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La maladie de Lyme

Publié le 27 mai 2016
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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La borréliose de Lyme est une infection bactérienne due à des Borrelia transmises par piqûres de tiques. Non détectée et traitée tôt par des antibiotiques, elle peut se compliquer de symptômes surtout cutanés, neurologiques et articulaires, parfois graves et difficilement reliés à Borrelia en raison d’un sous-diagnostic. Se protéger des tiques et/ou leur retrait rapide sont essentiels.

La maladie

Définitions

Une zoonose prioritaire

• La maladie de Lyme ou borréliose de Lyme est une infection non contagieuse causée par une bactérie du genre Borrelia.

• Elle est transmise par piqûre d’une tique elle-même infectée (le vecteur), l’homme étant un hôte accidentel de la bactérie, dont les réservoirs naturels sont des animaux vertébrés. On parle de « zoonose vectorielle ».

• C’est la plus fréquente des zoonoses de l’hémisphère Nord. Elle touche environ 85 000 Européens par an, dont 27 000 Français (voir Info+) mais serait largement sous-diagnostiquée. Du fait de sa gravité potentielle et de sa fréquence, elle a été retenue par l’Institut de veille sanitaire (INVS) sur la liste des zoonoses non alimentaires prioritaires en France.

L’agent infectieux

La bactérie en cause appartient au genre Borrelia, ordre des Spirochetales qui comprend une vingtaine d’espèces pathogènes pour l’animal et/ou l’homme transmises par des vecteurs hématophages (voir Dico+). Plus particulièrement, elle appartient au complexe Borrelia burgdorferi sensu lato, dont trois sont principalement présentes en Europe : Borrelia garinii, Borrelia afzelii et Borrelia burgdorferi sensu stricto.

Le vecteur

• En Europe, la bactérie est transmise par Ixodes ricinus, une tique dure hématophage Cet acarien est très ubiquitaire sur le plan alimentaire et géographique. C’est un ectoparasite, c’est-à-dire un parasite externe, qui se nourrit du sang de plusieurs dizaines de vertébrés, dont de nombreux mammifères sauvages et domestiques, chiens, cervidés, rongeurs, bétail…, des oiseaux et des reptiles. Ixodes ricinus est répandue dans les milieux naturels, forêts, pâtures…, tempérés et humides, où elle trouve une végétation et une faune abondantes. En France, elle est retrouvée sur tout le territoire, sauf le pourtour méditerranéen, et dans les régions d’altitude à plus de 1 500 mètres.

• La tique suit un cycle de développement sur environ deux ans en trois stades : les œufs deviennent des larves puis des nymphes et des adultes. Le passage d’un stade à l’autre nécessite un repas sanguin, le plus souvent des petits rongeurs pour les larves et nymphes, et un mammifère plus gros pour les adultes. Au stade adulte, seule la tique femelle pique avant de s’accoupler, de pondre des œufs et de mourir. À chaque repas, si l’hôte est contaminé (réservoir bactérien), la tique peut s’infecter de Borrelia, qu’elle portera toute sa vie dans son tube digestif.

• Toutes les tiques ne sont pas infectées par la Borrelia : le taux d’infestation varie de 5 à 20 % selon les régions. Elles peuvent être actives toute l’année mais, en France, l’activité maximale court d’avril à octobre.

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Physiopathologie

Contamination de l’homme

• Seuls les nymphes et les adultes peuvent transmettre la bactérie à l’homme. Présentes dans la végétation, les tiques repèrent leur cible grâce à la variation de température et à l’émission de CO2 par les vertébrés, s’accrochent à la peau et migrent éventuellement avant de piquer vers une zone de peau fine comme le cuir chevelu, le pubis, les aisselles, les plis de l’aine, le creux des genoux, la nuque… Lors de la piqûre, la Borrelia, qui se trouve dans l’intestin de la tique infectée, passe dans les glandes salivaires et est ainsi transmise par régurgitation. Le repas sanguin complet peut durer plusieurs jours, la tique se gonfle progressivement de sang.

• Le risque de transmission augmente avec le taux d’infestation des tiques et le temps de contact avec la peau ; le risque maximal se situe entre le 48e et la 72e heure. En Europe, on estime qu’il varie de 1 à 4 % après piqûre.

