, non pulsatile, non aggravé par l’effort, moins intense, sans signes digestifs, parfois accompagnée de phonophobie ou de photophobie mais pas des deux en même temps. Elle est beaucoup plus fréquente que la migraine. Un patient peut souffrir à la fois de migraine et de céphalée de tension.

→ Différence entre un scotome et des phosphènes. Le scotome scintillant est une tache aveugle bordée d’un arc scintillant caractéristique de la migraine. Il persiste les yeux fermés et touche les deux yeux. Les phosphènes sont plusieurs taches lumineuses scintillantes qui prennent la forme de flashs, taches colorées, zébrures, etc.

Interview
Le risque de chroniciser une céphalée migraineuse est réel en cas d’abus des traitements de crise”

Docteur Anne Donnet

neurologue, Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital de La Timone, Marseille (13)

À quoi faut-il être attentif à l’officine face à un patient migraineux ?

Deux points me semblent importants à surveiller ou à vérifier. D’abord, être vigilant si le patient se plaint de céphalées qui ne se présentent pas comme d’habitude. Un avis médical est alors essentiel car la céphalée peut cacher une autre pathologie. Ensuite, repérer des consommations abusives de traitements de la crise quels qu’ils soient, AINS, triptans ou encore paracétamol, car il existe un risque réel de chronicisation des céphalées migraineuses. Par exemple, des demandes répétées d’antalgiques d’automédication que le patient croit sans risque parce qu’en vente libre, ou des demandes d’antalgiques qui s’ajoutent aux médicaments prescrits par le médecin.

La règle est simple : le patient doit savoir que si lors des trois derniers mois écoulés, il a pris des traitements de la crise plus de deux jours par semaine, il existe un risque de céphalées chroniques, « auto-entretenues ». Une prise en charge adaptée avec mise en route d’un traitement de fond peut alors être nécessaire.

Est-ce qu’être migraineux expose à une augmentation du risque cardio-vasculaire ?

Non s’il s’agit de migraines sans aura, ce qui est la grande majorité des cas. Oui en revanche en cas de migraines avec aura, et d’autant plus qu’il existe un tabagisme associé ou la prise d’une contraception estroprogestative. D’ailleurs, cette dernière est contre-indiquée chez les femmes souffrant de migraines avec aura ; la pilule microprogestative peut par exemple être utilisée dans cette situation.

Info+

→ Pour certains experts, il n’y aurait que des migraines avec aura mais dans 80 % des cas les auras sont silencieuses.

Info+

→ Agenda des crises. Il optimise la prise en charge du patient, qui y note les jours des crises migraineuses, leur durée et leur intensité, les facteurs déclenchants éventuels et les médicaments pris sur prescription ou non. Cet outil permet notamment de guider les modalités thérapeutiques et de dépister un abus médicamenteux.

→ Des produits ont disparu. Le méthysergide à la balance bénéfice/ risque défavorable n’est plus disponible sur le marché. Les médicaments per os à base de dihydroergotamine, indiqués notamment dans le traitement de fond de la migraine, ont été retirés du marché en 2013 en raison d’un risque de fibrose ou d’ergotisme et de leur efficacité limitée.

Info+

→ Lors de la grossesse : le paracétamol est privilégié. L’aspirine et les AINS sont contre-indiqués à partir du cinquième mois révolu. Les triptans sont déconseillés par prudence. Si un traitement de fond est nécessaire, un bêta-bloquant est favorisé, en l’arrêtant quelques semaines avant l’accouchement.

Principales contre-indications médicales

Triptans : antécédents, symptômes ou signes de pathologie cardiaque ischémique (infarctus du myocarde, angine de poitrine…) ou HTA sévère ou non contrôlée, antécédents d’AVC, pathologie vasculaire périphérique, insuffisance hépatique sévère.

Dérivés ergotés : insuffisance coronaire, états infectieux sévères, maladie de Raynaud, antécédents d’AVC, HTA mal contrôlée, insuffisance hépatique sévère.

Bêta-bloquants : asthme et BPCO dans leurs formes sévères, insuffisance cardiaque non contrôlée, choc cardiogénique, blocs auriculoventriculaires, bradycardie (< 45 à 50 battements par minute), maladie de Raynaud et troubles artériels périphériques dans leurs formes sévères, hypotension.

