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Territoires fertiles ?
Pour attirer des entrepreneurs dans des endroits ayant besoin d’être redynamisés, l’état propose des incitations fiscales. Véritable opportunité ou miroirs aux alouettes ? des officinaux témoignent.
S’installer dans des communes défavorisées, c’est à dire classées Zone de Revitalisation Rurale (ZRR), Zone Franche Urbaine (ZFU) ou Bassin d’Emploi à Redynamiser (BER), permet de bénéficier d’exonérations fiscales. Exerçant depuis 2007 dans une officine à Givet, une commune du BER de la vallée de la Meuse, Ludovic Goosse a pu ainsi économiser la coquette somme de 500 000 € environ sur 7 ans, et minorer le montant de son emprunt d’acquisition. Le titulaire tire pleinement profit de son installation grâce à sa situation frontalière qui draine une importante clientèle belge. Heureusement, car sur son marché domestique, il est confronté à la désertification médicale et à la baisse démographique, à la fermeture des écoles, aux délocalisations… Reste qu’en termes de capitalisation, les zones « sensibles » peuvent être de bonne augure. « Le vendeur peut intégrer l’économie fiscale et sociale pour faire monter son prix », informe Ludovic Goose. Cela a été son cas en 2010, lorsqu’il a pris une participation dans le capital d’une SEL de pharmacie située sur le territoire d’une autre commune du BER, « la surcote a été de 10 points au-dessus du prix de marché. »
Séduire la banque
L’avantage fiscal est aussi un argument de poids pour l’acheteur afin d’obtenir un prêt auprès des banques. Karine Simon-Lacoste en est bien consciente. Elle a repris en décembre 2011 une officine de 700 000 € de CA à Sabres, une commune rurale des Landes en ZRR. « Sans le bénéfice des exonérations, la banque aurait exigé un apport personnel supérieur à celui dont je disposais », se souvient-elle. Pour cette native de Mimizan, attachée à ses racines, s’installer en ZRR est un choix délibéré. « Il ne faut pas être dupe sur les soucis de développement dans ces zones, ni tirer des plans sur la comète ». Réaliste sur le potentiel de développement limité de sa pharmacie, elle est parvenue à hisser le CA au million d’euros par son investissement personnel sur des secteurs porteurs et appréciés en ruralité (aromathérapie, phytothérapie, matériel médical, services à la personne…). « J’ai pu également développer la para en référençant des gammes à bon prix car en ZRR, le niveau de vie de la population est faible. »
Gérer les risques
L’installation dans une zone « défavorisée » comporte forcément des risques, en particulier celui d’un échec de redynamisation du secteur. « En BRR, le plafond d’exonération de 200 000 € sur 3 ans n’est pas assez incitatif pour faire venir des sociétés de taille importante », relève Ludovic Goosse. A Sabres, Karine Simon-Lacoste connaît son lot d’inquiétudes et d’infortunes : départ d’un médecin non remplacé, absence de programmes immobiliers et d’implantation de nouvelles entreprises… A quelques mois de la fin du régime de faveur, elle défend un projet de création de maison médicale à proximité de sa pharmacie. En cas de feu vert de l’ARS, cela permettrait de prendre le relai des exonérations d’impôt.
S’adapter au quartier
Dans le Bas-Vernet à l’entrée de Perpignan, inscrit sur la liste des ZFU, Fatima Bendjeriou Sedjerari, titulaire de la pharmacie du Canigou, fait quant à elle l’expérience d’une situation compliquée liée à la réhabilitation du quartier. Dans le cadre du nouveau projet urbain, elle-même a été expropriée de l’immeuble qui a été démoli et obligée de transférer sa pharmacie dans de nouveaux locaux. « C’est grâce à l’indemnité d’expropriation, aux exonérations d’impôt et à un prêt complémentaire de 50 000 € que j’ai pu financer le transfert et l’aménagement de la nouvelle officine, toucher une nouvelle clientèle et développer le chiffre d’affaires », précise-t-elle. Un médecin du quartier est parti et il a fallu attendre plus de 6 mois avant qu’il soit remplacé. Et depuis janvier, la supérette d’à côté a fermé et les nouveaux logements construits sont partiellement occupés. Même si elle ne s’attendait pas à avoir une vie prospère en ZFU, le résultat n’est toutefois pas la hauteur de ses espérances. « Les nouvelles constructions n’ont pas permis d’enrayer la désertification du quartier. Dans ce type d’installation, il ne faut pas trop se focaliser sur l’attrait fiscal car cela peut vite devenir un piège », conclut-elle.
Le B.A.-ba sur les régimes de faveur
Les ZRR ou zones de revitalisation rurale regroupent des territoires ruraux à faible densité démographique, avec un handicap socio-économique. Les entreprises créées ou reprises entre le 01.01.2011 et le 31.12.2020 dans les ZRR doivent employer moins de 11 salariés. Les bénéfices sont totalement exonérés d’impôts pendant 5 ans, puis ils ouvrent droit à un abattement de 75 % la 6e année, 50 % la 7e année et 25 % la 8e année.
En savoir plus. Liste des communes en BRR sur http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/
Les ZFU ou zones franches urbaines sont des quartiers de plus de 10 000 habitants, situés dans des zones dites sensibles ou défavorisées. Jusqu’au 31.12.2020, l’exonération fiscale est totale pendant 5 ans. Le montant de l’allégement fiscal ne pouvant pas excéder 50 000 € par période de 12 mois, ce plafond étant majoré de 5 000 € par nouveau salarié. L’exonération est ensuite dégressive sur 3 ans : 60 % puis 40 % et 20 % la 3e année. Depuis 2015, l’exonération d’impôt est réservée aux entreprises employant au moins 50 % des salariés résidant en ZFU.
En savoir plus. Liste des ZFU sur sig.ville.gouv.fr/atlas/ZFU/
Les BER sont des bassins d’emploi à redynamiser qui se caractérisent par un taux de chômage supérieur de 3 points au taux national et par une perte annuelle de population égale ou supérieure à 0,15 %. Les BER sont situés dans les Ardennes et en Ariège. Les entreprises qui s’y installent jusqu’au 31 décembre 2017 peuvent bénéficier pendant 7 ans d’exonérations de charges patronales et fiscales (exonération totale d’IR ou d’IS, dans la limite d’un plafond de 200 000 € sur une période de 3 exercices).
En savoir plus. Pour connaître la liste des BER des Ardennes et de l’Ariège, contacter la direction départementale des finances publiques de ces départements.
Attention !Quand les exonérations cessent
C’est un problème… à anticiper dans le prévisionnel d’exploitation. Exemple ? En BER, les charges sociales font un bond de 50 %. D’où la nécessité de constituer au fil du temps une cagnotte. Dans cette perspective, François Gillot, expert-comptable du cabinet CAAG, conseille d’avoir une trésorerie cumulée sur 5 ans de 500 000 €, dans l’idéal. « Il faut, dans les années qui précèdent, être vigilant sur les prélèvements personnels et les embauches. »
Si ces mesures de prévention s’avèrent insuffisantes, « d’autres solutions peuvent être envisagées pour ménager la trésorerie, telles que la réalisation de travaux pour créer de nouveaux amortissements et le ré étalement de l’emprunt », indique-t-il.
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