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Europe : le monopole officinal dans tous ces Etats
Le député Marc Ferracci (Renaissance) travaille sur la déréglementation des professions réglementées. Ce qui concerne donc les pharmaciens. Qui dit déréglementation dit également risque pour leur position. L’occasion de faire le point sur la conception européenne du monopole officinal.
Marc Ferracci, député des Français de Suisse et du Liechtenstein et vice-président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, travaille à « documenter les barrières ou les freins posés par des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire dans l’accès à un certain nombre de professions », selon Contexte. D’après ce site d’information spécialisé dans les politiques publiques, le député souhaite, en matière de santé, s’appuyer sur un avis de 2019 de l’Autorité de la concurrence sur les laboratoires de biologie, « voire mener une réflexion sur les conditions d’installation des pharmaciens ». Il devrait rendre un « diagnostic » début 2024, lequel pourrait conduire à une proposition de loi au printemps. « Si cela débouche sur une loi comme en 2014, cela pourrait entraîner une financiarisation du secteur, une remise en cause du monopole, voire du maillage territorial », estime Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
La notion de monopole recouvre, au sens premier du terme essentiellement économique, la position d’une entreprise qui n’a pas ou qui n’a plus de concurrents sur son ou ses marchés. S’agissant du monopole officinal, d’aucuns le considèrent comme une restriction, une entrave mais aussi comme un privilège, certes… mais un privilège assorti d’importantes contreparties ou obligations telles que l’obligation de vendre essentiellement un produit à caractère particulier (le médicament), exercer dans une officine, disposer d’un diplôme spécifique et d’une licence ou encore se soumettre à des règles déontologiques du fait de son inscription à l’Ordre. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit avant tout d’un monopole de compétences et surtout d’une responsabilité.
Considéré comme un postulat, le monopole officinal a été progressivement bâti sur le médicament qui est sa raison d’être, en fonction des situations et des objectifs déterminés par les pouvoirs publics. Toutefois, il ne se résume pas au seul concept de médicament contrairement à une idée préconçue et réductrice. Le monopole officinal, défini à l’article L.4211-1 du Code de la santé publique (CSP), porte aussi limitativement sur un certain nombre d’objets divers, d’activités, d’opérations et de modalités d’exercice qui se justifient par la protection de la santé publique.
Schématiquement, celui-ci comprend quatre dimensions : un monopole de vente établi sur tous les médicaments actuellement mis sur le marché en France tels que visé à l’article L.5111-1 du CSP ; un monopole de professionnel accordé au pharmacien ; un monopole de lieu (l’officine avec un principe de maillage géographique) ; enfin, un monopole de propriété permettant d’assurer l’indépendance du pharmacien.
En outre, le monopole définit également les modalités d’exercice du pharmacien. A la fois commerçant et profession libérale, celui-ci doit être également propriétaire et exploitant de son officine en vertu du principe d’indivisibilité.
Un monopole pluriel
Contrairement à la notion de médicament clairement établie tant d’un point de vue national que communautaire, les juges européens reconnaissent que le monopole officinal n’est pas une notion de droit communautaire, aucun consensus entre les 27 EM n’ayant pu être trouvé afin de s’accorder sur une définition commune. En somme, il s’agit d’une notion propre à chaque EM, bâtie selon des conceptions traditionalistes et séculaires au regard de critères idéologiques, politiques ou sanitaires, voire parfois géographiques (pour ne pas dire topographiques si l’on fait référence à la notion récente d’unité géographique) spécifiques. C’est la raison pour laquelle il existe autant de monopoles que l’on dénombre d’EM dans l’UE.
Par conséquent, en l’état actuel du droit communautaire, la détermination des règles relatives à la distribution des produits pharmaceutiques demeure toujours de la compétence des EM en fonction du degré de protection de santé publique qu’ils entendent exercer et auquel les juges bruxellois accordent une certaine marge d’appréciation. Un même médicament pourra donc se retrouver en vente libre dans un EM alors que, dans un état voisin, celui-ci nécessitera une prescription médicale.
