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Les prescriptions des paramédicaux

Publié le 1 novembre 2023
Par Christine Julien
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Les professionnels de santé paramédicaux ont l’autorisation de prescrire des produits de santé dans le cadre de leur exercice sous certaines conditions. Le point sur les ordonnances des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes et pédicures podologues.

Ce kiné a-t-il le droit ou pas ? Et cette infirmière ? Tiers payant ou pas ? Plusieurs professionnels paramédicaux ont le droit de prescrire des produits de santé, mais au comptoir, le doute subsiste parfois sur qui a le droit de prescrire quoi. De plus, ces droits évoluent régulièrement, avec notamment en juin 2023 ceux des ergothérapeutes (voir p. 18). Dans cet article, nous nous limiterons à quatre professions, celles d’infirmier, de pédicure podologue, de masseur-kinésithérapeute et d’ergo-thérapeute. Des dispositifs médicaux et des aides techniques sont majoritaires sur les listes autorisées, mais quelques médicaments y figurent.

La liste de ces produits, fixée au Journal officiel, est consultable sur www.ameli.fr, rubrique Professionnels de santé, « Votre exercice libéral ».

La prescription

L’ordonnance est établie en double exemplaire. Le tiers payant est autorisé pour les quatre professions.

Les mentions.

→ Le prescripteur : nom, adresse et qualité (métier et numéro Adeli ou RPPS). Date de prescription. Signature du prescripteur. L’ergothérapeute indique son lieu d’exercice (structure et adresse et le Siret).

→ Le patient : nom, âge, sexe. Et mention ALD le cas échéant.

→ Les produits : nom, posologie et mode d’emploi. Quantité prescrite ou durée de traitement. Si le produit est non remboursé, l’indiquer selon les articles L 1624 et L 162-8 du Code de la santé publique (CSP).

Le remboursement.

→ Pour le matériel. La prescription ne doit pas excéder 12 mois, renouvellement(s) compris. La première délivrance se fait si l’ordonnance est datée de moins de 6 mois (Art. R 165-40 du Code de la sécurité sociale).

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Délivrance pour un mois de traitement de trente jours du conditionnement le plus économique.

→ Pour les médicaments. Vu qu’aucun médicament listé n’est autorisé à la prescription pour ces professions sauf pour les infirmiers avec la pilule (voir p. 16), la prescription ne doit pas excéder douze mois, renouvellement(s) compris. La première délivrance se fait si l’ordonnance est datée de moins de trois mois (source : Ameli).

Pas de substitution !

L’officinal n’a pas le droit de modifier la prescription de dispositif médical ou d’aide technique, ou sous condition (voir ci-après) parce que :

→ la substitution de dispositifs médicaux, dès lors qu’ils sont prescrits sous un nom de marque, n’est pas légalement autorisée sauf avec l’accord exprès et préalable du prescripteur ou en cas d’urgence et dans l’intérêt du patient (Art. L 5125-23, alinéa 1er du CSP),

→ et en raison de l’article L 716-10 du Code de la propriété industrielle qui punit de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende toute personne qui sciemment livre un produit ou fournit un service autre que celui qui lui est demandé sous une marque enregistrée.

Cependant, cela pourrait changer. La loi du 23 décembre 2022 de financement de la Sécurité sociale pour 2023(1) a ouvert la possibilité pour le pharmacien de délivrer un produit comparable. La liste des produits et les conditions n’ont pas été fixées. En attendant, l’officinal n’a pas le droit de changer une marque de pansement ou d’orthèse spécifiée.

Les infirmiers

La loi du 21 décembre 2006(2) de financement de la Sécurité sociale a reconnu un droit de prescription aux infirmiers. D’abord réservé à certains dispositifs médicaux, ce droit a été étendu au renouvellement des médicaments contraceptifs en 2009(3), aux substituts nicotiniques en 2016(4), aux antiseptiques et au sérum physiologique à prescription médicale facultative en 2019(5) et aux vaccins du calendrier vaccinal et de la grippe depuis le 10 août 2023(6).

Dispositifs médicaux (DM).

