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Seul Paris en fait grand cas
S’il n’est pas contestable que le virus Zika soit à l’origine de graves complications, celles-ci restent très rares. En Martinique et Guyane, les deux territoires français les plus touchés, les autorités de santé soulignent d’ailleurs une distorsion entre la médiatisation de ce virus en métropole et la sérénité de la population locale.
Les photos terrifiantes de ces nourrissons à très petit crâne, atteints de microcéphalies associées à des anomalies cérébrales, ont fait le tour du monde. Elles sont désormais associées au virus Zika, longtemps considéré comme anodin. Depuis 2013 surgissent des épidémies, dans le Pacifique d’abord, notamment en Polynésie française, puis, depuis le début de l’année 2015, en Amérique du Sud, centrale, et dans les Caraïbes. La France est aux premières loges puisque les territoires français d’Amérique sont touchés : 12 600 cas ont été diagnostiqués en Martinique au 17 mars, 2 265 cas en Guyane.
Pourtant, la perception du virus y est bien moins catastrophiste qu’en métropole. « La population n’est pas très inquiète, rien à voir avec l’épidémie de chikungunya en 2013 et 2014, qui provoque d’intenses douleurs articulaires », note Alain Blateau, le directeur de la veille et de la sécurité sanitaire de l’ARS Martinique. Anne-Marie McKenzie, directrice de la santé publique de l’ARS Guyane, renchérit : « Ici, les gens ont l’habitude de vivre avec les épidémies, notamment la dengue, qui est endémique, et qui fait mourir les gens. » Rien à voir avec Zika, « asymptomatique dans 80 % des cas », explique Alain Blateau. Et dans 20 % des cas, les malades présentent des symptômes banaux : une éruption cutanée, une conjonctivite, quelques douleurs musculaires, pas ou peu de fièvre ». Les formes graves sont très rares. Mais parce qu’elles sont nouvelles, elles suscitent un flot d’études scientifiques et un nombre impressionnant d’articles de presse.
Auditionné par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, Jean-François Delfraissy, directeur de l’Institut Microbiologie et maladies infectieuses à Paris, s’est montré rassurant : le Zika est « une maladie tropicale ennuyeuse », mais dont personne ne parlerait « si la question des microcéphalies ne se posait pas ». Et, surtout, les épidémies de Zika devraient s’éteindre toutes seules, comme en Polynésie française : « Quand un certain niveau de la population est infecté – à hauteur de 30 à 40 % – une sorte d’immunité populationnelle se développe qui va plus loin que l’immunité naturelle, au point qu’à un moment donné l’épidémie s’arrête », a-t-il expliqué.
« Est-ce que nous en faisons trop ? », s’interroge ouvertement Anne-Marie McKenzie. Tous les territoires français d’Amérique ont mis sur pied un dispositif de surveillance spécifique, qui s’appuie sur le réseau des médecins généralistes « sentinelles ». L’ARS organise des réunions régulières avec tous les acteurs de la santé impliqués : médecins hospitaliers et libéraux, laboratoires d’analyses médicales, sages-femmes, mais aussi pharmaciens (voir encadré ci-contre). Mais les médecins de ville s’avèrent peu sollicités, car Zika donne lieu à peu de consultations. Et, au final, les formes graves sont anecdotiques. En Martinique, deux cas de Guillain-Barré liés au Zika sont confirmés et quatre autres cas sont suspects.
Les femmes enceintes font l’objet de la plus grande vigilance. Des messages de prévention spécifiques les encouragent à porter des vêtements longs et à utiliser des répulsifs adaptés pour se protéger contre les moustiques. La surveillance de leur grossesse est renforcée : « Elles réalisent 6 échographies au lieu de 3 », indique Alain Blateau. Et toutes celles qui présentent les symptômes du Zika doivent réaliser un test de confirmation biologique. En Martinique, 63 femmes ont été dépistées positives au Zika, mais aucune anomalie n’a pour l’instant été détectée sur leur fœtus ou leur nouveau-né. En Guyane, Zika est « presque une chance », ose même Anne-Marie McKenzie : « 15 % des femmes enceintes ne sont pas suivies au cours de leur grossesse. Nous disposons de moyens supplémentaires pour améliorer ce suivi, à long terme ».