Populations à risque

Toutes les personnes qui fréquentent des zones naturelles infestées sont à risque, notamment les professionnels en extérieur tels les gardes-chasse, les écologues, les forestiers…, les campeurs, randonneurs et tout loisir en extérieur.

Signes cliniques

Phase primaire ou « précoce localisée »

Le début de la maladie peut être asymptomatique mais, lorsqu’ils existent, les signes apparaissent quelques jours, en moyenne sept, à quelques semaines après la piqûre.

• L’érythème migrant est le signe le plus évocateur, présent dans environ 60 % des cas. C’est une tache rouge circulaire annulaire, le centre est plus pâle, qui part du site de la piqûre puis évolue de façon centrifuge de quelques millimètres par jour, jusqu’à atteindre quelques centimètres ou dizaines de centimètres (voir infographie). Cette lésion n’est pas douloureuse, sans gonflement et généralement non prurigineuse, ce qui peut la différencier d’une réaction allergique à une piqûre d’insecte. Elle disparaît habituellement en quelques semaines.

• Des signes pseudo-grippaux : fièvre, céphalées, arthralgies, myalgies, adénopathies sont possibles.

Phase secondaire ou « précoce disséminée »

Elle peut apparaître quelques jours à plusieurs semaines après la piqûre si la maladie n’a pas été traitée efficacement lors de la phase primaire. Les manifestations sont diverses, plus ou moins associées, et peu caractéristiques, sans doute fréquemment liées à tort à d’autres affections, d’où le surnom de « grande simulatrice » donnée à la borréliose de Lyme.

• Signes neurologiques (neuroborréliose précoce) : chez l’adulte, il s’agit le plus souvent d’une méningo-radiculite, c’est-à-dire des douleurs radiculaires de type neurologique, le plus souvent dans le territoire de la piqûre, avec un éventuel déficit sensitif ou moteur, fréquemment associé à une méningite généralement asymptomatique. Une encéphalite est plus rare. Chez l’enfant, les méningites et la paralysie faciale signant une localisation crânienne de la méningo-radiculite sont les manifestations les plus fréquentes.

• Rhumatologiques : arthralgies, arthrite dite de Lyme qui touche le plus souvent le genou, mais aussi d’autres articulations, telles qu’épaules, chevilles…, d’apparition brutale et évolutive par poussées, peu douloureuse, mais typiquement responsable d’épanchements articulaires. Plus rarement, apparaissent des manifestations :

• cutanées : le lymphocytome cutané bénin, dit « borrélien », se caractérise par des nodules non douloureux de 1 à 5 cm colorés du rose au brun/violet, à proximité ou non de l’érythème migrant, typiquement situés au lobe de l’oreille pour les enfants et sous l’aréole mammaire ou sur le scrotum chez les adultes. Sans traitement, son évolution est longue, des mois ou des années, parfois récurrente ;

• cardiaques : le plus souvent, une myocardite asymptomatique, responsable de troubles de la conduction bénins, est découverte conjointement à d’autres symptômes de la maladie. Insuffisance cardiaque et péricardite sont plus rares ;

• ophtalmologiques : tous les tissus oculaires peuvent être touchés plus ou moins sévèrement, avec douleurs oculaires, baisse de l’acuité visuelle, photophobie, troubles de l’accommodation…

Phase tertiaire ou « tardive »

Elle peut survenir plusieurs mois après la piqûre avec des manifestations diverses.

• Signes neurologiques (neuroborreliose tardive) : avec des tableaux cliniques variables, tels qu’une encéphalomyélite chronique avec ataxie, paraparésie (voir Dico+), troubles cognitifs… ; des neuropathies sensitives avec des douleurs, une hypoesthésie à la chaleur ou au froid, une abolition des réflexes… ; des atteintes méningées…

• Atteintes dermatologiques : l’acrodermatite chronique atrophiante se caractérise par des lésions rouges à bleu/violet d’évolution longue, parfois prurigineuses. Typiquement localisées sur les surfaces osseuses des membres, mains, coudes, talon, genou…, elles peuvent s’atrophier progressivement avec une peau fine, des indurations cutanées et des nodules fibromateux (voir Dico+).

• Signes rhumatologiques : arthrites identiques à celles de la phase secondaire mais de survenue tardive et chronique.