Un premier droit de prescription de DM leur a été accordé en 2007(7)« lorsqu’ils agissent pendant la durée d’une prescription médicale d’une série d’actes infirmiers et dans le cadre de l’exercice de leur compétence à prescrire aux patients, sauf en cas d’indication contraire du médecin… » La liste, modifiée en 2012(8), distingue trois situations :

→ pendant la durée d’une prescription médicale d’actes infirmiers. Exemple, le médecin prescrit des pansements à faire X jours.

Articles pour pansements : pansements adhésifs stériles avec compresse intégrée support textile (Cosmopore E, Mepore…) et film (Tegaderm+Pad…) ; pansements absorbants stériles non adhésifs (Zetuvit…) ; compresses stériles non tissées (Vliwasoft…) ; compresses stériles de gaze hydrophile (Sterilux ES…) ; compresses non tissées non stériles (Mesoft.) ; coton hydrophile en 100 g ; sparadraps non élastiques (non tissés microporeux, non tissés extensibles, tissés, plastiques, voir Porphyre n° 542, mai 2018) ; filet tubulaire de maintien élastique ou non (TG Fix, Surgifix…) ; jersey tubulaire de maintien (Tubifast 2-way Stretch.) ; bande de fixation (en crêpe 100 % coton, en crêpe de coton et fibres synthétiques tel Nylexocrep…) ; bandes de fixation extensibles auto-adhérentes ou pas (Velpeaunyl, Nylex, Peha-haft.) ; bandes adhésives (inélastiques tel Taping Plaster band. et élastiques tel Elastoplast.) ; films adhésifs semi-perméables stériles (Hypafix Transparent.) ; sets pour pansements plaie aiguë et chronique (Mediset.).

→ Les sutures adhésives stériles type Steri-Strip ne sont pas autorisées.

Accessoires de lit : cerceau pour lit de malade.

DM pour le traitement de l’incontinence et pour l’appareil urogénital (stomies digestives et urinaires) : étuis péniens, joint et raccord ; plat bassin et urinal ; dispositif pour colostomisé pratiquant l’irrigation ; nécessaire pour irrigation colique ; poches et supports, filtres, tampons absorbants ; bouchon de matières fécales ; ceinture, clamp ; collecteur d’urines ; pâte pour protection péristomiale ; sondes vésicales pour auto et hétérosondages ; accessoires stériles pour pose de sonde urinaire (Mediset Sondage set…).

Forfaits de consommables et d’accessoires de perfusion à domicile :

Perfadom 21, 22, 24 et 45C. Il s’agit de forfait de consommables, de sets de matériel pour l’entretien intercure par voie centrale et pour débrancher un diffuseur ou un système actif : MediSet rinçage voie centrale, Mediset pose sur Picc Line, Mediset débranchement…

→ Idem que précédemment et en plus, sous réserve d’avoir informé le médecin traitant.

DM d’aide à la prévention des escarres : matelas en mousse de haute résilience type gaufrier (Asklé…) ; coussins à air statique (Softcare…) ; coussins en gel (Elastil II…) ; coussin en mousse et gel (Asklé, Escarius…).

→ Seuls les coussins de classe I sont autorisés.

Pansements : hydrocolloïdes (Comfeel, Duoderm…) ; hydrocellulaires (Allevyn, Aquacel Extra, Askina Foam, Biatain Silicone, Drymax Extra, Mepilex, UrgoStart…) ; alginates (Algosteril…) ; hydrogels (Purilon Gel…) ; en fibres (Biatain Fiber, Exufiber, UrgoClean…) ; à base de charbon actif (Askina Carbosorb…) ; à base d’acide hyaluronique (Ialuset Absorb Fine.) ; interfaces (Adaptic Touch, Mepitel, Physiotulle…) ; vaselines (Grassolind Neutral, Jelonet…).

→ Les pansements à l’argent ne sont pas autorisés.

DM d’administration par voie entérale : sonde naso-gastrique ou naso-entérale pour nutrition entérale à domicile (NEAD).

→ Uniquement dans le cadre d’une NEAD incluant une prestation globale de matériel.

→ Idem que précédemment et uniquement dans le cadre d’un renouvellement à l’identique.

L’infirmier ne peut pas changer de catégorie de produit, par exemple de classe de compression.

Orthèses élastiques de contention des membres : chaussettes, bas et collants de compression.

→ Bandes de compression (Rosidal.) et contention non autorisées.

