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Quand la femme veut moins…
Aborder le désir féminin. L’appétit sexuel de la femme fl uctue tout au long de sa vie. Respecter, rassurer, conseiller et orienter sont les clés pour évoquer ce sujet intime au comptoir.
En parler
Répondre à un besoin
→ Les patientes aimeraient que le médecin les questionne, mais n’osent pas aborder d’elles-mêmes la baisse du désir sexuel. Très peu consultent pour ce motif. Si l’espace de la pharmacie ne présente pas, a priori, l’intimité suffisante, un besoin de prise en charge existe, et les conditions peuvent être réunies pour y répondre.
→ Des prescriptions fréquentes. La demande de produits prétendant booster la libido s’intensifie en officine. Comme pour tout produit de santé, la délivrance doit être accompagnée : motifs de la prise, dialogue, rappel des posologies et de prise…
→ Une demande pas forcément explicite. Une cliente en confiance avec vous qui aurait besoin d’un conseil peut aborder le sujet, de façon plus ou moins explicite : « Je ne me sens pas très en forme, en ce moment, en bas, ça ne suit pas trop… » Il peut aussi s’agir d’une patiente inconnue qui évite sa pharmacie, préférant aborder le sujet plus anonymement.
À titre préventif
En plus de faire partie de votre métier, annoncer les effets potentiels sur la libido d’un médicament – pilule… – ou d’une maladie – dépression… – aide à libérer la parole sur un sujet intime, à faire évoluer les mœurs sur la santé sexuelle et à parler prévention. Cela invite à l’échange en cas de besoin.
(Se) mettre à l’aise
La question du désir sexuel est difficile à aborder de but en blanc. Elle renvoie chacun à sa conception de la normalité. Au comptoir, tout le monde n’a pas la même aisance. La gêne survient facilement et peut interrompre le dialogue.
S’entraîner
→ Un « bonjour » accueillant est un préalable. La posture sera plus détendue, dans une attitude d’écoute et dans la congruence, soit le fait de montrer à l’extérieur, qui vous êtes à l’intérieur… Il faut donc être à l’aise à l’intérieur.
→ S’autoriser à ne pas savoir. Dire « Je ne sais pas » ou « Je vais me renseigner » est une clé pour se sentir à l’aise et détendue.
S’informer et se former
Une petite formation est parfois nécessaire pour travailler ses représentations, rester dans sa posture professionnelle et comprendre ce qui se joue dans la sexualité. Craindre de ne pas savoir répondre génère parfois un malaise qui peut être mal interprété. Si vous vous crispez, la patiente peut se dire que ce qu’elle vit est choquant ou anormal. Connaître les fondamentaux sur le fonctionnement du désir aide à mettre tout le monde à l’aise.
Laisser le choix de l’interlocuteur
Partager son intimité nécessite de se dévoiler. Tant pis pour votre ego si la cliente attend ostensiblement que votre collègue Marie soit libre, alors que vous l’êtes depuis un moment, ou que celle que vous servez se sent habituellement plus en confiance avec Martine. Souriez, et validez : « Je vous laisse attendre Martine ? » ou « Pour cette question, si vous préférez, je vous laisse patienter le temps que Marie se libère ? »
Admettre ses limites
Mal à l’aise ? Ne vous forcez pas !
→ Acceptez vos limites et passez la main. À chacun ses domaines de prédilection ! « Je vous propose de patienter quelques minutes, ma collègue va vous servir. Elle saura beaucoup mieux vous renseigner que moi sur ce sujet. »
→ Dédiez un coin à l’intime. Optez pour un comptoir éventuellement agrémenté d’un écriteau : « Sur cette file, on prend le temps de discuter », comme on peut en voir aux caisses de certains supermarchés. Celui qui est derrière ce comptoir sait qu’il doit adopter une posture d’écoute. Il est ainsi mieux disposé.
Choisir la bonne accroche
L’accroche ciblée « cœur de métier », à savoir, parler de la dimension biologique, met tout le monde à l’aise. Intégrez ensuite la dimension sexuelle à la sphère plus large de l’intimité, du relationnel, de l’affectif.
Repérer les situations
Ouvrez vos antennes pour adapter votre discours en fonction des demandes.
→ Les produits prétendant booster la libido. « Votre médecin vous a prescrit cela. Avez-vous besoin d’informations complémentaires sur la posologie ? Les effets ? La façon dont le médicament agit sur le corps, l’humeur, la forme, la sexualité ? »
→ Les médicaments pouvant diminuer le désir. En délivrant une pilule contraceptive, un traitement responsable de ménopause artificielle…, précisez : « Ce médicament peut entraîner des effets indésirables, comme une baisse de la libido. Le cas échéant, n’hésitez pas à revenir ou à en parler à votre médecin car des solutions existent. » Attention ! Les clientes pourraient prendre l’initiative de stopper brutalement leur traitement.
