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Entretiens de prévention : prêt pour la nouvelle usine à gaz ?
Un amendement du gouvernement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 met en place quatre entretiens de prévention au lieu de trois, et élargit les tranches d’âge. Une surprise pour les syndicats de pharmaciens. Les modalités de l’expérimentation déjà lancée dans les Hauts-de-France comportent pourtant ces nouvelles tranches d’âge. Mais sa mise en œuvre rencontre plusieurs écueils.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 réserve finalement des surprises. Considéré comme adopté en première lecture par l’Assemblée nationale après l’utilisation du 49.3 par la Première ministre et le rejet, le 4 novembre, de la motion de censure de La France insoumise (LFI-Nupes), le texte, transmis au Sénat, comporte 97 articles. L’article 20 concerne les entretiens ou rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie. Ces entretiens ont été instaurés par le PLFSS pour 2023 et devaient cibler trois tranches d’âges : 20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans. Leur mise en œuvre devait s’effectuer au 1er octobre, mais elle a été reportée. En effet, le PLFSS pour 2024 comporte un article relatif à ces entretiens et en particulier à leur rémunération. « C’est parce qu’ils feront, demain, intervenir plusieurs professions de santé qu’il est proposé de recourir à la loi afin de préciser les modalités de rémunération et les conditions de réalisation de ces bilans », est-il expliqué dans le dossier présentant le projet de loi. La rémunération doit, par conséquent, être fixée par arrêté. Selon l’étude d’impact du PLFSS, le montant prévu s’élève à 30 € quels que soient les professionnels de santé réalisant ces « bilans de prévention », à savoir les médecins, les infirmiers, les pharmaciens et les sages-femmes. En outre, le PLFSS prévoit « une première phase test de déploiement de ces bilans débutant dès l’automne 2023 pour la classe d’âge 45-50 ans dans les départements des Hauts-de-France » avant une généralisation à partir de janvier 2024. De fait, cette expérimentation a été mise sur les rails dès fin septembre.
Quatre entretiens au lieu de trois
Tout semblait donc acté. Mais un amendement du gouvernement, déposé le 27 octobre, et retenu dans le texte sur lequel la Première ministre a engagé la responsabilité du gouvernement modifie les tranches d’âges et en crée une quatrième. Désormais, les entretiens de prévention ciblent les 18-25 ans (et non plus les 20-25 ans), les 45-50 ans (et non plus les 40-45 ans), les 60-65 ans et les 70-75 ans. La raison de cet amendement ? La prise en compte de l’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), rendu le 20 mars dernier à la suite de la saisine de la Direction générale de la santé (DGS) du 23 novembre 2022. Le HSCP préconise l’élargissement des tranches pour diverses raisons. « 18 ans est un âge clé correspondant souvent à la fin de la scolarité et l’entrée dans la vie active ou les études supérieures et il est important de débuter la prévention des addictions ou la détection des problématiques de santé mentale précocement », estime-t-il. Ce même HCSP propose de décaler la tranche d’âge de 40-45 ans à 45-50 ans « afin d’aligner le contenu avec les campagnes de dépistage organisé, d’être en cohérence avec le dispositif de Santé publique France et de s’adresser à une population plus intéressée par sa santé ». Quant à la tranche d’âge 70-75 ans, le HCSP juge qu’elle pourrait être retenue « afin de repérer et remédier aux facteurs de risque de dépendance, d’isolement, d’iatrogénie et d’identifier les défaillances d’organe débutantes en intégrant le dispositif de la perte d’autonomie déjà existant ».
Des changements que Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), et Fabrice Camaioni, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), affirment découvrir seulement le 3 novembre, lorsque Le Moniteur des pharmacies les interroge sur le sujet. « Créer une tranche pour les personnes de 70 à 75 ans est plutôt bien car elles n’ont pas les mêmes problématiques que les 60-65 ans », rétorque d’emblée Pierre-Olivier Variot. « Il y avait de grands trous dans la raquette entre les différentes tranches », commente de son côté Fabrice Camaioni.
Il n’en demeure pas moins que ces modifications sont tardives. D’autant qu’elles figurent depuis le 13 octobre dans la présentation de l’expérimentation menée dans les Hauts-de-France. « Dès janvier 2024, “Mon bilan prévention” sera généralisé sur l’ensemble du territoire et ouvert aux assurés sociaux qui ont entre 18 et 25 ans (inclus), 45 et 50 ans, 60 et 65 ans et 70 et 75 ans », est-il ainsi écrit sur le site Santé.fr. Il semble donc que tout était déjà arrêté avant le dépôt de l’amendement du gouvernement. Et que ce dernier permet de rendre cohérentes les décisions de la DGS avec la loi.