DM pour autotraitement et autocontrôle : accessoires pour le contrôle glycémique avec lancettes pour auto-piqueur, bandelettes, capteurs ou électrodes, et autopiqueurs à usage unique ; seringue avec aiguille pour autotraitement (insuline…) ; aiguilles non réutilisables pour stylo injecteur (BD Micro-Fine, Novofine…) ; ensemble stérile non réutilisable aiguille et réservoir (pour administrer insuline, apomorphine, hormone de croissance, interféron et r-FSG ; voir avec chaque marque) ; embout perforateur stérile.

→ Les bandelettes de cétonémie, FreeStyle Libre 2 et les lecteurs de glycémie ne sont pas autorisés.

Médicaments

→ Les infirmiers peuvent renouveler les prescriptions datant de moins d’un an, de contraceptifs oraux, pilules œstroprogestatives et progestatives(9) pour une durée maximale de six mois, non renouvelable ; cette autorisation concerne les infirmiers qui travaillent en établissement, en libéral, dans un lycée, en PMI, en centre de santé sexuelle et de prévention des universités.

En pratique : le renouvellement se fait sur l’original de l’ordonnance médicale sur laquelle l’infirmier indique ses nom, prénom et numéro RPPS ou Adeli ; la mention « Renouvellement contraception infirmier » ; la durée de ce renouvellement en mois et la date du renouvellement.

→ Les infirmiers peuvent prescrire des substituts nicotiniques à leurs patients. La liste, sur le site Ameli, comprend les patches, gommes, comprimés et pastilles à sucer et comprimés sublinguaux remboursés (Nicorette, Nicopass, NiQuitin…), et les non remboursés comme l’inhaleur (Nicorette…) et le spray buccal (Nicorette Spray…).

→ Ils peuvent prescrire des antiseptiques : chlorhexidine (Septivonremboursés comme l’inhaleur), hypochlorite de sodium (Dakin…), association (Biseptine, Mercryl, Cyteal…).

→ Ils peuvent prescrire et administrer des vaccins(6) du calendrier des vaccinations en vigueur aux personnes âgées de 11 ans et plus, sauf les vaccins vivants atténués (rougeole…) chez les personnes immunodéprimées, ainsi que les vaccins contre la grippe saisonnière aux 11 ans et plus.

Ce sont les mêmes vaccins que l’officine : diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, grippe, papillomavirus humains, rougeole, oreillons, rubéole, hépatites A et B, méningocoque ACWY et B, pneumocoque, varicelle, zona, fièvre jaune, rage.

→ Les infirmiers peuvent prescrire du sérum physiologique mais seulement à prescription médicale facultative en conseil non remboursé : Physiologica Bébé, Bébisol… La majorité a un statut de dispositif médical.

Les masseurs-kinésithérapeutes

Le masseur-kinésithérapeute peut prescrire, sauf indication contraire du médecin, les produits de santé, dont les substituts nicotiniques, nécessaires à l’exercice de sa profession (Art. L 4321-1 du CSP)*.

Dispositifs médicaux.

Dans le cadre de leurs compétences et sans indication contraire du médecin, les masseurs-kinésithérapeutes (MK) peuvent prescrire(10) :

→ à la location, fauteuils roulants à propulsion manuelle de classe I pour une durée de moins de 3 mois ; déambulateur, soulève-malade ;

→ à l’achat, les produits ci-dessous.

Autour du lit : potences et soulève-malade ; matelas en mousse de haute résilience type gaufrier (marques Asklé, Carpenter, Escarius…) ; coussin en mousse monobloc (aucun produit répertorié chez les grossistes) ; barrières de lit ; cerceaux.

→ Le verticalisateur est non autorisé.

Aides à la déambulation : cannes, béquilles et déambulateurs.

Orthèses : attelles souples de correction orthopédique de série (attelle, releveur de pied, attelles de genou, main-poignet.) ; ceintures de soutien lombaire et bandes ceintures de série ; bandes et orthèses de contention souples élastiques des membres de série (bas, chaussettes et manchons de compression).

→ Les bandes adhésives élastiques type Elastoplast et celles de résine ne sont pas prescriptibles.

Incontinence : sonde ou électrode cutanée périnéale pour électrostimulation neuromusculaire pour le traitement de l’incontinence urinaire ; collecteurs d’urines, étui pénien, pessaire, urinal ; attelles souples de posture et/ou de repos de série.

