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Plus haut à en donner le vertige

Publié le 9 décembre 2023
Par Yves Rivoal
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La part des médicaments chers et onéreux dans le chiffre d’affaires (CA) des pharmacies devrait encore croître en 2023. Et accentuer la baisse de la marge brute globale des officines.

 

CONTRIBUTEURS

Emmanuel Leroy (KPMG)

David Syr (Gers Data)

« En 2023, la part des médicaments chers et onéreux a encore progressé dans les officines, avec une croissance en pourcentage du chiffre d’affaires (CA) de 18 % pour les médicaments de plus de 150 € et de 25 % pour ceux de plus de 1 930 € hors taxes », constate Emmanuel Leroy, associé leader national santé de KPMG. Du côté du Gers Data, les données confirment la tendance. « Après avoir frôlé la barre des 5 milliards en 2022, les médicaments onéreux à plus de 1 930 € devraient la dépasser en 2023, alors qu’ils ne représentent que 0,09 % des volumes du médicament de prescription obligatoire, confie David Syr, directeur général adjoint du Gers Data. Nous étions en effet déjà, fin septembre, à 4,2 milliards de CA sur les neuf premiers mois de l’année, un résultat en croissance de 17 %… pour seulement 204 présentations. » 

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Le moteur de cette accélération est désormais clairement identifié. « Elle est alimentée par une accentuation du report de l’hôpital vers la ville de médicaments innovants contre le cancer ou de traitements contre la mucoviscidose, explique David Syr. Et cela n’est pas sans conséquence sur l’économie officinale. En effet, de plus en plus de pharmacies ont un patient qui pèse à lui seul 500 000 € de CA par an, ce qui booste le CA mais fausse complètement la lecture de la structure financière de la pharmacie, car sur ces médicaments le taux de marge se situe autour de 2,5 %. » 

Incompréhensions 

« C’est vrai que de plus en plus de clients nous disent qu’ils ne comprennent pas ce qui se passe. Leur chiffre d’affaires progresse et pourtant, ils sont confrontés à des problèmes de trésorerie, ajoute Emmanuel Leroy. Lorsque l’on croise les données de CA et de marge, on s’aperçoit que la baisse de la marge brute globale de 10 % observée sur les six premiers mois de l’année est liée en grande partie aux produits chers et onéreux. » Pour l’associé de KPMG, la dispensation à l’officine des produits chers et onéreux constitue quand même une bonne chose. « Elle permet de fidéliser le patient qui va ainsi venir récupérer à la pharmacie ses autres ordonnances, rappelle-t-il. Les pharmaciens doivent simplement, comme nous le faisons déjà, ne plus fonder leurs analyses sur le CA, qui ne veut plus dire grand-chose, pour se focaliser sur le volume et les composantes de la marge qui constituent aujourd’hui les seuls indicateurs fiables pour mesurer l’équilibre économique d’une pharmacie. »

En 2024, la marche en avant des produits chers et onéreux devrait se poursuivre. « Avec les nouvelles missions et la dispensation protocolisée, la pharmacie pourrait encore accentuer son rôle d’animateur et de coordinateur de soins sur les territoires, prédit David Syr. Et maintenant que le mouvement est lancé, il n’y aura pas de retour en arrière. La question qui va se poser est de savoir comment gérer la décorrélation entre CA et marge amplifiée par les médicaments chers qui procurent des angoisses à tous les titulaires. Car si l’Assurance maladie les rembourse en général avant que la pharmacie les paie, il suffirait d’un grain de sable dans la machine pour exposer les officines à un risque financier important. »