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Du désir de structuration à la réalité de sa mise en œuvre

Publié le 25 novembre 2023
Par Magali Clausener
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Créer une MSP ou une CPTS peut s’avérer difficile. Il y a quelques années, les professionnels de santé dénonçaient déjà la partie administrative, souvent lourde, et le temps passé à monter le projet. Mais aujourd’hui, quels sont les freins ?

 

 

Chronophage, complexe… La création d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) ou d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), voire une équipe de soins primaires (ESP), peut faire peur compte tenu des démarches à accomplir, qu’elles soient administratives ou impliquent les autres professionnels de santé de son territoire. Est-ce toujours vrai alors que ce type de structures a désormais plusieurs années d’existence ? Selon Grégory Tempremant, président de l’union régionale des professionnels de santé (URPS) des Hauts-de-France, il existe d’importantes disparités entre les caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM) et, par conséquent, les procédures qu’elles mettent en œuvre. « Par exemple, la CPAM de Lille (Nord) est plus tatillonne que d’autres caisses du même département. Parfois, nous avons l’impression que pour chaque création de CPTS, il faut réinventer le fil à couper le beurre alors qu’il y a des thématiques de santé communes. Ce sont en effet toujours les mêmes sujets qui reviennent », explique-t-il.



Des médecins parfois réticents

 

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L’autre élément que le pharmacien pointe est la réticence des médecins à s’investir dans une CPTS. « Si les médecins généralistes traitants ne veulent pas s’engager, on ne peut rien. D’autres professionnels de santé refusent de s’engager comme les chirurgiens-dentistes. Les kinésithérapeutes sont aussi très peu présents dans les CPTS. En fait, ces structures sont portées par quatre professions : les médecins lorsqu’ils s’impliquent, les infirmiers, les pharmaciens et les sages-femmes », observe Grégory Tempremant. Quant aux médecins spécialistes, peu sont enclins à rejoindre une CPTS. « Certains aspirent plus à être dans une équipe de soins secondaires », note le président de l’URPS. La frilosité des professionnels de santé à adhérer à une CPTS nécessite alors de l’énergie pour ceux qui veulent la monter, car il faut rencontrer les autres professionnels de santé, expliquer, convaincre, et ensuite faire vivre la structure et les projets. « C’est extrêmement chronophage pour ceux qui s’investissent et l’ingénierie est assez lourde à porter, même lorsqu’ils peuvent embaucher des coordinateurs », souligne Grégory Tempremant. D’où l’importance de pouvoir s’appuyer sur les URPS. Ainsi, dans les Hauts-de-France, l’URPS met à disposition des porteurs de projets des chargés de mission pouvant les accompagner à chaque étape, y compris dans l’élaboration du projet de santé de la CPTS et lors de la négociation du contrat dans le cadre de l’accord-cadre interprofessionnel (ACI).



Prendre un prestataire

 

Eric Myon, pharmacien titulaire à Paris, secrétaire général de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) et président de la CPTS Paris 8, préconise de faire appel à un prestataire pour le recueil de données et la rédaction du projet de santé. Les agences régionales de santé (ARS) peuvent d’ailleurs proposer un accompagnement via les structures d’appui qu’elles ont sélectionnées. « Nous avons auditionné plusieurs prestataires et avons choisi celui qui était en phase avec nos valeurs », explique-t-il. Les démarches ont ainsi été facilitées. Par la suite, une infirmière en pratique avancée a été embauchée afin de coordonner la CPTS. « Elle est proactive et réactive, les choses vont bien et vite », souligne le pharmacien. Quant à la réticence des autres professionnels de santé, en particulier des médecins, Eric Myon ne partage pas le constat de Grégory Tempremant. « On entraîne ceux qui ont envie et tant pis pour les autres », souligne-t-il. Il reconnaît cependant que le temps de démarrage de la structure est « un peu long ». Quoi qu’il en soit, Eric Myon reste enthousiaste même si la mise en œuvre des projets nécessite de bloquer deux à trois soirées par mois.


 

Comme dans beaucoup de structures, la réussite est aussi une question de relations humaines. Et dans certains cas, ces relations peuvent s’étioler. « Un nouveau phénomène est apparu récemment : il s’agit des tensions qui se créent au sein des CPTS. L’URPS a désormais un rôle et un travail de médiation pour aplanir les difficultés entre les professionnels de santé », remarque Grégory Tempremant.