Aide à la fonction respiratoire : débitmètre de pointe.

Médicaments

Les MK peuvent prescrire des substituts nicotiniques à leurs patients(4) selon la même liste que pour les infirmiers.

Les ergothérapeutes

En juin 2023, la liste des dispositifs médicaux et aides techniques que peuvent prescrire les ergothérapeutes a été publiée(11) après un droit octroyé en 2021(12). Les ergothérapeutes salariés d’un prestataire de services et distributeur de matériel ou d’un fabricant de dispositif médical n’ont pas ce droit.

Depuis le 1er juillet 2023, l’ergothérapeute est habilité à prescrire, sauf indication contraire du médecin, les dispositifs médicaux (DM) et aides techniques (AT) dans le cadre d’actes professionnels d’ergothérapie prescrits par un médecin(13).

L’ergothérapeute doit informer le médecin.

Depuis le 23 août 2023, ces DM et AT inscrits sur la liste des produits et prestations (LPP) sont pris en charge par l’Assurance maladie.

→ La liste des DM et AT a été fixée en 2023(11) avec, entre parenthèses, le titre de la LPP s’y référant :

lits médicaux (titre I, chapitre 2, section 1, sous-section 1) ;

dispositifs médicaux d’aides à la prévention des escarres (titre I, chapitre 2, section 1, sous-section 2) ;

appareils modulaires de verticalisation et accessoires associés (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 1) ;

cannes et béquilles (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 2) ;

coussins de série de positionnement des hanches et des genoux (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 3) ;

déambulateurs (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 3) ;

sièges pouvant être adaptés sur un châssis à roulettes (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 7) ;

appareils destinés au soulèvement du malade (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 8) ;

appareils divers d’aide à la vie (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 9) : appareils de soutien partiel de la tête ; casques de protection pour enfant en situation de handicap ; chaise percée avec accoudoirs et seau ; coquille pour bain et socles à inclinaison variable de coquille pour bain pour enfant jusqu’au 16e anniversaire ; gants sur mesure pour mutilation de main ; couteaux, couteaux-fourchettes, liants avec étui ;

véhicules pour personnes en situation de handicap, éventuelles adjonctions, et les produits d’aides à la posture (titre I, chapitre 2, section 2, sous-section 6 et au titre IV) ;

matériaux pour réalisation d’appareils d’immobilisation d’application immédiate, thermoformables à bassetempérature, moulés directement sur les téguments, à état caoutchouteux ou viscoélastique transitoire (titre I, chapitre 1, section 6) ;

ceintures de soutien lombaire et bandes ceintures, de série (titre II, chapitre 1, section E) ;

colliers cervicaux (titre II, chapitre 1, section F) ;

attelles de correction orthopédique de série (titre II, chapitre 1, section G) ;

chaussures thérapeutiques de série (titre II, chapitre 1, section H).

→ Le code LPP de ces produits indique parfois « prescription médicale » sans mentionner la possibilité de prescription par un ergothéra-peute. Une actualisation devrait intervenir sous peu.

En pratique. Pour facturer, le pharmacien renseigne le numéro PS 291990877, indique le matricule (NIR) du patient, utilise la carte Vitale du patient, télétransmet la facture avec l’ordonnance en pièce jointe.

Les pédicures podologues

Les pédicures podologues ont le droit de prescrire des produits de santé depuis 1987(14) et depuis 2018(15), les chaussures thérapeutiques de série.

En direct.

→ Ils prescrivent, confectionnent et appliquent des prothèses et orthèses, onychoplasties, orthonyxies, orthoplasties externes, chaussures thérapeutiques de série, semelles orthopédiques et autres appareillages podologiques visant à prévenir ou à traiter les affections épider-miques et unguéales du pied.

Ils ont désormais le droit de prescrire directement des orthèses plantaires (= semelles), sauf avis contraire du médecin depuis mai 2023(16)

Jusqu’alors, ils ne pouvaient que la renouveler et adapter si besoin.

→ Leurs prescriptions des CHUT et CHUP ne sont pas encore prises en charge par l’Assurance maladie car le Code de la sécurité sociale ne les a pas actées ! Elles nécessitent toujours une prescription médicale pour être remboursées. Cette coquille administrative devrait être réglée sous peu.