Topiramate : femme enceinte, femme n’utilisant pas de méthode contraceptive efficace (DIU au cuivre par exemple).

Pizotifène : glaucome à angle fermé, troubles urétro-prostatiques.

Flunarizine : maladie dépressive, maladie de Parkinson, antécédents de symptômes extrapyramidaux.

Les « mauvais antalgiques » de la crise

Le paracétamol a une action modeste et peut être à l’origine d’une toxicité hépatique, notamment employé à forte dose ou de façon régulière. Une utilisation récurrente peut aussi induire des céphalées chroniques quotidiennes (voir Interview p. 33). Les associations caféine/aspirine ou caféine/paracétamol n’ont pas fait la preuve de leur supériorité ; de plus, la caféine peut favoriser un comportement addictif. Les opioïdes, codéine, tramadol et opioïdes forts peuvent induire un abus médicamenteux et une addiction ; ils augmentent également les nausées.

Info+

→ Le rétrocontrôle (ou biofeedback) est une technique qui aide le patient à reprendre le contrôle de son corps pour enrayer la survenue de certains troubles : incontinence urinaire ou rééducation abdo-périnéale après un accouchement, incontinence anale, migraine…

Info+

→ Ergotisme : vasoconstriction artérielle intense pouvant être à l’origine d’une ischémie périphérique.

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ La migraine est une maladie d’origine génétique responsable de la répétition de crises sous l’influence de facteurs déclenchants.

→ Elle se manifeste par des crises associant céphalées et signes fonctionnels, surtout digestifs, espacées de périodes sans douleur.

→ Les céphalées présentent au moins deux caractéristiques parmi unilatérales, pulsatiles, modérées ou sévères, aggravées par les activités de routine, et sont accompagnées d’au moins un des signes suivants : nausées et/ou vomissements, photophobie et/ou phonophobie.

→ Dans 20 % des cas, la migraine est précédée de symptômes neurologiques, le plus souvent visuels, appelés aura.

→ Bénigne, la migraine altère néanmoins fortement la qualité de vie. Les migraines avec aura augmentent le risque cardio-vasculaire, notamment en association au tabagisme et/ou à une contraception estroprogestative.

SUR LE TRAITEMENT

→ Traitements de la crise : AINS, triptans, dérivés ergotés (dihydroergotamine par voie nasale, ergotamine).

→ En cas de migraine sans aura : à prendre dès le début de la céphalée migraineuse. À renouveler, si efficace, après deux à quatre heures si besoin. En cas d’inefficacité, inutile de reprendre une prise du même traitement.

→  En cas de migraine avec aura : prendre l’AINS au moment de l’aura (triptans inefficaces à ce stade). Le cas échéant, prendre le triptan quand la céphalée migraineuse survient.

→ Dans tous les cas : l’efficacité des traitements s’évalue sur au moins trois crises de migraine. En raison de la grande variabilité interindividuelle des triptans, il peut s’avérer nécessaire d’en essayer plusieurs.

→ Traitement de fond : indiqué en cas de prise des traitements de la crise plus de deux jours chaque semaine depuis trois mois, et ce, même si ces traitements sont efficaces.

→ Autres : relaxation, thérapies cognitives et comportementales de gestion du stress et rétrocontrôle ont fait preuve de leur efficacité.

SUR LE PATIENT

→ Prévention : les variations du rythme de vie sont les principaux facteurs déclenchants des crises migraineuses.

→ Essayer d’avoir une bonne hygiène de vie : un sommeil suffisant, des repas équilibrés à heures régulières, une bonne hydratation… Et apprendre à gérer son stress.

→ Des gestes simples soulagent la douleur : s’allonger dans une pièce calme et sombre, appliquer du froid sur le front.

→ Tenir un agenda des crises permet au médecin d’ajuster le traitement et de détecter tout signe d’abus des traitements de la crise (y compris paracétamol, aspirine, codéine…), qui peuvent conduire à des céphalées chroniques.

→ Consultation en urgence en cas de céphalée inhabituelle.