Une mise en œuvre compliquée
Cependant, si les modifications des tranches d’âges ne mettent pas en cause le bien-fondé des « bilans de prévention » (l’intitulé choisi pour ces entretiens), elles risquent de complexifier leur mise en œuvre. D’autant que le lancement de l’expérimentation du bilan pour les 45-50 ans dans les Hauts-de-France, qui doit se dérouler d’octobre à décembre prochain, s’avère relativement difficile en particulier pour les pharmaciens. « Nous avons participé à une réunion avec l’agence régionale de santé (ARS), la direction générale de l’offre de soins (DGOS), les unions régionales des professionnels de santé (URPS) concernées et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), mais finalement les URPS ont été complètement exclues », relate Grégory Tempremant, président de l’URPS pharmaciens des Hauts-de-France. La main est donc laissée aux CPTS dans le Pas-de-Calais, l’Oise, le Nord et l’Aisne (dans la Somme, tous les professionnels peuvent participer à l’expérimentation), sachant que tous les professionnels n’y adhèrent pas, ce qui vaut pour les pharmaciens. Deuxième point : les professionnels de santé volontaires pour l’expérimentation devaient s’inscrire sur le portail Santé.fr. Mais les pharmaciens n’ont pas pu le faire dès le déploiement de la phase de test en raison d’un problème de configuration du portail. Troisième écueil : l’Assurance maladie devait envoyer un message aux personnes âgées de 45 à 50 ans pour les informer de l’existence du bilan de prévention. Il n’en est plus désormais question. Aux professionnels de santé d’apposer des affiches dans leurs cabinets ou officines pour informer les patients. Ou à ces derniers d’accéder au site Santé.fr et de rechercher les professionnels, encore peu nombreux, réalisant un bilan. « Nous avons rencontré également un souci de connexion pour pouvoir suivre le webinaire de formation conçu par l’Ecole des hautes études en santé publique (Ehesp). Les professionnels ont néanmoins reçu un lien pour regarder le replay du webinaire », remarque Grégory Tempremant. Autre problématique, l’entretien de prévention recouvre 14 thématiques. Or, la rémunération de 30 € semblait adéquate pour un entretien d’une demi-heure mais pas plus. Comment traiter 14 thématiques en 30 minutes ? Enfin, le timing de l’expérimentation est très serré si l’on doit ajouter le temps de l’évaluation. « J’ai de sérieux doutes sur la généralisation des bilans de prévention si l’on ne tient pas compte des difficultés rencontrées lors de l’expérimentation », relève Grégory Tempremant.
Tant qu’on a le temps
« Il faut que les entretiens de prévention soient pratiques, il ne faut pas que cela soit une usine à gaz », prévient Pierre-Olivier Variot. Et d’insister sur la rémunération : « Une rémunération de 30 € pour 20 minutes, oui, mais si le bilan doit durer deux heures, personne ne le fera. » « Une demi-heure, c’est beaucoup, mais on peut le faire à condition que le bilan soit facile à mener, note Fabrice Camaioni. Cependant lorsque l’on voit le contenu, on ne va pas pouvoir tout faire. L’Assurance maladie nous a dit que les pharmaciens pouvaient traiter une partie des thématiques et les autres professionnels d’autres parties. Mais comment savoir qui a fait quoi sans une coordination avec les autres professionnels de santé ? » Fabrice Camaioni pointe aussi le fait que si l’Assurance maladie n’envoie pas de messages aux assurés, les bilans de prévention risquent de ne pas connaître beaucoup de succès. Et de conclure aussi : « Cela ressemble effectivement de plus en plus à une usine à gaz car cela m’apparaît incomplet, lourd, complexe et, pour l’instant, flou ». Rendez-vous en janvier 2024. Enfin, au plus tôt…
À retenir
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, prévoit quatre entretiens de prévention, contre trois auparavant, avec des tranches d’âge élargies.
Les syndicats de pharmaciens n’étaient pas au courant, mais ces changements étaient déjà actés dans l’expérimentation de l’entretien pour les 45-50 ans lancée dans les Hauts-de-France.
La mise en œuvre de l’expérimentation rencontre déjà plusieurs écueils.
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