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Stock, stock, es-tu là ?

Publié le 28 octobre 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Dans le cadre d’une procédure collective, les fournisseurs de la pharmacie peuvent récupérer les produits livrés non payés si l’officine les détient encore. Ce qui reste à prouver.

LES FAITS

 

M. F., pharmacien exerçant en nom propre, connaît des difficultés financières. A tel point que, le 12 juin 2017, une procédure de sauvegarde est ouverte. A la suite de cette décision, la société C saisit le juge-commissaire pour revendiquer la propriété de médicaments non payés par la pharmacie pour une valeur totale de 94 680 €. Or l’inventaire rédigé au lancement de la procédure ne mentionne pas ces médicaments.

LE DÉBAT

 

La procédure de sauvegarde permet à une entreprise traversée par de graves difficultés financières d’obtenir du tribunal une aide pour se réorganiser et assurer l’apurement de ses dettes. A compter de l’ouverture de cette procédure, les créances antérieures et postérieures sont suspendues, les intérêts éventuellement dus ne courent plus. La procédure s’achève par la mise en place d’un plan de sauvegarde que le chef d’entreprise doit respecter.

 

L’article L.624-16 du Code de commerce prévoit qu’un créancier, ayant intégré dans le contrat le liant à son client une clause de réserve de propriété, peut revendiquer les biens livrés mais non payés quand ces derniers sont en nature dans le stock de l’entreprise. Ainsi, jusqu’au paiement complet du prix, le fournisseur reste propriétaire des marchandises livrées. Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, si le paiement n’est pas intervenu, le fournisseur peut demander au juge de les récupérer à condition qu’elles se trouvent encore chez son client. En l’espèce, c’est l’action menée par la société C. Elle démontre que M. F. n’a pas honoré sa facture de 94 680 € correspondant à la livraison de médicaments et demande donc à récupérer ceux qu’il a encore en réserve. Le pharmacien titulaire répond que cela lui est impossible car il n’en possède plus comme l’atteste l’inventaire établi le 29 juin 2017 par un huissier de justice.

 

Le 16 décembre 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) déboute la société C. Pour les magistrats, le Code de commerce impose au fournisseur d’apporter la preuve que les produits dont il réclame le retour se trouvent bien dans le stock de son client. La société C estime, pour sa part, que les magistrats ont fait une erreur dans l’interprétation du droit. Selon elle, l’inventaire réalisé par l’huissier est contestable dans la mesure où les médicaments livrés ne s’y trouvaient pas et qu’il est impossible que la pharmacie ait vendu l’intégralité de la commande. La société C forme donc un pourvoi en cassation.

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LA DÉCISION

 

Le 13 septembre 2023, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats considèrent que le fournisseur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété peut, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, revendiquer la propriété des biens livrés et non payés à condition de prouver que ces biens se trouvent en nature entre les mains du débiteur lors de l’ouverture de la procédure. L’inventaire permet cette preuve. Ils ajoutent qu’en cas d’inventaire incomplet ou si celui-ci n’a pas été réalisé il revient au débiteur de démontrer qu’il n’a plus le bien en stock. Cependant, l’absence des médicaments pourtant livrés et non payés sur l’inventaire « n’est pas de nature, en elle-même, à établir son caractère incomplet ».

     
 
 
 

À retenir

Dans le cadre d’une procédure collective, si le contrat le prévoit, un ou plusieurs fournisseurs peuvent récupérer les marchandises livrées et non payées dès lors qu’elles se trouvent encore dans le stock de son client.

Il revient au créancier de prouver que son client détient toujours les marchandises en nature à l’aide de l’inventaire établi lors de l’ouverture de la procédure.

Le fait que les marchandises ne figurent pas sur l’inventaire n’est pas un élément suffisant pour le rendre incomplet et imposer au client de démontrer qu’il a revendu la marchandise.

  • Source : Cass. com., 13 septembre 2023, n° 22-12.206.