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© Juppé Fillon le match - DR
Fillon-Juppé : leurs propositions pour la pharmacie
Très attendu, le débat télévisé du jeudi 24 novembre permettra aux deux finalistes de la primaire de droite de confronter leurs projets pour la France. Le thème de la Santé sera sans doute abordé par Alain Juppé et François Fillon. Quelles sont leurs intentions pour la pharmacie ? Le Moniteur des pharmacies leur a soumis des questions. Voici leurs réponses.
Quelle est la place du pharmacien dans le système de santé ?
François Fillon : Le pharmacien est un acteur central de la santé publique. Professionnel hautement qualifié, il a un rôle essentiel dans les soins de proximité. C’est souvent le premier interlocuteur de nos concitoyens sur leurs problèmes de santé. Au-delà de la dispensation des médicaments, il a un rôle de conseil et d’orientation. Enfin, il joue un rôle majeur dans la prévention et l’éducation thérapeutique des malades. Je rappelle que la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » de 2009 a pleinement reconnu le rôle et les missions des pharmacies d’officine.
Alain Juppé : Les pharmaciens sont l’une des professions dans lesquelles les Français ont le plus confiance et ils ont raison. La raison d’être du pharmacien c’est de dispenser, avec pertinence et efficacité, les médicaments et autres produits de santé. Mais il faut aller au-delà : le pharmacien dispose de compétences aujourd’hui sous-utilisées. La complexité des traitements mis sur le marché, le vieillissement, l’essor de la dépendance, les inégalités territoriales et le besoin croissant de sécurisation des personnes justifient de renforcer le rôle du pharmacien et sa mission de conseil. Dans un schéma de soins coordonnés, le pharmacien d’officine de demain devra être le lien, au sein des soins de ville, entre le médecin traitant, le biologiste médical et les soignants paramédicaux. Il assurera tout autant la liaison entre l’ambulatoire et l’hôpital, grâce au système d’information partagé du dossier pharmaceutique
Allez-vous revaloriser la rémunération des pharmaciens ?
F.F : Le pharmacien n’est plus seulement rémunéré sur la seule dispensation des médicaments, il perçoit aussi des honoraires. De nouvelles missions sont en train d’émerger : conseils, éducation thérapeutique notamment, d’autres sont en discussion comme la vaccination. Ces nouvelles missions nécessitent des formations et doivent être rémunérées de la même façon par des honoraires.
A.J : La reconnaissance économique de la valeur ajoutée sanitaire produite est essentielle. Le pharmacien ne peut être crédible dans son approche de prévention et de maîtrise des accidents médicamenteux en continuant à être rémunéré à la longueur de l’ordonnance et au volume de médicaments prescrits. Une évolution du système de rémunération des pharmaciens est donc souhaitable, en contrepartie d’une élévation mesurée de la qualité du service rendu.
Autoriseriez-vous la vente des médicaments dans les grandes surfaces ?
F.F : Les médicaments qui seraient distribués dans les grandes surfaces seraient non remboursés. Il n’en demeure pas moins qu’ils resteraient des médicaments avec des effets secondaires non dénués de risque. Sans être professionnel de santé, ce qui me préoccupe plus encore, c’est le risque de retard au diagnostic devant des symptômes masqués par ces médicaments qui ont un effet essentiellement symptomatique. Il ne faut pas banaliser la distribution du médicament. C’est là encore rappeler le rôle du pharmacien dans l’alerte et l’orientation des patients devant un symptôme.
A.J : Je ne suis pas favorable à la vente des médicaments dans les grandes surfaces. C’est pour les médicaments à prescription médicale facultative qu’on évoque régulièrement cette mesure. Pourtant, ce sont bien des médicaments, des produits de santé qui ne sont pas anodins. C’est bien lorsque la délivrance d’un médicament ne nécessite pas d’ordonnance que la compétence et la vigilance du pharmacien sont d’autant plus requises. Par ailleurs, l’argument de la baisse des prix, si souvent avancé à l’appui d’une libéralisation, n’est pas certain. Nombreux sont les exemples qui démontrent l’inverse chez la plupart de nos voisins européens où les médicaments restent plus chers qu’en France. Faut-il exposer le public à des risques bien réels et déstabiliser le maillage territorial des officines pour un gain hypothétique de quelques euros de pouvoir d’achat ? Je ne le pense pas.
L’ouverture du capital de l’officine pour introduire des actionnaires autres que pharmaciens est-elle une mesure envisagée si vous êtes élu ?
F.F : Actuellement le pharmacien titulaire de l’officine reste majoritaire dans le cadre des SEL et autres SELARL, le capital ne pouvant être détenu que par des pharmaciens. L’ouverture du capital aux non professionnels entraînerait le risque de compromettre le caractère indépendant et libéral de la profession. Il convient de favoriser l’évolution de la profession tout en préservant une politique forte de protection de la santé publique : la pharmacie est une profession réglementée qui doit servir l’intérêt général.
A.J : L’ouverture du capital à des actionnaires extérieurs à la profession changerait la perspective de meilleur service rendu aux patients qui est celle des pharmaciens, pour mettre l’accent sur la rentabilité des officines pour les investisseurs. Il y aurait alors un risque d’affaiblir le maillage territorial qui existe aujourd’hui au détriment des zones rurales ou des zones urbaines les plus fragiles, où sont rarement implantées les officines les plus rentables. Pour ces deux raisons, et au vu des exemples qui existent en Europe, je ne suis pas favorable à une telle évolution.
Envisagez-vous de supprimer le tiers payant généralisé ?
F.F : Je supprimerai le tiers payant généralisé pour la consultation médicale qui n’a aucune raison d’être. En revanche, il ne faut pas supprimer le tiers payant en pharmacie, en place depuis près de 40 ans, qui vient en aval d’une prescription.
A.J : Je l’ai déjà évoqué dans mon projet pour la santé : imposer aux médecins, contre leur avis, le tiers payant généralisé était irresponsable et le signe d’un profond mépris. Il faudra revenir, très rapidement, sur cette décision. Il faut garantir aux professionnels de santé libéraux la pérennité des valeurs qui fondent la médecine française : liberté de choix du médecin par le malade, liberté de prescription et liberté d’installation des médecins, paiement direct des honoraires au médecin par le patient. Quant au tiers payant pour les médicaments, il a vocation à demeurer car le système mis en place dans le cadre de la convention entre l’assurance maladie et les pharmaciens d’officine a fait ses preuves sur la satisfaction des patients comme des pharmaciens.
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L’interview de François Fillon « Les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant ne doivent pas être remboursés », publiée le 8 novembre.
L’interview d’Alain Juppé « Avec les pharmaciens, je veux établir un véritable pacte de confiance », publiée le 9 novembre.
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