→ Ils peuvent prescrire et poser les pansements suivants.

Compresses stériles : de coton et de gaze hydrophile, non tissées, absorbantes ; compresses absorbantes. Systèmes de maintien : jersey tubulaire, pochette de suture adhésive stérile, sparadraps non élastiques (non tissés microporeux, non tissés extensibles, tissés, plastiques).

En renouvellement.

Ils peuvent renouveler l’ordonnance et poser les pansements chez le patient diabétique : hydrocolloïdes, charbon actif, vaselines, en fibres, hydrogels, alginates.

→ Ils ne peuvent pas prescrire de pansement hydrocellulaire ni ceux à base d’argent.

(1) Journal officiel du 24 décembre 2022.

(2) Journal officiel du 22 décembre 2006.

(3) Journal officiel du 22 juillet 2009

(4) Journal officiel du 27 janvier 2016.

(5) Journal officiel du 26 juillet 2019

(6) Journal officiel du 9 août 2023

(7) Journal officiel du 14 avril 2007.

(8) Journal officiel du 30 mars 2012

(9) Journal officiel du 1er juin 2010.

(10) Journal officiel du 13 janvier 2006.

(11) Journal officiel du 16 juin 2023.

(12) Journal officiel du 27 avril 2021.

(13) Journal officiel du 29 avril 2022

(14) Journal officiel du 28 novembre 1987.

(15) Journal officiel du 2 août 2008.

(16) Journal officiel du 20 mai 2023.

*Dans le cadre de deux protocoles de 2018 relatifs à l’entorse de cheville et à la lombalgie, les kinés peuvent aussi prescrire des antalgiques, des anti-inflammatoires et des IPP.

L’avis du spé

En 2022, environ 637 000 infirmiers.

Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers.

Ce droit de prescription, est-il important pour vous ?

Il est essentiel symboliquement et en pratique. Il marque l’évolution, l’émancipation et la responsabilisation de la profession. Cela est essentiel aussi pour les patients, en ces périodes où l’accès au médecin est compliqué, de pouvoir prescrire ce dont ils ont besoin. Et cela restitue du temps médical. Prescrire et vacciner les patients en autonomie permet d’obtenir une meilleure couverture vaccinale.

De plus, un « choc » du vieillissement est à prévoir en France, avec des besoins de soins augmentés. Le meilleur intervenant au bon moment doit pouvoir délivrer la bonne prescription ou le bon soin. Par exemple, pour éviter qu’une plaie à la jambe à la suite d’un coup contre une table basse ne se transforme en ulcère et ne cicatrise plus, un infirmier doit pouvoir intervenir vite au lieu d’attendre trois semaines de passer par un médecin. La liste doit évoluer, non pas pour la profession, mais pour répondre aux besoins des patients et de leur prise en charge. Qu’est-il nécessaire à l’infirmier de prescrire, pour justement mieux répondre aux besoins des patients, tel est le sujet que je porte.

L’avis du spé

En 2022, 101 603 masseurs-kinésithérapeutes dont 86 505 libéraux et 49 % de femmes.

Pascale Mathieu, présidente de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes (MK).

Voulez-vous élargir cette liste, et si oui, pourquoi ?

La prescription est entrée dans les mœurs mais cette liste n’a pas bougé depuis 2006, c’est ridicule… On souhaite aller plus loin, notamment aussi dans le cadre de l’accès direct. On a proposé une liste au ministère de la Santé sur laquelle nous travaillons depuis 2014 ! Elle aurait dû être validée en avril et toujours pas de réponse. Entre autres, nous avons proposé des dispositifs de lavage de nez, des outils de rééducation de la posture linguale, beaucoup plus d’orthèses notamment articulées pour la marche, les boîtiers de stimulation pour électrostimulation de la rééducation périnéale, des compresses de thermothérapie et des patches chauffants, des sparadraps, des chaussures thérapeutiques de série, des préservatifs, des émollients, des antalgiques de palier 1, des AINS, ibuprofène en voie orale, et diclofénac et acide niflumique en voie cutanée, des antifongiques locaux et des antiseptiques hors iodés…

Quelle bêtise ne pas faire face à une ordo de MK ?