• Autres : des patients se plaignent des mois ou des années après une piqûre de tique de signes très polymorphes type asthénie, dépression, algies diffuses, troubles de la mémoire, de l’attention… sans qu’il ne soit toujours possible de confirmer le diagnostic biologiquement. « Certains parlent de syndrome “post-Lyme” mais ce concept n’a pas de fondement scientifique, explique le Pr Perronne, chef de service en infectiologie à l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches (92), président du conseil scientifique de la Fédération française des maladies vectorielles à tiques (FFMVT). Ces symptômes peuvent signer une maladie de Lyme chronique, qui est très polymorphe, avec une susceptibilité individuelle importante. Comme le diagnostic de certitude est rarement possible, on soigne certains patients pour des maladies auto-immunes comme une sclérose en plaques ou une polyarthrite, d’autres sont étiquetés fibromyalgiques, d’autres malades imaginaires… »

À noter : face à ces symptômes polymorphes chroniques, le Haut Conseil de la santé publique a fait des recommandations en 2014(1), avec la mise en place d’études épidémiologiques, l’amélioration du diagnostic biologique et la recherche d’autres agents pathogènes transmis par les tiques (Bartonella, Anaplasma…), l’évaluation des antibiotiques chez ces patients.

Rechutes

« Même après un traitement antibiotique, la bactérie peut rester latente dans l’organisme et être réactivée, par exemple lors d’une grosse grippe ou d’un stress. Des personnes qui allaient mieux rechutent brutalement alors qu’ils n’ont pas été réinfestés. C’est une maladie chronique qui peut altérer la vie du patient jusqu’à un point critique », rappelle le Pr Perronne.

Diagnostic

En théorie

Le diagnostic repose avant tout sur :

• des arguments d’exposition : piqûre de tique récente, séjour dans la nature, saison, région et taux d’infestation des tiques… ;

• des symptômes compatibles avec la maladie.

À la phase primaire, seul l’érythème migrant typique est un signe caractéristique. Il dispense d’examens biologiques de confirmation, qui sont de toute façon trop peu sensibles les premières semaines d’évolution de la borréliose de Lyme.

En cas de manifestations cliniques de la phase secondaire ou tertiaire, des examens biologiques sont plus ou moins associés, réservés à des laboratoires spécialisés : Centre national de référence des Borrelia à Strasbourg, à l’Institut de bactériologie ;

• la recherche directe de la bactérie à partir d’un liquide biologique, plasma, liquide céphalo-rachidien…après mise en culture : plusieurs semaines de délai sont nécessaires.

• La recherche indirecte des anticorps spécifiques dirigés contre la Borrelia grâce à une technique sérologique immuno-enzymatique type Elisa pour le dépistage, confirmée en cas de résultat positif ou douteux par une technique type Western-Blot.

En pratique

Le diagnostic de certitude de la maladie est rendu difficile autant par le polymorphisme des signes cliniques que par les sérodiagnostics. La recherche directe de la bactérie dans les liquides est aléatoire, longue, difficilement réalisable en routine et la recherche d’anticorps est peu sensible. « Les méthodes disponibles manquent de spécificité. Elles ne permettent pas de détecter la vingtaine d’espèces rencontrées mais aussi de sensibilité puisqu’elle varie de 20 à 70 % selon les études, explique le Pr Perronne. Les tests actuels ne nous aident guère. Quand on a un résultat positif, on est fixé, mais quand il est négatif, ça ne veut pas dire qu’on n’a pas de Borrelia. Il faudrait développer des méthodes plus efficaces comme la recherche du génome bactérien par amplification génomique (PCR : Polymerase Chain Reaction) ou les tests de transformation lymphoblastiques (mesure une augmentation du nombre de lymphocytes T mémoire en contact avec des antigènes spécifiques dans les cultures cellulaires, NDLR), mais aussi la recherche d’autres agents infectieux, comme les Bartonella ou les Babesia, potentiellement impliqués. En pratique, je préfère me baser sur la clinique, le diagnostic d’élimination d’autres pathologies et la réponse à un traitement d’épreuve aux antibiotiques ».

