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Ordre des pharmaciens versus Livmed’s : deux protagonistes renvoyés dos à dos

Publié le 4 novembre 2023
Par Yves Rivoal et Laurent Lefort
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Dans son contentieux qui l’oppose au Conseil national de l’ordre des pharmaciens, la société de livraison de médicaments à domicile Livmed’s se félicite, à la lecture du jugement qu’a rendu le 26 octobre le tribunal judiciaire de Paris, d’avoir remporté une première manche. Un optimisme que l’Ordre relativise.

 

Du commerce électronique de médicaments en l’absence de qualité de pharmacien ? Dans sa décision rendue le 26 octobre, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire de Paris donne raison à la start-up niçoise Livmed’s sur ce grief. « Force est ainsi de constater que les infractions aux dispositions du Code de la santé publique […] n’apparaissent plus d’actualité à la date où la présente juridiction statue, et ne permettent pas d’établir à l’encontre de la société Livmed’s qu’elle procéderait à la vente ou à la dispensation de médicaments par voie électronique », est-il écrit dans le jugement. Rappelons qu’en France, le Code de la santé publique « interdit la vente au public de tous médicaments, produits et objets mentionnés par l’intermédiaire de personnes non titulaires d’un diplôme de pharmacien ». Les pharmaciens n’ont pas non plus le droit « de recevoir des commandes de ces mêmes produits par l’entremise habituelle de courtiers ou d’intermédiaires ».
Sur le second motif invoqué par le Cnop, qui portait justement sur la licéité de l’activité d’intermédiation dans le commerce électronique de médicaments, le tribunal est aussi allé dans le sens de Livmed’s en acceptant la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui doit trancher les questions préjudicielles dont elle a été saisie par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt n°21/00416 du 17 septembre 2021 sur une autre affaire : celle opposant depuis 2019 l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) à Doctipharma (aujourd’hui DocMorris), considéré comme jouant un rôle d’intermédiaire entre le pharmacien et les clients. Le tribunal renvoie donc les deux parties dos à dos en attendant la décision de la CJUE, qui devrait intervenir à la fin du premier trimestre 2024.

Satisfaction du côté de Livmed’s

 

Un bémol qui n’entache pas la satisfaction de Livmed’s. « Le tribunal judiciaire de Paris a jugé que nous n’avions pas d’activité de commerce électronique de médicaments, conformément à ce que nous avons toujours dit, rappelle Talel Hakimi, président et cofondateur de la start-up. Nous ne stockons pas et nous ne vendons pas de médicaments. Notre modèle économique est basé sur une commission prélevée sur les frais de livraison. Concernant le second objet, relatif à l’activité de mise en relation des pharmaciens avec leurs patients, le juge est aussi allé dans notre sens, en acceptant notre demande de surseoir à statuer. Nous espérons maintenant que le Cnop va enfin accepter de se mettre autour d’une table, pour convenir d’un accord. » Rien n’est moins sûr.

Une interprétation ordinale différente

 

« Le tribunal judiciaire de Paris ne tranche pas le litige mais suspend la décision sur toutes les demandes des parties, dans l’attente de la position de la CJUE, saisie de plusieurs questions préjudicielles dans une procédure distincte », a rappelé l’Ordre des pharmaciens dès le lendemain de la décision. Ordre qui persiste et signe en considérant que « Livmed’s n’a pas une simple activité de livraison à domicile, mais qu’elle exploite une plateforme de commerce électronique de médicaments, en violation de la législation en vigueur. Cette activité dépasse largement celle d’un transporteur de médicaments. En effet, le tribunal s’interroge sur l’activité de la société Livmed’s, qui peut notamment être regardée comme de l’intermédiation entre le patient et le pharmacien. C’est le sens de sa décision. » L’Ordre souligne également que si Livmed’s « a modifié sa plateforme entre le début de la procédure et le temps du délibéré, le débat demeure sur la régularité des pratiques de cette société et reprendra après la décision de la CJUE à venir ».

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