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Comme les grandes

Publié le 28 mars 2017
Par Carole De Landtsheer
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Qu’on se le dise, les marques de distributeurs en pharmacie sortent de l’ombre. Aux côtés des gammes blanches (compresses, etc.), se développe une offre plus sophistiquée de cosmétiques, de médecine naturelle et de nutrithérapie.

Nep, Dermactive, Babylook, PharmaVie, Alvita… Les marques distribuées en officine par les groupements et les répartiteurs commencent à se faire un nom. Néanmoins, le marché doit encore se consolider. « L’offre n’est pas assez construite et importante », résume Lucien Bennatan, président de PHR. « Le pharmacien n’investit pas suffisamment les MDD comme des marques différenciantes, soit des marques propres exclusives à un réseau d’officines », ajoute Christian Grenier, président de Népenthès. Sur le hors AMM, les MDD pèsent, selon IMS Pharmastat, 97,8 millions d’euros pour 20,2 millions d’unités écoulées (en cumul annuel mobile à fin octobre 2016). Leur involution actuelle (- 4,3 % en valeur et – 3,3 % en volume) s’expliquerait par « la riposte des marques nationales qui réagissent fortement avec des offres prix, notamment sur les gammes blanches », fait remarquer Arnaud Gabet, directeur marketing d’Alvita. Autre frein pointé par notre interlocuteur : la réticence des prescripteurs à changer de marques sur les compresses et autres pansements. Côté consommateurs, les MDD suscitent un intérêt croissant pour leur coût moindre, ce que révèle l’étude Arcane Research « MDD et génériques OTC en pharmacie », parue en août 2016. En effet, 70 % des personnes interrogées estiment que les MDD, tous circuits confondus, performent en termes de prix. Une dimension qui prend largement le dessus sur d’autres critères tels l’innovation (28 %) et la communication (31 %). En revanche, parmi les raisons d’achat des MDD en pharmacie, ressort la qualité des produits (36 %).

ÉMANCIPATION toute !

Fidélisation de la clientèle, marges substantielles, renforcement de la notoriété de l’enseigne, les MDD combinent plusieurs atouts pour le pharmacien. Elles seraient même selon Didier Maarek, président de Pharmadom (enseigne Well & Well), un outil de différenciation et d’émancipation : « Elles nous permettent d’être à la fois force de proposition et gérant de nos volumes et de nos marges. C’est une façon de gagner en indépendance. Nous contrôlons le sell out des produits. Quand ils ne tournent pas, on les arrête. » Positionnée massivement sur les compléments alimentaires (une trentaine), la MDD Well & Well représente environ 5 % du CA sans ordonnance de l’enseigne. Cependant, les MDD ont aussi leur part de pots cassés : références jamais exposées ou prenant la poussière sur les rayons de l’officine, pointent certains. « La culture de marque distributeur n’est pas bien enseignée aux pharmaciens. Nombre d’entre eux y voient seulement un outil à faire du prix. Or, les références à valeur ajoutée sont là pour porter l’enseigne et créer une expérience client », commente Lucien Bennatan. « Il faut apprendre aux adhérents à positionner et à merchandiser les MDD », ajoute Didier Maarek. C’est le pivot même du développement du secteur : la nécessaire implication de l’équipe officinale, pour ne pas dire sa confiance dans des produits qui ne se vendent pas tout seuls. Et son conseil est attendu. Selon l’étude Arcane Research, 49 % de la population pense que la recommandation du pharmacien est un facteur d’incitation à l’achat de MDD. CQFD.

RÈGNE de la compresse

« Les MDD ne doivent pas s’inscrire sur des secteurs où l’influence des marques nationales est trop forte. Ces marques ont alors trop de valeur aux yeux des consommateurs », observe Jean-Pierre Juguet, directeur marketing d’EvoluPharm. En dehors de ce pré carré, les « marques propres » ont cependant trouvé leur place en officine. Les gammes blanches (compresses, pansements…) composent le fonds de roulement du marché des MDD non remboursables. Soit 43,9 % des ventes en valeur, selon Ospharm en cumul annuel mobile à fin octobre 2016, avec une progression notable (+ 8,3 %). Suivent les compléments alimentaires (16,2 % de PDM, – 7,1 %), les autotests (14,3 % de PDM, – 3,3 %), et les références cosmétiques (7,7 % de PDM, – 7 %). Au global, les progressions se situent du côté des produits premiers prix et peu impliquants comme les gammes blanches (+ 8,3 % en valeur). Les références d’utilisation quotidienne comme les protections contre l’incontinence ou les couches pour bébé enregistrent respectivement des progressions de + 4 % et + 11 % en valeur.