Son traitement

Avertissement

La stratégie thérapeutique en France repose sur les recommandations de 2006 de la Conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse. « Borreliose de Lyme. Les démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives » de la Société de pathologie infectieuse de la langue française (Spilf) sont basées sur les avis de l’Infectious Diseases Society of America (Idsa) et l’European Concerted Action on Lyme Borreliosis (Eucalb).

Certains spécialistes de la maladie et associations de patients jugent cependant ces recommandations françaises inappropriées et demandent leur complète révision (voir interview p. 29). D’autres pays comme les États-Unis ont déjà revu les leurs, celles de l’Idsa ont été remplacées par celles de l’International Lyme And Associated Diseases Society (Ilads) menées par un groupe de médecins de terrain.

Objectifs

Selon la Conférence de consensus de 2006, « l’objectif du traitement antibiotique d’une borréliose de Lyme est l’éradication complète des Borrelia quelle que soit leur localisation au niveau tissulaire. Le traitement antibiotique vise à éviter l’évolution possible, dans un délai variable, de la survenue de phénomènes infectieux plus tardifs, souvent associés à des réactions inflammatoires ou dysimmunitaires ». L’objectif à atteindre en pratique est « la résolution complète des symptômes en relation avec l’infection à Borrelia ».

Stratégie

Molécules actives

Trois classes d’antibiotiques ont montré leur efficacité : les bêta-lactamines (amoxicilline, céfuroxime-axétil, ceftriaxone, pénicilline G, phénoxyméthylpénicilline), les cyclines (doxycycline, minocycline) et les macrolides (azithromycine, érythromycine, roxithromycine).

Choix

Il se fait selon la phase d’évolution et le type d’atteinte.

Phase primaire (érythème migrant)

Doxycycline, amoxicilline et céfuroxime axétil ont montré leur efficacité. Les deux premiers, plus anciens, bien tolérés et moins coûteux, sont privilégiés en première intention.

• Règles de prescription à respecter :

→ administration le plus tôt possible après l’apparition des signes cliniques ;

→ durée de traitement adaptée selon la clinique : traitement de quatorze jours par amoxicilline ou doxycycline si l’érythème migrant est isolé, traitement allongé à vingt et un jours s’il présente des lésions multiples ou est accompagné de signes extra-cutanés ou généraux (entre phase primaire et secondaire) pour limiter le risque de complications tardives ;

→ recours à l’azithromycine à raison de 500 mg par jour en une prise per os pendant dix jours si allergies ou contre-indications aux bêta-lactamines ou aux cyclines (voir tableau).

• Cas particuliers

→ Enfants : idem que l’adulte, sauf pour les moins de 8 ans chez lesquels les cyclines sont contre-indiquées en raison du risque de jaunissement des dents et d’hypoplasie de l’émail ; et ajustements posologiques en fonction du poids.

→ Femme enceinte ou allaitante : passage possible materno-fœtal de la maladie non prouvé. Le traitement de la phase primaire privilégie les bêta-lactamines, les cyclines étant contre-indiquées.

Phases secondaire et tertiaire

Les recommandations varient selon l’atteinte.

• Neuroborrélioses :

→ paralysies faciales isolées : doxycycline per os 200 mg/j ou amoxicilline per os 1 g, 3 fois/j ou ceftriaxone IV ou IM 2 g/j pendant 14 à 21 jours ;

→ autres formes dont paralysie faciale associée à une méningite : en première ligne, ceftriaxone IV ou IM 2 g/j durant 21 à 28 jours. En deuxième ligne, pénicilline G en IV 18-24 MUI/j ou doxycycline pers os 200 mg/j, durant 21 à 28 jours.

• Arthrites aiguës : en première ligne, doxycycline per os 200 mg/j pendant 21 à 28 jours ou en deuxième ligne amoxicilline per os 1 g 3 fois/j pendant 21 à 28 jours.

• Arthrites récidivantes ou chroniques : doxycycline per os 200 mg/j pendant 30 à 90 jours ou ceftriaxone IM ou IV 2 g/j durant 14 à 21 jours.

• Lymphocytome borrélien : traitement identique à celui de l’érythème migrant de phase primaire mais durée de 21 jours en cas de lésion cutanée de grande taille. La régression des symptômes cutanés sous antibiotique est un argument en faveur du diagnostic de la maladie.

