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J’ai un trou dans la caisse, que faire ?
LE CAS DU MOIS
L’analyse des bilans et comptes de résultat de l’officine de l’année écoulée fait apparaître une baisse inexpliquée et significative du taux de marge.
Avant de suspecter des vols internes ou externesau sein de l’entreprise, il convient d’éliminer les autres causes telles les erreurs d’écritures comptables et d’enregistrement.
Les recherches doivent en premier lieu être réalisées avec l’assistance d’un expert-comptable.
Au bout du compte, s’il s’agit de vols du fait de salariés, il va falloir les détecter et y remédier. Avant d’accuser un collaborateur, l’enjeu est de rassembler des preuves. Pas si simple, mais réalisable…
Avant de suspecter un vol au sein de l’entreprise, il faut garder à l’esprit que des anomalies dans l’élaboration des comptes ne sont pas impossibles. Et Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA, de les énumérer : chiffrage du stock erroné, factures d’achats non comptabilisées ou comptabilisées deux fois, mauvaise évaluation des « dus clients » à la clôture des comptes, remises mal enregistrées, escomptes financiers non inscrits en produits financiers, etc. Si ces causes possibles sont écartées, et en cas de montants détournés importants, les recherches devront se tourner davantage du côté des salariés que des clients indélicats.
OUVRIR l’œil
De nombreux indices vont pouvoir mettre la puce à l’oreille du titulaire. A commencer par les erreurs récurrentes de caisse (déficitaires et/ou excédentaires si le voleur prélève moins que la vente qu’il a annulée). A surveiller également : les corrections anormales de l’état des stocks et leur survenue selon la présence journalière des équipes, et les changements de prix fréquents (baisses momentanées) dans l’informatique. Si l’addition du stock et des ventes diffère des quantités achetées, il faut se poser des questions… De nombreuses erreurs d’enregistrement des modes de paiement, ou encore la suppression de crédits clients alors que leur remboursement ne se retrouve pas en caisse, doivent mettre la puce à l’oreille. Un rapport disproportionné entre les espèces (part faible) en regard du CA total hors tiers payants généré par vendeur n’est pas anodin non plus. Enfin, des annulations ou modifications de vente qui reviennent fréquemment sous le même numéro de vendeur représentent des signaux d’alerte.
CHIFFRER les montants détournés
Les anomalies détectées vont conduire l’expert-comptable à pousser les investigations. « Pour confirmer le taux de marge comptable, il est essentiel de procéder à un recoupement avec celui issu des données informatiques internes de la pharmacie, explique Olivier Delétoille. En effet, une stratification assez précise des activités (taux de TVA, produits chers, génériques, locations…) et l’analyse des conditions commerciales permettent de comprendre les composantes de la marge et de calculer un taux de marge global devant nécessairement apparaître en comptabilité. L’écart entre les deux valeurs informe le titulaire avec précision de l’indélicatesse dont il est victime. »
MIEUX vaut prévenir
Des inventaires périodiques et tournants, ciblés sur des familles sensibles aux vols, permettent de comparer stock théorique et stock physique. « Une bonne exploitation du logiciel de gestion est efficace et dissuasive », précise Linda Leprovost, chargée de la communication et du marketing chez Pharmagest. « Le pharmacien peut l’utiliser pour analyser par sondage des causes des annulations de stocks, limiter les accès aux corrections de stocks et modifications de prix par mot de passe, tracer chaque correction avec mention de l’heure et de son auteur. »
Les flux financiers dans l’officine devront être davantage maîtrisés, simplement par la mise en œuvre de recommandations de bon sens telles que : opérer des relevés de caisses plusieurs fois par jour, ne pas multiplier les endroits où se trouve l’argent dans l’officine, ne pas conserver trop de liquidités à la pharmacie ou à son domicile quand celui-ci communique avec l’entreprise (attention ! en cas de vol d’espèces à domicile la perte d’exploitation ne sera pas forcément reconnue !). Au comptoir, faire remplir les chèques sur-le-champ, ne jamais servir avec un tiroir resté ouvert.