IMAGE à soigner

Acteur historique et leader du marché des MDD officinales, EvoluPharm met en avant un catalogue fourni de 800 références qui réalisent 18 % du CA hors ordonnances de ses adhérents. Sans oublier une stratégie de communication grand public destinée à augmenter sa notoriété : « Chacun de nos univers dispose d’une marque et nous proposons de vraies exclusivités. Revaloriser les MDD dans le paysage officinal est primordial, à la fois pour que le pharmacien ait envie de les conseiller et que le consommateur les perçoive positivement », développe Jean-Pierre Juguet. Prochaine étape : accentuer la distribution numérique, notamment de ses best-sellers (les lingettes bébé Babylook en nid d’abeille sans phénoxyéthanol, le spray nasal Seromer – le seul au PH des fosses nasales – et la ligne d’incontinence sévère Cline Expert). De son côté, Alvita (200 références), la marque de parapharmacie du répartiteur Alliance Healthcare, est portée par sa gamme blanche (64 % du CA). à venir : des pansements techniques, la révision de la gamme orthopédie pour plus de technicité, une nouvelle collection de lunettes loupes et des carrés de coton (avril). L’objectif fixé : « Se différencier avec une offre de qualité supérieure à certaines marques nationales », expose Arnaud Gabet. Face à Alliance, l’OCP propose sa Marque conseil, forte de 28 références (gamme blanche, autotests) ; et prévoit non moins de 20 lancements pour 2017. Du renouveau aussi chez Sogiphar (3e acteur des MDD officinales) qui accueille cette année une nouvelle gamme de MAD baptisée Libeoz.

NOUVEAUX codes

Sur la quatrième marche du podium, Plus Pharmacie adopte une attitude particulièrement offensive. Ces deux dernières années, son portefeuille de MDD prend de l’ampleur avec 185 références au total, et une orientation affirmée vers la nutrithérapie. Citons le lancement de plusieurs gammes : nutrition sportive, aromathérapie bio (PharmaVie), dermocosmétique (PharmaVie) et remèdes ancestraux à base d’extraits de plantes (Pharmacopée du monde). L’objectif : « nous souhaitons gagner en visibilité et valoriser le conseil du pharmacien avec des produits innovants, développés avec une commission d’adhérents passionnés », expose Emmanuelle Dumas, directrice marketing MDD, services et stratégie Web. Ses meilleures ventes : les ferments lactiques et le magnésium. Quand Népenthès, ex-aequo avec Plus Pharmacie, présente une offre de 330 références (40 % du CA hors ordonnances de ses adhérents). Ses best of sont ses savons et gels douche Nep, ses bas et collants de contention Nep ou encore son spray nasal Océan. Dernier né, en septembre 2016, le paracétamol Népenthès. Même volonté de « bouger les lignes et de ne pas faire ce qui a déjà été fait », pour Leader Santé (300 références), comme nous l’explique son co-fondateur Alexis Berreby. La stratégie : placer sur le marché des produits vecteurs d’image et disruptifs tels ses gels douche Doliderm qui reprennent les codes du luxe et se positionnent sur l’axe plaisir. Prochains lancements : des complexes (détox, immunité, booster) en ampoules au sein de la marque Dr Smith. à venir (rentrée 2017) aussi chez Pharmodel : une gamme de cinq compléments alimentaires sous la marque D Les Essentiels (multivitamines, minceur, douleurs articulaires, stress/sommeil, circulation).