• Atteintes cardiaques, associées en général à au moins une autre atteinte qui en a permis la découverte : ceftriaxone IV ou IM, ou per os avec cyclines ou bêta-lactamine, pendant 14 à 28 jours de façon identique à l’atteinte associée. Hospitalisation du patient si symptômes type syncope, dyspnée, douleurs thoraciques.

• Atteintes ophtalmiques : absence de traitement consensuel. En général, ceftriaxone par voie parentérale pendant 21 jours au moins, associée à un anti-inflammatoire.

• Acrodermatite chronique atrophiante : en première intention, doxycycline per os 200 mg/j pendant 28 jours ; en deuxième intention, ceftriaxone IV ou IM 2 g/j pendant 14 jours.

Que disent les nouvelles recommandations aux USA ?

Suite à une piqûre de tique, l’Ilads recommande notamment d’allonger la durée du traitement antibiotique à six semaines au moins, voire à plusieurs mois en présence de lésions multiples ou de toute manifestation de dissémination.

Médicaments

Bêta-lactamines

• Molécules : amoxicilline (Clamoxyl et génériques, comprimés dispersibles, gélules, poudre pour suspension buvable), céfuroxime axétil (Zinnat 125, 250 et 500 mg en comprimés, Zinnat 125 mg/5 ml granulés pour suspension buvable et génériques) et ceftriaxone (Rocéphine et génériques).

• Mode d’action : les antibiotiques du groupe des aminopénicillines (amoxicilline) et des céphalosporines (céfuroxime, ceftriaxone) inhibent la synthèse de la paroi bactérienne.

• Effets indésirables : diarrhées, nausées, éruption cutanée, candidose cutanéo-muqueuse.

• Surveillance : contrôle régulier de l’INR sous anticoagulants (risque d’augmentation de l’activité) pour céfuroxime et ceftriaxone, contrôle de la fonction rénale et hépatique en cas d’insuffisances sévères (ceftriaxone).

Cyclines

• Molécule : doxycycline (Vibramycine 100 mg comprimés et génériques : Doxycycline, Doxy,Doxylis, Granudoxy, Spanor, Tolexine…).

• Mode d’action : les tétracyclines inhibent la synthèse protéique des bactéries.

• Effets indésirables : nausées, épigastralgies, diarrhées, candidoses anales ou génitales, réactions allergiques cutanées, photosensibilisation.

• Surveillance : dosage régulier de l’INR régulier sous AVK ; pas d’exposition aux UV.

Macrolides

• Molécule : azithromycine (Zithromax 250 mg comprimé et 40 mg/ml poudre pour suspension buvable et génériques).

• Mode d’action : inhibent la synthèse protéique des bactéries.

• Effets indésirables : céphalées, nausées, vomissements, douleurs abdominales.

• Surveillance : surveillance de l’INR sous AVK. Arrêt du traitement en consultation rapide si signes d’atteinte hépatique (ictère, urines foncées, asthénie…) car risque d’hépatite fulminante.

À noter : outre les effets indésirables propres à chaque classe médicamenteuse, une aggravation transitoire des symptômes (fièvre, myalgies, adénopathie, céphalées…) est fréquente sous traitement mais ce syndrome est bénin et ne doit pas faire cesser le traitement. « Ces exacerbations sont parfois violentes, souvent reliées à tort à une inefficacité du traitement, remettant malheureusement en cause le diagnostic. Le problème, c’est que personne ne réagit de la même façon et que ces exacerbations sont souvent mal connues des médecins et des patients », explique le Pr Perronne.

Autres traitements

Anti-inflammatoires

→ L’utilisation de corticoïdes par voie intra-articulaire après traitement antibiotique bien conduit est possible dans les arthrites chroniques pour diminuer les séquelles articulaires.

→ Dans les formes ophtalmiques, on recourt aux corticoïdes locaux en cas de conjonctivite, d’uvéite…, voire systémiques en cas d’atteintes sévères.

Synovectomie chirurgicale

Il s’agit de l’ablation chirurgicale, partielle ou totale, d’une synoviale, la membrane tapissant la cavité des articulations mobiles. La synovectomie est discutée chez l’adulte au cas par cas en cas d’arthrite sévère.

Autres

Plaquenil, des antiparasitaires, des antifongiques… sont utilisés hors recommandations dans les formes chroniques de la borréliose.

