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TROIS RÉFLEXES INDISPENSABLES
Comme tous les professionnels de santé, les pharmaciens sont souvent en première ligne face aux fraudeurs. Il leur faut donc vérifier qu’ils ne sont pas face à un patient malhonnête et ne pas s’exposer à des représailles.
Entre 2010 et 2012, en région parisienne, quatre personnes ont réussi à se faire délivrer pour plus de 450 000 euros de médicaments grâce à des cartes Vitale volées qu’ils utilisaient dans des pharmacies pour acheter jusqu’à 1 000 euros de médicaments par jour. Ceux-ci étaient ensuite revendus à l’étranger, selon un processus particulièrement bien rodé. Condamnés à des peines de trois ans et demi et quatre ans de prison ferme, ces malfrats sont aujourd’hui sous les verrous. Il n’en reste pas moins que, pour un réseau démantelé, d’autres souvent moins bien organisés et de plus faible ampleur sévissent régulièrement.
Les derniers chiffres communiqués par l’Assurance maladie en 2012 montrent que les fraudes aux cartes Vitale, congés payés et aux CMU seraient à l’origine de plus de 15 millions d’euros de pertes sèches par an. Et, bien souvent, les pharmaciens se retrouvent en première ligne dans ces affaires, impliqués bien malgré eux dans les trafics de ces arnaqueurs. Car même si les systèmes d’information de l’Assurance maladie font souvent échec aux fraudeurs, il est bien difficile pour un pharmacien d’avoir la certitude de ne pas être face à un usurpateur. Et souvent plus encore d’adopter de bonnes pratiques et de s’organiser pour déjouer ces arnaques.
Se fier au système informatique de la CPAM
En matière d’organisation, la parade la plus sûre reste celle du système d’information de l’Assurance maladie qui répertorie l’ensemble des cartes Vitale en circulation en France. « Pour se prémunir contre des situations d’utilisation frauduleuse de la carte Vitale, il est conseillé aux pharmaciens de vérifier les droits de l’assuré afin de s’assurer que celle-ci n’a pas été mise en opposition. Une carte Vitale en opposition est une carte dont l’utilisation est désormais interdite parce qu’elle a été déclarée perdue ou volée ou parce que le régime d’assurance maladie obligatoire de l’assuré l’a dénoncée pour défaut de mise à jour de droits particuliers par exemple », explique Pierre Fender, directeur de l’audit, du contrôle contentieux et de la répression des fraudes à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.
En pratique, le pharmacien doit scruter à la loupe la liste d’opposition électronique (LOE). Adressée chaque mois à tous les pharmaciens et installée sur le poste de travail, elle contient les numéros de série des cartes Vitale mises en opposition, tous régimes d’assurance maladie obligatoire confondus. « Lors de la lecture d’une carte Vitale, si le logiciel indique qu’elle est en opposition, le pharmacien ne pourra pas réaliser une feuille de soins électronique sécurisée en tiers payant », poursuit Pierre Fender.
Reste les complémentaires santé qui échappent pour l’heure à ce dispositif, mais plus pour longtemps. « Notre objectif est de mettre en place des outils afin que les professionnels de santé puissent s’assurer que les droits des assurés sont bien à jour. Nous visons l’échéance de 2017. L’idée est d’aboutir au développement d’un système commun avec l’Assurance maladie », annonce Julien Caudron, responsable santé prévoyance au sein de la Fédération des mutuelles de France.
Adapter son comportement
Si les systèmes d’information permettent de plus en plus de faire échec aux fraudeurs, les pharmaciens et leurs équipes restent néanmoins en première ligne face aux usurpateurs, et la fraude les oblige donc à s’organiser pour gérer, non pas seulement les aspects administratifs, mais aussi la relation de face-à-face avec les clients mal intentionnés. « Lorsqu’un pharmacien se retrouve face à quelqu’un qu’il soupçonne de fraude, il doit simplement lui indiquer que sa carte Vitale n’est pas reconnue par le système d’information de l’Assurance maladie. Il faut éviter d’entrer dans un débat visant à savoir les raisons pour lesquelles cette carte n’est pas conforme, sous peine de mettre le client en situation de perdre la face et donc de déclencher un conflit, voire une agression », conseille Sandrine Guyot, spécialiste de l’assistance conseil sur les risques psychosociaux à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Face à un client insistant qui demande à en savoir plus sur les motifs de refus de sa carte Vitale, mieux vaut invoquer plusieurs causes possibles afin de ne pas amener la discussion sur l’unique terrain de la fraude. « Il est préconisé de signaler l’anomalie au patient afin qu’il contacte sa caisse d’assurance maladie pour régulariser sa situation », note Pierre Fender.
Ces pratiques doivent être adoptées par l’ensemble des équipes de l’officine. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à parler librement de la fraude et à mettre en place des protocoles de réponses adaptés et communs à tout le personnel. Mieux informés et sensibilisés aux bonnes pratiques, les officinaux et leurs équipes pourront ainsi limiter le risque de conflit.
Anticiper les conséquences financières pour l’officine
Une autre conséquence de ces tentatives de fraudes est à aller chercher du côté des finances de l’officine. « Même si un pharmacien a face à lui un client dont la carte Vitale a été mise en opposition, la délivrance de médicaments reste possible mais le pharmacien ne bénéficiera pas de la garantie de paiement et prend le risque de ne pas être remboursé par l’Assurance maladie », prévient Pierre Fender. Pour se prémunir contre ce préjudice financier, le pharmacien a donc tout intérêt à demander l’avance des frais à l’assuré et à lui fournir une feuille de soins papier. Là encore, il convient de garder son calme et d’expliquer au client pourquoi on ne peut pas faire autrement que de demander l’avance des frais. « Il faut invoquer encore une fois le système et rien d’autre », insiste Sandrine Guyot.
Devant ces situations délicates à gérer, il faut enfin évoquer le « cas de conscience » inévitable face à ces soupçons de fraudes. « En cas de suspicion de fraude, le pharmacien peut la signaler à sa caisse d’assurance maladie », se borne à indiquer Pierre Fender. La démarche n’est toutefois pas obligatoire et le pharmacien ne pourra pas être accusé de négligence ou autre s’il s’avère que le client mis en cause est bien reconnu comme étant un fraudeur.
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