RENFORCER les contrôles en interne
Une organisation rigoureuse passe par un contrôle interne renforcé : mise en place de codes vendeurs, contrôle de caisses par sondages (ventilation des paiements en espèces, carte bancaire et chèque par code vendeur par exemple), présence accrue du ou des titulaires au comptoir, installation d’une vidéosurveillance en respectant la législation en vigueur, conservation du ticket de caisse tiré à la suite d’un remboursement client… « Le journal des ventes édité en fin de journée permet de vérifier le numéro du vendeur, le montant des ventes enregistrées, le type et l’heure d’encaissement, les modifications opérées sur une vente… », souligne Linda Leprovost. « Le titulaire doit penser aussi à mettre en place un inventaire de caisse mensuel formalisé », ajoute Olivier Delétoille.
SÉCURISER les encaissements
Par ailleurs, des solutions de caisse sécurisée permettent d’avoir des entrées et sorties d’argent liquide justes. Citons le Safecash Counter Deposit relié au smartphone du titulaire et présenté page 51, ou encore le modèle CashGuard, commercialisé par Alliadis. Ce dernier se connecte au LGO de l’officine, tous les mouvements d’espèces étant ainsi enregistrés. « Ce système encaisse et compte les pièces et les billets puis rend automatiquement la monnaie sans risque d’erreur au client. L’accès à l’argent est protégé », présente Sophie Roussel, directrice marketing d’Alliadis.
LES EXPERTS
Linda Leprovost
chargée de la communication et du marketing chez Pharmagest
Olivier Delétoille
expert-comptable (cabinet Adequa)
Sophie Roussel
directrice marketing d’Alliadis
AH ! OUI !
Suivre mensuellement via le logiciel de gestion le taux de marque par taux de TVA pour pouvoir vite réagir. Concentrer sa surveillance sur les produits les plus sensibles au vol : parapharmacie, médicaments non remboursés, produits en réserve avec des volumes importants…
OH ! NON !
Inculper un salarié de vol sans l’avoir pris en flagrant délit. Fouiller les vestiaires et les armoires individuelles, au mépris total des conditions énumérées dans le règlement intérieur.
TÉMOIGNAGELes yeux rivés sur la caisse et le stock
La confiance n’exclut pas le contrôle. » Tel est l’enseignement retiré par Vincent Guignard depuis qu’il s’est fait extorquer des sommes importantes pendant deux ans par deux de ses salariés. Les erreurs de caisse et des mouvements anormaux de stock ont vite éveillé ses soupçons. « Pour identifier leurs auteurs, j’ai utilisé une méthode identique à celle du jeu Master Mind : comme les équipes tournent beaucoup, à chaque mouvement suspect des stocks, je regardais quelle équipe était présente, ce qui a permis par élimination de resserrer l’étau sur les voleurs », raconte le titulaire. Aujourd’hui, il surveille régulièrement deux ratios : le pourcentage d’espèces à l’intérieur de l’ensemble des encaissements effectués par opérateur, et le nombre d’encaissements en espèces par rapport aux nombre de factures réalisées par opérateur. Sur une période d’observation assez longue (1 mois minimum), tous les vendeurs doivent présenter les mêmes valeurs de ratio. Les modifications de stocks sont tracées. « Une fois par mois, j’effectue un contrôle aléatoire sur des produits sensibles qui ne sont pas en libre accès (médicaments conseil, para…) : les stocks ont-ils été modifiés ? Par qui ? Quel jour et à quelle heure ? » A chaque fin de journée, il note les éventuelles erreurs de caisse, positives ou négatives. « Une caisse juste n’est pas pour autant rassurante si en parallèle le stock est faux, d’où l’intérêt de réaliser des inventaires tournants. Plus on met d’obstacles, plus c’est dissuasif et plus un salarié indélicat risque de trébucher. »
Aujourd’hui, Vincent Guignard songe à s’équiper, comme en GMS, d’une caisse enregistreuse qui ne s’ouvre que lorsque la transaction est réalisée.
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