Suivi

D’après la conférence de consensus de 2006, « le suivi post-thérapeutique sera avant tout clinique et la négativation d’une sérologie borrélienne n’est pas l’objectif du traitement ». Les anticorps persistant très longtemps après la guérison, les tests sérologiques n’ont aucune valeur de suivi.

• À la phase primaire : le suivi s’appuie sur la disparition des signes cutanés, qui peut cependant nécessiter plusieurs semaines sans signer un échec thérapeutique ; prolonger ou prescrire un nouveau traitement n’est pas nécessaire.

• Aux phases secondaire et tertiaire : le suivi repose aussi sur la disparition des signes cliniques évaluée au moins deux mois après traitement. La résolution peut être longue, voire incomplète, d’autant plus si le traitement a été mis en place tard. Si elle est partielle, un traitement antibiotique complémentaire est envisageable.

Protection

En l’absence de vaccin, la protection contre les piqûres de tiques est indispensable pour limiter le risque de transmission de la maladie.

Prévention primaire

Elle vise à éviter le contact entre la tique et l’homme. Parmi les stratégies recommandées :

• une meilleure information du grand public, plus particulièrement des sujets exposés (professionnels et activités de loisirs), qui rappelle les zones endémiques, la connaissance de la tique (reconnaissance, cycle de vie), les signes révélateurs de la maladie et les mesures de protection ;

• des mesures de protection mécanique lors d’activités en pleine nature (conseils aux patients) ;

• des répulsifs : naturels ou chimiques, ils visent à repousser les arthropodes. Ils ont été étudiés pour les moustiques mais leur efficacité sur les tiques est moins bien connue. Selon la conférence de consensus, dans la prévention des piqûres de tique, ces produits ont une efficacité limitée et une toxicité surtout de contact. Néanmoins, leur utilisation peut être recommandée en zone d’endémie, en évitant le contact avec les muqueuses et les yeux et sans dépasser le nombre d’applications maximales quotidiennes selon l’âge. Parmi les répulsifs de synthèse à usage cutané, le DEET reste le répulsif de référence. Selon les recommandations pour les voyageurs 2015, pour les tiques, les données de la littérature laissent penser que le DEET est actif, les autres répulsifs ayant été moins étudiés. L’IR3535, le KBR3023 ou « icaradine » et le PMDRBO sont utilisables en suivant les règles d’emploi des autorités contre les piqûres de moustiques (voir tableau).

À noter

• Il est aussi possible d’utiliser des insecticides de contact pour imprégner les vêtements, type permethrine, dont l’activité est rémanente plusieurs semaines mais la conférence de consensus ne les préconise pas en pratique quotidienne en raison de leur toxicité cutanée et pour l’environnement.

• La HAS recommande fortement de proscrire ces méthodes à l’efficacité insuffisante : bracelets anti-insectes, huiles essentielles (efficacité inférieure à 20 minutes), appareils à ultrasons, vitamine B1, homéopathie, raquettes électriques.

Prévention secondaire

En cas de contact avec une tique :

• rechercher minutieusement une piqûre de tique après exposition et son retrait le cas échéant (voir conseils aux patients) ;

• une antibioprophylaxie systématique après piqûre de tique, non recommandée en raison d’un rapport coût/bénéfice défavorable par la conférence de consensus de 2006 mais discutée au cas par cas, dans les régions de forte endémie, en cas de piqûres multiples ou encore après un attachement de la tique présumé > 48-72 heures. À noter : les États-Unis la recommandent systématiquement pour les personnes à la santé fragile, les femmes enceintes, les jeunes enfants, les immunodéprimés, dans les secteurs fortement endémiques et quand la durée d’accrochage est supérieure à quatre heures.

Conseils aux patients

Observance

Sur le traitement antibiotique

• Durée : respecter impérativement la durée totale de traitement. « Attention, certains médecins tendent à prescrire une posologie moindre d’antibiotiques, pendant quelques jours seulement. C’est insuffisant pour la borréliose de Lyme », rappelle le Pr Perronne.

• Moment de prise. Les bêta-lactamines et les macrolides se prennent pendant ou entre les repas. Les cyclines, au milieu du repas avec un grand verre d’eau, au moins une heure avant le coucher en raison du risque d’œsophagite.