→ Quand l’ordonnance sous-entend une situation qui peut faire chuter le désir, type anticancéreux, etc. : « Ce médicament est prescrit dans les situations où le corps est inconfortable, avec des retentissements parfois sur la vie relationnelle, émotionnelle, intime… N’hésitez pas à nous en parler si besoin, des solutions existent. »
→ Quand la maladie peut affecter le désir : « La dépression peut avoir un retentissement sur la sphère affective, relationnelle, sexuelle. Avez-vous besoin d’informations à ce sujet ? », « N’hésitez pas à revenir si besoin, des solutions existent. »
→ Pathologies fragilisant la zone génitale : mycoses, infections… « Ces traitements à répétition peuvent affecter la flore, la lubrification, le confort sexuel en général. Avez-vous besoin d’un conseil à ce sujet ? »
Conditionner l’échange
La personne semble mal à l’aise pour aborder le sujet ou est gênée par le manque d’intimité ?
→ Proposez-lui de vous mettre à l’écart. Le local servant à la vaccination fera l’affaire.
→ Circonscrivez la durée de l’échange. Il sera limité dans le temps, pour éviter les grandes confidences et le basculement sur une consultation qui relèverait du cadre thérapeutique. « Avez-vous des questions dont vous souhaiteriez parler durant quelques minutes à l’écart ? », « Souhaitez-vous que nous prenions quelques minutes à l’écart pour que je vous explique mieux les effets du traitement ? » Une ouverture trop grande, mal circonscrite, risquerait de faire émerger d’autres difficultés : pression du partenaire, asymétrie dans la relation, dévalorisations, violences (voir encadré)… L’officinal non formé à la sexologie n’est pas armé pour les accueillir dans un cadre approprié.
→ Laissez la porte ouverte. La personne refuse l’échange ? Restez disponible : « N’hésitez pas à revenir vers nous si besoin » ou « Nous pouvons en reparler plus tard si vous le souhaitez. »
Amorcer la prise en charge
La patiente se livre d’elle-même ? Ou répond positivement à vos questions et vous questionne plus avant sur son manque de désir sexuel ? Ne la laissez pas partir.
Rassurer
→ Le désir sexuel fluctue. « Tout au long de la vie, chacun connaît des phases avec un appétit sexuel en berne. Ce n’est pas parce que le désir a chuté qu’il ne peut pas remonter, à tout moment et quelle que soit la durée de son absence. »
→ Poser les bases. « En dehors d’une maladie, d’un traitement ou d’un bouleversement hormonal, le désir sexuel féminin chute fréquemment en cas d’indisponibilité mentale – beaucoup de soucis en tête, peu de temps pour soi, p-our penser au plaisir… -, ou en cas d’indisponibilité physique avec épuisement, déprime ou manque de forme… » Interrogez la patiente sur son état de fatigue et son sommeil. Un bon point de départ pour trouver des solutions.
Conseiller
→ Des lubrifiants, des ovules pour hydrater les zones génitales en cas d’inconfort ou de sécheresse ; des produits à base d’oméga 3, 6, 9 pour la souplesse des tissus ; des plantes pour améliorer le confort du corps… Le désir ne peut pas se manifester en l’absence de plaisir.
→ Des compléments alimentaires ou des huiles essentielles énergisants peuvent donner un petit coup de fouet et redonner confiance en cas de manque d’entrain passager. L’effet placebo n’est pas à négliger.
→ Pas de produit miracle. « Si le problème persiste, revenez me voir. » Ces produits ne sont pas des potions magiques.
Orienter
Le manque de désir est installé ? « Peut-être qu’un accompagnement en parallèle avec quelqu’un de formé, sexologue ou thérapeute, vous serait utile pour aborder les répercussions émotionnelles, relationnelles, intimes en toute tranquillité car les médicaments sont un soutien mais ne suffisent pas forcément. » Réunir des coordonnées et/ou cartes de visite pour les proposer. Pour les plus pudiques, des sexologues peuvent être consultés anonymement sur le site mia.co !
avec la collaboration précieuse de Sylvie Monfort, sexologue et enseignante à l’université Paul-Sabatier de Toulouse (31), Marie-Line Lassagne, psychothérapeute à Toulouse, chargée de cours universitaire et fondatrice de sexo-formations.com, et Céline Vendé, sexologue à Bordeaux (33) et experte chez Womanizer.
Lire aussi l’Enquête p. 20.
Repérer les violences conjugales
→ Si vous suspectez que la femme est victime de violence domestique, avec des rapports sexuels non consentis, ouvrez le dialogue : « Parfois, ces symptômes que vous décrivez peuvent être dus à un climat de stress et de tension à la maison » ou « Parfois, on prend ces médicaments pour oublier des évènements difficiles. » Puis : « Est-ce que ce serait votre cas ? Si oui, peut-être souhaiteriez-vous aborder ce sujet en toute confidentialité, avec un professionnel formé à l’écoute et qui peut vous orienter ? » Suggérez d’en parler au médecin et rappelez qu’il existe le 3919 Violences Femmes Info, numéro d’écoute, d’information et d’orientation, accessible 24 h/24, 7 jours/7, qui ne figure pas sur la facture téléphonique (lire aussi Porphyre n° 597, avril 2023).