Actuellement, sur les 27 membres de l’UE, 11 n’ont pas libéralisé leur vente et appliquent toujours un monopole sur la délivrance des médicaments.
Si les législations des EM semblent hétérogènes, il reste cependant possible de les analyser par le prisme des trois modèles : dérégulé, strictement réglementé et mixte.
– Le modèle dérégulé avec l’exemple de la Suède (exit le Royaume-Uni depuis sa sortie de l’UE en 2020) est hérité du modèle anglo-saxon. Il intègre la notion de marché intérieur et est fondé sur l’ouverture du capital des pharmacies d’officine aux investisseurs externes, ainsi que sur une approche économique de la profession sans différencier les diplômes.
– Le modèle strictement réglementé, avec l’exemple de la France et de l’Espagne, implique une détention des officines par les pharmaciens diplômés, une application stricte du monopole officinal et le respect de critères de répartition en application de la directive européenne 2005/36/CE. Sa finalité est d’assurer un haut degré de protection de la santé publique. Plus particulièrement, l’efficacité du modèle français n’est plus à démontrer, notamment dans la lutte contre la contrefaçon des médicaments jusqu’à la pharmacovigilance en passant par un maillage géographique optimisé.
La France fait volontairement primer les impératifs de santé publique sur les objectifs de rentabilité commerciale, et ce au détriment de l’objectif de réalisation du marché intérieur. C’est d’ailleurs le pays le plus résistant. Bon nombre d’EM ont en effet cédé sous la pression notamment de la CE qui tente d’imposer un modèle unique pour tous les EM.
– Le modèle mixte est le plus répandu. Il regroupe au total 16 EM appliquant différentes combinaisons adaptées à leurs particularismes. Ainsi, en Italie, la vente des médicaments de médication officinale est maintenant autorisée dans les parapharmacies et les grandes surfaces. L’Allemagne, bien que dénuée de critères d’établissement et ne pratiquant pas un monopole strict, garantit, quant à elle la propriété des officines aux pharmaciens diplômés.
L’esquisse d’un monopole officinal communautaire
A quoi ressemblerait un futur monopole officinal communautaire ? Les monopoles de lieu et de capital sont remis en cause de manière récurrente et, par conséquent, leur devenir sujet à caution, la question peut donc se poser. Compte tenu de la doctrine et de la jurisprudence actuelles, il est unanimement reconnu que le pharmacien endosse une mission d’intérêt général. Le monopole de profession serait préservé, ce qui laisserait supposer la création de nouvelles sections à l’Ordre telle que celle concernant les pharmaciens exerçant en parapharmacie… Une tout autre histoire.
Non-discrimination et exceptions
L’Union européenne (UE) dénombre actuellement 27 Etats membres (EM), dont la France. Sa visée est la réalisation d’un marché unique, sous réserve du respect des libertés fondamentales communautaires telles que le principe de non-discrimination, de libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux, des services et de la liberté d’installation. Son objectif premier, à vocation originellement économique, était d’assurer la compétitivité de l’UE sur le plan mondial. Sa finalité sanitaire n’est apparue que plus tardivement.
Il est de jurisprudence constante que s’opposer à ces libertés est constitutif d’une restriction ou d’entrave. Toutefois, une restriction établie par un EM peut être instaurée et maintenue si elle est justifiée et proportionnée. En somme, la liberté d’entreprendre est la règle, une restriction telle que l’instauration d’un monopole, l’exception.La Commission européenne, en tant que gardienne des traités, de conviction libérale, émet des avis motivés lors de la constatation d’une infraction à ces règles fondamentales faisant primer systématiquement ses libertés. La Cour de justice de l’UE, quant à elle, joue le rôle d’arbitre afin de garantir un juste équilibre entre les objectifs de protection de santé publique instauré par tout EM et les principes de libertés fondamentales consacrées dans le traité sur le fonctionnement de l’UE.
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