• Soleil : attention au risque de photosensibilisation avec les cyclines. Éviter toute exposition directe aux UV pendant le traitement.

• Diarrhées : si une diarrhée apparaît brutalement, de type profuse, glaireuse, verdâtre, consulter immédiatement et arrêter le traitement en raison d’un risque de colite pseudo-membraneuse sous traitement antibiotique.

Prévention

Avant exposition

• Mesures de protection mécanique lors d’activités en pleine nature : porter des vêtements à jambes et manches longues, de préférence clairs pour repérer les tiques, insérer les bas du pantalon dans les chaussettes, porter un chapeau si la tête est en contact avec la végétation.

• Répulsifs : suivre les règles d’utilisation (voir tableau p. 32).

Après exposition

• Recherche minutieuse de toute piqûre de tique en inspectant et en se faisant inspecter par un proche tout le corps, en insistant sur les zones de prédilection des tiques : aisselles, pli du genou, zones génitales, cuir chevelu… Recommencer le lendemain car la tique gorgée de sang est plus visible.

En cas de piqûre

• Retirer la tique le plus tôt possible pour limiter le risque de transmission de la Borrelia ; il survient dans les premières heures et augmente avec le temps d’attachement. Recourir à une petite pince ou un tire-tique en exerçant une traction perpendiculaire à la peau et en tournant doucement dans le sens contraire des aiguilles d’une montre pour éviter d’arracher la tête. Ne pas utiliser les remèdes type éther, vaseline, alcool, anesthésique local…, qui pourraient favoriser la régurgitation salivaire, donc la transmission de la Borrelia.

• Désinfecter la peau avec un antiseptique après le retrait et non avant, l’antiseptique pouvant provoquer la régurgitation salivaire de la tique. Porter des gants ou se laver/désinfecter les mains soigneusement après l’opération.

• Surveiller durant deux à sept semaines la zone de piqûre pour vérifier l’absence de surinfection et de début d’érythème migrant caractéristique.

Avec l’aimable participation du Pr Christian Perronne, chef de service en infectiologie à l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches, président du conseil scientifique de la Fédération française des maladies vectorielles à tiques.

(1) Avis et rapport du Haut Conseil de la santé publique, La borreliose de Lyme, 28 mars 2014.

Info+

→ En France : 43 cas en moyenne pour 100 000 habitants, avec de fortes disparités régionales, au maximum 100 cas pour 100 000 en Alsace.

Dico+

→ Hématophage : se dit d’un animal qui se nourrit de sang.

Info+

→ Les tiques peuvent être infectées et transmettre d’autres agents infectieux simultanément ou non à la borréliose mais de façon beaucoup plus rare : bartonellose, encéphalite à tiques, piroplasmose…

Dico+

→ Paraparésie : forme atténuée de paraplégie.

→ Fibromateux : qui évoque la forme d’un fibrome, qui est une tumeur bénigne se développant à partir de tissu conjonctif.

L’avis du spé

Mieux vaut être un singe pour se faire diagnostiquer

Pr Christian Perronne, chef de service en infectiologie à l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches (92), président du conseil scientifique de la Fédération française des maladies vectorielles à tiques.

« Il y a un déni de la maladie de Lyme en France où elle est encore considérée comme une maladie rare. C’est loin d’être le cas. On estime qu’il y a des millions de malades en Europe. Le sous-diagnostic et le polymorphisme clinique écartent du système de soins les patients qui, parfois, sont traités pour d’autres affections. La France doit suivre les remises en question internationales. Aux États-Unis, depuis qu’ils ont changé les critères diagnostiques, 300 000 cas annuels sont déclarés, contre 30 000 auparavant, et la borréliose de Lyme est maintenant considérée comme un énorme problème de santé publique. Il est urgent d’avoir une nouvelle approche, avec une évolution du diagnostic, notamment la recherche de méthodes efficaces de sérodiagnostic, mais aussi des traitements. En pratique, nombre de médecins utilisent des antibiotiques à plus forte dose, plus longtemps et d’autres traitements comme le Plaquenil, des antiparasitaires, des antifongiques qui agissent sur certains récepteurs des Borrelia, de la phytothérapie… avec le risque d’une suspension pour charlatanisme car on est en dehors des recommandations officielles. À l’heure actuelle, même les vétérinaires ont une longueur d’avance sur nous pour le diagnostic des maladies vectorielles. Mieux vaut être un singe ou un cheval pour se faire diagnostiquer ! On ne s’en sortira qu’en finançant de vrais programmes de recherche avec des protocoles, de nouvelles techniques et une approche multidirectionnelle dans les centres spécialisés, qui inclut des médecins, des associations de patients, des microbiologistes. »

Info+

→ Les anticorps ne sont pas protecteurs et une personne peut contracter plusieurs fois la maladie.

