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Le taux de marge des grossistes-répartiteurs se dégrade lui aussi

Publié le 9 décembre 2023
Par Magali Clausener
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A l’instar des pharmaciens d’officine, le chiffre d’affaires des grossistes-répartiteurs croît mais leur taux de marge se détériore. En cause, l’augmentation des ventes de médicaments chers qui ne leur rapportent pratiquement rien. A cette situation difficile s’ajoute la hausse des ventes directes liées aux pénuries et tensions d’approvisionnement de certaines spécialités.

 

CONTRIBUTEURS

Laurent Bendavid (CSRP)

Emmanuel Déchin (CSRP)

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Une augmentation de 8,81 % du chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) : l’évolution du CA de la répartition en 2022 n’est pas mauvaise, bien qu’elle est en dessous de celles de l’industrie (+ 9,78 %) et de la pharmacie (+ 9,51 %). Sur les huit premiers mois de 2023, la croissance reste également largement positive même si elle se tasse pour tous les acteurs de la chaîne pharmaceutique : + 7,89 % pour les grossistes, + 8,27 % pour les industriels et + 8,03 % pour les pharmaciens. Mais pour Laurent Bendavid, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), l’augmentation du CA n’est que « faciale ». « Le CA se porte bien, poussé par l’arrivée de nouvelles molécules et de produits chers qui représentent près de 50 % de la croissance en valeur du marché. Cela permet d’afficher une croissance porteuse de CA, mais pas de valeur ajoutée car les produits chers ne nous rapportent rien. Notre marge est capée à 32,50 € avec les produits dont le prix fabricant hors taxes est égal ou supérieur à 468,97 €. Si notre croissance est bien meilleure que celle de la période pré-Covid-19, en revanche la marge n’évolue pas au même rythme », détaille le président de la CSRP. En outre, le secteur doit faire face à une forte progression des coûts en raison de l’inflation. « Les coûts de transport, d’énergie et d’essence ont explosé de 30 %. Et l’évolution de la masse salariale, comprise entre + 1 et + 1,5 % les années précédentes, atteint désormais + 4,5 % par an », ajoute Laurent Bendavid.

Revoir la contribution et la marge 

A cette situation difficile s’ajoute la contribution sur les ventes en gros qui pèse sur les grossistes-répartiteurs. Cet « impôt de production injuste », pour reprendre les termes de Laurent Bendavid, s’est élevé à 185 millions d’euros en 2021 et devrait s’établir à au moins 195 millions d’euros en 2022. Or, le résultat d’exploitation de la répartition a atteint 4 millions d’euros en 2022. D’où la demande de la CSRP de réduire le taux de la première part de cette contribution en le faisant passer de 1,50 à 1,20 %. Une modification qui ne peut être qu’une mesure du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). « Nous allons défendre notre position », observe le président de la CSRP. 

Autre souhait de la profession pour améliorer l’économie du secteur : une révision du forfait produit cher. Concrètement, il s’agit de l’augmenter de 32,50 € à 37,50 €. Une telle disposition doit faire l’objet d’un texte réglementaire.

Explosion des ventes directes 

Le gouvernement entendra-t-il enfin les grossistes-répartiteurs ? Quoi qu’il en soit, le secteur doit aussi faire face à un autre phénomène : l’explosion des ventes directes sur les huit premiers mois de 2023 pour les médicaments référents (+ 31,70 % versus + 5,37 % en 2022) et les génériques (+ 15,10 % versus + 2,27 % en 2022). Des évolutions qui ont incité la CSRP à regarder de plus près les génériques concernés. « Les progressions les plus fortes peuvent atteindre + 100 %, voire davantage, et portent sur les médicaments en tension ou en rupture comme l’amoxicilline (+ 99 % pour l’amoxicilline 250 mg) ou la prednisolone (+ 192 %), explique Emmanuel Déchin, délégué général de la CSRP. On observe également que ces évolutions ont lieu deux mois avant ou après une alerte de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur des tensions. » De fait, la CSRP a recommandé à l’ANSM de « synchroniser » la publication des alertes avec la fermeture du canal des ventes directes. « Les grossistes-répartiteurs livrent la totalité du réseau officinal, par conséquent, si les livraisons sont limitées, toutes les pharmacies ont des boîtes. En revanche, les ventes directes d’un laboratoire ne touchent que 3 000 ou 4 000 pharmacies », estime Emmanuel Déchin. Mais au-delà des ventes directes, « les ruptures ont une incidence sur notre activité et notre logistique », remarque Laurent Bendavid. Or, elles ne risquent pas, malheureusement, de véritablement diminuer.