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L’ASSURANCE MALADIE AVANCE SES PIONS

Publié le 17 octobre 2015
Par Loan Tranthimy
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Honoraires de dispensation, rémunération sur objectifs pour les génériques… Quelles sont les priorités de Nicolas Revel ? Le nouveau directeur général de l’uNCam préfère d’abord discuter du taux de substitution des médicaments génériques que de la rémunération. Une position qui risque de fragiliser un peu plus encore le réseau officinal.

Signée en avril 2012 par les trois syndicats de pharmaciens (FSPF, USPO et UNPF), la deuxième convention pharmaceutique a marqué clairement un tournant pour le réseau officinal. Elle instaure un nouveau mode de rémunération, d’une part sous la forme des honoraires de dispensation issus du transfert de la marge commerciale et, d’autre part, de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Trois ans après cette signature, l’avenant introduisant des honoraires a été conclu entre la CNAM et le syndicat majoritaire, la FSPF. Or cette réforme, applicable depuis le 1er janvier 2015, reste insuffisante pour limiter les baisses de prix massives programmées dans les projets de loi de financement de la Sécurité sociale successifs. Les conséquences sont immédiates pour l’économie officinale. « Soit – 2,5 % depuis le début d’année, et non pas + 0,5 % comme le prétend l’Assurance maladie. Nous avons le sentiment de subir les actions de maîtrise des dépenses sur le poste du médicament et de n’avoir aucune perspective. Quel est l’avenir du réseau officinal ? », s’interroge Gilles Bonnefond, président de l’USPO.

Pas de renégociation sur la rémunération avant 2016

Invité aux 8es rencontres de ce syndicat le vendredi 10 octobre, le directeur général de l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance maladie), Nicolas Revel, n’est pas resté de marbre face aux inquiétudes des représentants des pharmaciens. Il reconnaît même que la pression sur les produits de santé a été « forte » depuis trois ans (1 Md€ par an environ) et qu’elle restera « importante » pour les deux à trois prochains exercices, pour s’adapter notamment à l’arrivée de nouveaux médicaments onéreux (« c’est pourquoi nous devons être attentifs à l’économie officinale »). Mais face aux appels à de nouvelles négociations des deux syndicats minoritaires (USPO et UNPF) qui n’ont pas signé cet accord, Nicolas Revel a été catégorique. S’appuyant sur le premier bilan établi par l’observatoire de la rémunération présenté aux syndicats le lundi 21 septembre, le patron de l’UNCAM a estimé que la réforme était satisfaisante sur 2015, avec un « impact globalement positif net de 25 millions d’euros, toutes choses étant égales par ailleurs », c’est-à-dire à prix et volumes constants. Conséquence : pour Nicolas Revel, il faudra attendre la seconde étape de la réforme en 2016 (soit 1 € HT au 1er janvier 2016) et le second bilan établi par l’observatoire prévu en mars 2016 avant de modifier l’avenant conventionnel. Sans oublier les résultats des élections professionnelles de décembre qui pourront aussi influencer les négociations en cas de changement de la représentativité syndicale.

« Faut-il aller plus loin ? La question est légitime », déclare Nicolas Revel, qui reconnaît que la CNAM n’a pas « le culte de la rémunération à la boîte ». Mais pour aller vers les honoraires à l’ordonnance, ce que souhaitent les trois syndicats, il a expliqué que son organisme devra encore surmonter un obstacle technique, celui de pouvoir comptabiliser les ordonnances de façon automatisée. Surprenant !

Ces réponses ne satisfont pas l’USPO. Lors de la commission paritaire nationale (CPN) du 14 octobre, Gilles Bonnefond a contesté les chiffres de l’observatoire. Il estime que « la profession est prise entre les baisses de prix et les baisses de volume via la maîtrise des prescriptions. Et l’accord est signé jusqu’en 2017… ». Philippe Besset, vice-président de la FSPF, estime que « la CNAM a donné les chiffres sur les six premiers mois, soit + 0,5 %. Or si on compare sur une année pleine 2015 à 2014, les ressources de l’officine seront égales à 0 %. Avec des charges en hausse, les résultats de 2015 seront négatifs ». Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, « l’Etat et la CNAM ont privilégié les honoraires à la boîte, un dispositif qui améliore la rémunération. Mais la pression économique est forte et cela va fragiliser nombre d’officines. Nous devons trouver des solutions… ». D’où le plan d’urgence que le syndicat compte exposer au ministère de la Santé et présenter au congrès des pharmaciens à Reims le 17 octobre.

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Sanctuariser l’enveloppe de la ROSP génériques

En attendant, les partenaires conventionnels devront s’entendre sur la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) des médicaments génériques. Après plusieurs réunions techniques en septembre, il a été convenu de revoir les modalités de calcul de ce dispositif, celles prévues dans la convention pharmaceutique de 2012 étant considérées comme obsolètes. Des négociations devraient s’ouvrir en novembre, avec pour objectif de clore les discussions « avant la fin de l’année », a expliqué Nicolas Revel. Des orientations ont été présentées le mercredi 14 octobre lors de la Commission paritaire nationale. Sur ce sujet, les trois syndicats de pharmaciens ont été unanimes pour demander une sanctuarisation de l’enveloppe dévolue à la ROSP génériques, soit 142 millions d’euros.

De son côté, la CNAM souhaite aller plus loin pour introduire d’autres éléments que la substitution générique, comme par exemple une indemnité pour le marquage de la mention « non substituable » ou une prime pour la transmission des numéros RPPS des praticiens hospitaliers. « Nous avons deux mois pour finaliser ce nouvel avenant génériques pour 2016. La CNAM a bien travaillé sur l’aspect technique. Il ne reste plus que la négociation économique », annonce Philippe Besset. Mais Nicolas Revel, en négociateur averti, a déjà prévenu. Pour que l’accord soit gagnant-gagnant, « l’Assurance maladie doit évidemment en avoir “pour son argent”, parce qu’elle doit obtenir en contrepartie un certain nombre de retours et la substitution en est un ». La partie ne fait que commencer.

REPÈRES

4 avril 2012

Signature de la convention nationale pharmaceutique.

1er janvier 2015

Application des honoraires de 0,80 euro (HT) par boîte.

1er janvier 2016

Application des honoraires de 1 euro (HT) par boîte.

Génériques : le Tarn est-il un exemple ?

Depuis le 15 juin dans le département du Tarn, « le bénéfice du tiers payant est réservé exclusivement à l’acceptation du médicament générique par l’assuré, y compris pour les prescriptions médicales comportant la mention “non substituable” », indique la CPAM dans un courrier adressé aux assurés. En accentuant également le partenariat avec les syndicats de pharmaciens et de médecins locaux pour renforcer le dispositif « tiers payant contre génériques », la caisse est parvenue à faire progresser de 2,5 % le taux de substitution (taux de délivrance des génériques de 83 % dans le Tarn contre un taux moyen national de 85 %). Interrogé à la marge des rencontres de l’USPO, Nicolas Revel a indiqué que « l’exemple du Tarn va être observé. Un bilan sera établi et nous prendrons la décision de généraliser ou non ».