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Médicaments à base d’amoxicilline : « Des hausses de prix dérisoires »

Publié le 4 novembre 2023
Par Magali Clausener
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Pour faire face aux pénuries de médicaments, le gouvernement a augmenté les prix des produits à base d’amoxicilline. « Une rustine » pour Karine Pinon, présidente de l’Association des moyens laboratoires et industries de santé (AMLIS), qui dresse un constat plus que mitigé de la politique actuelle du médicament.

 

« Les hausses de prix de l’amoxicilline sont dérisoires. Et temporaires. C’est une rustine car cela ne change pas la dynamique pour des produits de santé qui ne sont pas économiquement viables. On cultive l’hérésie économique dans ce pays », déclare d’emblée Karine Pinon. La présidente de l’AMLIS ne mâche pas ses mots. Et d’expliquer que 72 % des produits de santé ont un prix inférieur à 5 € et représentent seulement 12 % des dépenses de santé.

Les Français prêts à payer plus 

Quelles sont alors les solutions ? Selon le sondage réalisé par OpinionWay pour l’AMLIS, 59 % des Français sont prêts à payer 40 centimes de leur poche pour des médicaments made in France ou Europe. « Ce sondage confirme ce que nous pressentions : les Français veulent plus de transparence et sont prêts à payer plus pour des médicaments produits en France ou en Europe, car il faut raisonner au niveau de l’Europe, explique Karine Pinon. Mais fabriquer en France c’est 40 % plus cher qu’en Chine ou en Inde. Il faut que cette différence de coût soit financée d’une manière ou d’une autre, peut-être par la Sécurité sociale. Il est à noter que les Français sont prêts à payer, par exemple 40 centimes de plus. » Pour la présidente de l’AMLIS, il est incohérent que, dans le même temps, l’Assurance maladie prenne en charge à 100 % la vaccination contre la bronchiolite, sachant que le prix du vaccin s’élève à 600 € et que 200 000 doses ont été commandées par l’Etat. Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché des ruptures de stock.

Etudes de stabilité 

Si de faibles hausses de prix des médicaments peu chers ne peuvent suffire, la dispensation à l’unité (DAU) peut-elle permettre de lutter contre les pénuries ? Karine Pinon n’est pas opposée au principe de la DAU pour certains antibiotiques, tout en soulignant que les conditionnements sont adaptés aux posologies. En revanche, industrialiser la DAU lui paraît très complexe. « Par exemple, pour faciliter le déconditionnement il faudrait des blisters prédécoupés. Ce qui implique d’avoir des blisters en aluminium mais également de refaire des études de stabilité de la conservation du médicament. Ce qui représente un coût pour des produits dont la marge est déjà négative. Et cela ne répondra pas aux problèmes de pénuries de médicaments », observe-t-elle. Sans oublier les problèmes de traçabilité que pose la DAU.

Courage politique 

Pour Karine Pinon, la problématique des prix et celle de la prise en charge par l’Assurance maladie ont une importance cruciale. D’autant que les charges des industriels ont largement augmenté. « En 2021, par exemple, on payait 50 € le kilowatt. En 2022, c’était 300 € et cette année 150 €. Certes, les tarifs sont stabilisés mais ils ne reviendront jamais au niveau de 2021 », souligne la présidente de l’AMLIS. Et de conclure : « Je suis convaincue que tous les acteurs du secteur ont a une bonne compréhension des problèmes mais il n’y a pas le courage politique d’aller plus loin et de dire aux Français qu’ils devraient participer davantage financièrement à l’achat de leurs médicaments, soit par une participation directe soit par l’augmentation des cotisations sociales ».

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