La première serait de dire : « Non, votre kiné n’a pas le droit de prescrire ! » Nous aurions intérêt à davantage communiquer avec les pharmaciens, et donc les préparateurs, sur tout ce que nous pourrions conseiller aux patients. Nous travaillons avec des grands brûlés, avec des patients en post-radiothérapie, et quelquefois nous leur conseillons des crèmes. Dans ce cadre-là, on les adresse à la pharmacie. Collaborer serait essentiel sur ce que nous pourrions conseiller.

L’avis du spé

Environ 14 000 à 15 000 ergothérapeutes en France.

Gladys MIGNET, coordinatrice de l’équipe mobile de réadaptation d’Ardevie et d’une équipe locale d’accompagnement sur les aides techniques (EqLAAT). Membre de l’Association nationale française des ergothérapeutes (ANFE), coautrice du guide Prescription des aides techniques par les ergothérapeutes, Recommandations professionnelles, ANFE, juillet 2023.

Pourquoi prescrire est important ? Cette liste reflète-t-elle votre activité ?

La prescription valorise le processus d’accompagnement vers l’aide technique (AT). Nous sommes pointilleux sur l’accompagnement que nous proposons pour les aides techniques que nous préconisions déjà, sans pouvoir les prescrire. Nous réalisons systématiquement une évaluation globale de la personne, de ses occupations et de son environnement. Lorsque l’AT apparaît comme une solution pour améliorer ou sécuriser la participation de la personne, nous pouvons accompagner la définition du cahier des charges, les essais, le choix de l’aide technique, mais aussi former la personne et ses aidants à l’utilisation. Qu’attendez-vous des prestataire de services et distributeur de matériel (PSDM) dont les pharmaciens ?

Parfois, une personne a chez elle du matériel inadapté parce qu’elle n’a pas été assez accompagnée dans l’évaluation et le choix. C’est l’occasion de rappeler aux pharmaciens qu’ils peuvent solliciter une équipe locale d’accompagnement sur les aides techniques (EqLAAT)**. Le médicament peut être très dangereux, et c’est un peu la même chose pour les AT. Les 5 B « administrer au Bon patient, le Bon médicament, à la Bonne dose, sur la Bonne voie, au Bon moment » pourraient s’appliquer aux AT : prescrire au bon patient la bonne AT avec les bonnes caractéristiques, les bonnes modalités (achat location) et au bon moment. Certains sont dans un fauteuil coquille depuis six mois alors que c’est inadapté et trop tôt. Dans un fauteuil roulant trop grand, la personne n’est pas maintenue. Trop lourd, il ne permet pas à l’aidant de le mettre dans le coffre, donc plus de sorties…

Quelles sont les erreurs à ne pas commettre à l’officine ?

L’absence de réglage. Un déambulateur se règle, un lève-personne s’essaie, l’utilisation aux aidants se montre. Permettre à des professionnels bien formés de prescrire conduirait à faire des économies en évitant le matériel non utilisé chez soi.

** Liste sur www.monparcourshandicap.gouv.fr/sites/default/files/2023-01/Annuaire-EqLAAT-2022.pdf

L’avis du spé

14 500 inscrits au tableau avec deux tiers de femmes et un tiers d’hommes.

Éric Prou, président de l’Ordre des pédicures podologues.

Êtes-vous satisfait de votre droit de prescription ?

On demande à allonger un petit peu cette liste. Ajouter les pansements hydrocellulaires, les interfaces, les pansements à l’argent, utiles devant un mal perforant plantaire. Cela devrait pouvoir se faire.

Nous sommes régulièrement confrontés à des ongles incarnés. Quand ils suppurent un peu, il serait utile de faire une antibiothérapie locale de quelques jours avec l’acide fusidique. Et de pouvoir prescrire de l’Emla si c’est douloureux et des AINS locaux. En cas d’aponévrosite plantaire – inflammation du tissu fibreux sous le pied, à la jonction entre le talon et l’arche plantaire -, l’application d’anti-inflammatoire deux fois par jour peut soulager le temps de faire la semelle. On demande aussi le retrait de la prescription uniquement pour le renouvellement des pansements chez les patients diabétiques. Elle est en contradiction avec l’article réglementaire R 4322-1 qui nous donne la possibilité d’accomplir sans prescription médicale préalable la prescription et la pose de pansements. Je pense que ça va être modifié assez rapidement.