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La thérapie ciblée à l’épreuve du cancer
Traiter une tumeur en fonction de la mutation génétique la caractérisant est un champ de recherche de plus en plus investi. Malgré quelques débuts prometteurs, l’efficacité de cette approche thérapeutique reste encore à démontrer.
Le génome des cellules cancéreuses est constitué de mutations constitutionnelles et de mutations acquises. Moins de 10 % des cancers présentent une forme héréditaire c’est-à-dire faite de mutations constitutionnelles. Les 90 % restants présentent des mutations acquises qu’il est maintenant possible de caractériser rapidement. Les identifier permet en premier lieu de préciser le diagnostic et le pronostic de la maladie, la nature de ces mutations pouvant jouer un rôle important dans le développement d’un cancer. Une mutation provoquant la surexpression du récepteur HER2 est ainsi retrouvée chez 12 à 20 % des femmes atteintes d’un cancer du sein. Le récepteur HER2 favorisant indirectement la croissance des cellules, sa surexpression risque d’accélérer le processus moral.
Caractériser les mutations génétiques acquises permet également de décider de l’utilisation, ou non, de thérapies ciblées. Il a été démontré, par exemple, que les mutations de gènes RAS de type sauvage réduisant drastiquement l’efficacité d’Erbitux (cetuximab), qui cible un facteur de croissance (EGFR) en cause dans ce type de tumeurs. Depuis début 2014, les laboratoires Merck, en accord avec l’ANSM et l’Agence européenne du médicament, exigent que l’on recherche ces mutations et que le traitement soit instauré uniquement si ces gènes ne sont pas mutés. « On utilise souvent des thérapies ciblées lorsque le cancer est au stade métastatique. Il en existe pour traiter les cancers du poumon, du colon, des ovaires et les mélanomes. La mise en place de chacun de ces traitements est conditionnée, préalablement à sa mise en œuvre, à un typage moléculaire des tumeurs », précise Pierre Laurent-Puig, directeur scientifique du cancéropôle Île-de-France et oncologue à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris). « La technique de séquençage de plus en plus utilisée, parce que plus rapide et moins coûteuse en ADN, est le NGS (Next generation sequencing) ciblé qui caractérise en une seule fois une vingtaine de gènes. Nous sommes maintenant capables de fournir des résultats dans un délai d’une semaine », rajoute-t-il.
Batailles moléculaires contre métastases en mutation
Le typage moléculaire des cancers permet enfin de réorienter le traitement anticancéreux lorsque celui initié ne fonctionne plus. « Les tumeurs évoluent en fonction des molécules auxquelles elles sont confrontées. Elles peuvent former de nouvelles métastases contenant une autre mutation, qui deviennent résistantes au traitement de première intention. On analyse alors les nouvelles métastases pour adapter le traitement à la nouvelle mutation », détaille Pierre Laurent-Puig. Et l’on découvre parfois des mutations ciblées par des molécules qui n’ont pas d’AMM dans l’organe touché par la tumeur. Au début des années 2010, l’ANSM est alertée par l’afflux de demandes d’ATU (autorisations temporaires d’utilisation) nominatives sollicitant l’utilisation de Zalkori (crizotinib) pour traiter des tumeurs autres que celles pour lesquelles il est indiqué : les cancers du poumon non à petites cellules avec altération du gène ALK. En cause, le fait que cette molécule cible les tumeurs présentant des mutations des gènes ALK, MET, RON ou ROS1, retrouvées dans plus de 20 types de cancers différents. En réaction, l’Institut national du cancer (INCa) met en place en 2013 le programme AcSé, avec l’accord de l’ANSM. « Il s’agit d’éviter les prescriptions non encadrées, hors AMM, du crizotinib. Nous souhaitons que tous les patients qui peuvent et souhaitent bénéficier de ce traitement se le voient proposer au sein du programme, dans le cadre d’un essai clinique qui impose des critères de suivi très stricts », explique Natalie Hoog-Labouret, responsable du programme à l’INCa. À ce jour, 150 à 200 patients ont participé à l’étude. Les résultats générés montrent une réponse tumorale favorable pour les patients souffrant d’un cancer du poumon avec une altération du gène ROS1. En conséquence, Pfizer, qui commercialise le crizotinib, travaillerait actuellement sur une demande d’AMM. Depuis deux autres essais cliniques ont été lancés en octobre 2014 et en juin 2016. Refroidissant l’enthousiasme ambiant, les résultats de l’étude clinique SHIVA publiés en juin 2014 dans lesquels le choix de l’anticancéreux entièrement basé sur le profil moléculaire de la tumeur n’est pas significativement meilleur que celui des anticancéreux usuels. Il faudra donc encore patienter quelques années pour conclure à l’efficacité de la méthode.
À RETENIR
• 90 % des cancers présentent des mutations acquises qu’il est maintenant possible de caractériser rapidement pour préciser le diagnostic et le pronostic.
• Caractériser les mutations génétiques acquises permet également de décider de l’utilisation, ou non, de thérapies ciblées.
• L’hétérogénéité des mutations métastatiques complexifie le recours aux thérapies ciblées.
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