Dernière question que se posent les médias métropolitains, peu familiers des épidémies tropicales : avec le retour des beaux jours, et celui des moustiques, une épidémie de Zika est-elle possible ? Les moustiques tigres Aedes, vecteurs du zika, sont présents dans le sud de la France et en Corse. Mais ils transmettent aussi le chikungunya : en 2014 et 2015, seuls une vingtaine de cas autochtones ont été observés en France métropolitaine, malgré une importante épidémie aux Antilles. Au 17 mars, 123 cas de Zika ont été diagnostiqués en métropole, tous sont des cas importés, sauf le cas par transmission sexuelle. Pour Jean-François Delfraissy, placide, « on observera peut-être quelques dizaines de cas de Zika locaux. Ils feront probablement la une des journaux et inquiéteront les citoyens ». Et devinez vers quel professionnel de santé ils se tourneront pour calmer leurs angoisses…
QUE FAIT ZIKA ?
Le virus Zika a été identifié pour la première fois en 1947 en Ouganda. Il est transmis par le moustique tigre Aedes, qui vit au contact de l’homme, dans les zones urbanisées. C’est un arbovirus, très proche de la dengue et du chikungunya. Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont mis en évidence le lien entre Zika et des microcéphalies chez les fœtus des femmes enceintes infectées. L’Institut Pasteur est également le coauteur d’une autre étude qui montre que Zika est à l’origine de cas de Guillain-Barré, une maladie auto-immune très rare (1 à 2 cas pour 100 000 personnes par an). Les chercheurs estiment ainsi que les cas de Guillain-Barré sont 20 fois plus fréquents chez les personnes infectées par Zika. Mais cette maladie est réversible, la plupart des patients récupérant en 3 semaines. Des questions se posent enfin sur une transmission sexuelle du virus. Un cas a été observé en février au Texas, un autre en France. Un mode de contamination qui paraît pour l’instant marginal.
LES DERNIÈRES ÉTUDES
• 10 AVRIL 2016 : une étude brésilienne dévoilée en amont du congrès de l’Académie américaine de neurologie (Vancouver) suggère que le virus Zika semble également provoquer une encéphalomyélite aiguë disséminée. Il s’agit d’une maladie inflammatoire auto-immune rare qui attaque la myéline, comme la sclérose en plaques.
• 13 AVRIL 2016 : une nouvelle étude publiée en ligne dans le New England Journal of Medicine confirme ce qui était suspecté depuis des mois : le virus Zika peut provoquer une microcéphalie fœtale « et d’autres défauts sévères du cerveau ».
PHARMACIEN, QUEL RÔLE JOUES-TU ?
En Guyane comme en Martinique, le rôle du pharmacien est important, notamment auprès de la femme enceinte. « Il peut lui délivrer la première information dès l’achat du test de grossesse, indique Christophe Prat, pharmacien inspecteur de l’ARS Guyane. Il peut ainsi toucher des femmes éloignées de l’offre de soins, dont la grossesse n’est pas suivie. » Il est également invité à placarder dans son officine les messages d’information sur le virus. Ils sont diffusés, en même temps que des informations spécifiques à destination du pharmacien, par le Cespharm (voir p. 15). Le pharmacien a aussi un rôle primordial de conseil sur les produits répulsifs contre les moustiques. « Tous les produits ne sont pas efficaces. Et seuls quelques-uns sont adaptés aux femmes enceintes », précise Christophe Prat. Les pharmaciens doivent consulter les « Recommandations sanitaires aux voyageurs » pour 2015 de l’Institut national de veille sanitaire. Cette liste est également diffusée sur le site du ministère de la Santé sous le titre « Répulsifs pour la protection contre les moustiques et autres insectes piqueurs ».
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