Info+

→ Les chiens domestiques sont exceptionnellement l’hôte de Borrelia pathogènes pour l’homme, les tiques qui les parasitent généralement ne sont pas Ixodes ricinus et ne transmettent pas la borréliose.

Principales contre-indications

→ Amoxicilline et cefuroxime : antécédents d’allergie aux bêta-lactamines.

→ Doxycycline : moins de 8 ans, grossesse, allaitement, allergie aux cyclines, associations aux rétinoïdes car risque d’hypertension intracrânienne.

→ Azithromycine : antécédents de réactions allergiques, association aux dérivés de l’ergot de seigle, à la colchicine, insuffisance hépatique sévère.

Témoignage

Marie, 68 ans

« J’habite dans les Ardennes, une région où la maladie de Lyme commence à être bien connue, surtout chez les chasseurs et les agriculteurs. Quand j’ai vu apparaître une tache rouge sur mon bras, j’ai pensé à une piqûre de taon mais ma pharmacienne m’a dit d’aller voir le généraliste. Quand elle m’a parlé de Lyme, je n’y croyais pas ; pour moi, les signes étaient des troubles nerveux ou articulaires… La médecin m’a mise sous antibiotique directement pendant quinze jours. Elle avait un doute mais il y a des malades de Lyme dans la région et il paraît que c’est difficile à traiter quand c’est chronique ; elle ne voulait pas prendre de risque. La tache a disparu lentement et depuis je n’ai eu aucun signe. Par contre, je suis devenue vigilante et je m’observe dès que je rentre de promenade. »

En savoir+

→ La Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT) regroupe malades et médecins. Elle définit les évolutions souhaitables dans la prise en charge des maladies vectorielles à tiques.

→ Les associations de patients

L’Association France Lyme

www.francelyme.fr ;

contact@francelyme.fr

Le relais de Lyme

lerelaisdelyme.com ;

rdelyme@gmail.com

LYM’P.A.C.T.

www.lympact.fr ;

contact@lympact.fr

Lyme sans frontières (LSF)

Tél : 06 84 98 90 95,

www.associationlymesansfrontieres.com

Info+

→ Un vaccin a été utilisé aux USA dans les années 90 puis abandonné en raison de sa faible efficacité et de ses effets indésirables, aucun vaccin n’est actuellement disponible.

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ La borréliose de Lyme est une zoonose bactérienne due à Borrelia transmise par des piqûres de tiques.

→ Le risque de contamination de l’homme augmente avec le taux d’infestation des tiques et le temps de contact avec la peau. En Europe, il varie de 1 à 4 % après piqûre.

→ Si elle n’est pas traitée précocement à la phase primaire, des complications, surtout cutanées, neurologiques, articulaires, cardiaques et ophtalmiques, peuvent survenir, plus ou moins chroniques et résolutives sous traitement antibiotique.

→ La maladie est souvent sous-diagnostiquée, les diagnostics cliniques et biologiques n’étant pas suffisamment spécifiques.

SUR LE TRAITEMENT

→ Le traitement repose essentiellement sur des antibiotiques, bêta-lactamines, cyclines ou macrolides par voie orale ou injectable, selon la phase d’évolution, le patient et les contre-indications.

→ Les spécialistes appellent à revoir les recommandations, jugées obsolètes, et notamment allonger les traitements antibiotiques et utiliser d’autres molécules en routine.

→ Le suivi du traitement est essentiellement clinique.

SUR LE PATIENT

→ Pour limiter le risque de transmission de la borréliose,les mesures de protection sont essentielles : protection mécanique et répulsifs en cas d’exposition, retrait rapide de la tique et surveillance rapprochée en cas de piqûre.