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EFFORT marketing

Chez PHR (127 références), « 65 % des adhérents travaillent nos MDD », souligne Lucien Bennatan. En tête de liste : les compresses stériles suivies des compléments alimentaires Inovya. Inédites, ses Box Santé thématiques (« Jeune maman », « Ma diététique santé »), lancées en 2015, mixent produits et services (guides informatifs, consultations pré-payées). à venir ce mois-ci, la gamme dermocosmétique Chanvria, à base de chanvre cultivé dans l’Aube.

La tendance est claire depuis quelques années, ainsi résumée par l’étude Eurostaf Les marchés des marques de distributeurs en pharmacie (2012) : « À l’officine, les MDD sont passées d’une stratégie “me too” à un véritable statut de marque bénéficiant d’une image positive ». L’assortiment, composé initialement de produits basiques (compresses, etc.), évolue vers des gammes « à forte valeur ajoutée reposant sur une offre différenciée (…) ». Reste que l’attente des consommateurs n’est pas forcément à la hauteur de l’effort déployé par les distributeurs. Ainsi, quatre acheteurs de produits de médication familiale sur cinq, mais aussi les 3/4 des acheteurs de cosmétiques attendent une MDD identique à la marque nationale pour un budget moindre, met en évidence l’étude Arcane Research… De toute évidence, les MDD innovantes doivent encore convaincre leurs cibles. « Encore plus que les marques nationales, les MDD doivent fournir un effort marketing puissant à la fois pour faire sortir les produits et démontrer leur engagement », intime Christian Grenier.

AU-DELÀ du prix

L’exemple de l’enseigne Pharmavance (202 références) est saisissant du point de vue de l’évolution des MDD. « On ne joue pas forcément sur le prix et nos clients ne savent pas que nos marques exclusives ont été développées par Pharmavance. Nous ne le revendiquons pas », avance Aurélie Garcin, chargée de développement produit. Des marques qui prennent leur envol après un développement en interne « en partant d’études de marchés, d’analyses consommateurs et de cahiers de tendance », précise notre interlocutrice. Une approche 100 % marketing qui passe, notamment, par les ventes privées en ligne. Pari réussi : Nutriprescription, Skinadvance et Dermadvanced réalisent une progression de + 51 %, en valeur (2016, source fabricant). L’objectif fixé : augmenter la part des MDD à hauteur de 20 % des ventes hors ordonnances dans trois ans (actuellement à 5 % du CA ). De nombreuses nouveautés en ce sens, en 2016 et début 2017 : huiles essentielles bio AroVitae, cosmétiques naturels Vitae Cosmetics, phytothérapie PhytoVitae. Autant dire que le train de la diversification est en marche.

20,29 MILLIONS d’UNITÉS

ÉVOLUTION en volume

– 3,3 % Parmi les MDD sans AMM, les segments des compléments alimentaires, des autotests et des cosmétiques voient leurs ventes flancher

Source IMS Pharmastat, en cumul annuel mobile à fin octobre 2016.

97,88 MILLIONS D’EUROS de CHIFFRE D’AFFAIRES

ÉVOLUTION en valeur

– 4,3 % Malgré une offre qui se développe, les MDD officinales souffrent de la riposte des marques nationales qui ont revu leurs prix à la baisse.

Source IMS Pharmastat, en cumul annuel mobile à fin octobre 2016.

BLANCHEUR

Les gammes blanches et leurs produits fonctionnels (compresses, cotons, bandes, pansements…) forment le coeur du marché des MDD officinales : 54 % des ventes en volume (44 % en valeur).

La TENDANCE

Relativement récentes sur le marché, l’aromathérapie et la phytothérapie, forment la catégorie de MDD la plus susceptible d’attirer de nouveaux acheteurs, ce que révèle la récente étude Arcane Research « MDD et génériques OTC en pharmacie ». Quand 69 % des consommateurs se disent actuellement intéressés par des MDD de santé naturelle, la croissance potentielle du nombre d’acheteurs est estimée à 13 %. Ainsi, le groupement Plus Pharmacie a-t-il lancé, fin 2015, sa gamme d’aromathérapie PharmaVie forte de 36 références qui enregistre une progression de + 50 % en un an (source fabricant). Autres exemples, celui de Pharmavance, avec ses gammes récentes AroVitae de 24 huiles essentielles bio (et deux complexes) en flacon pipette, et PhytoVitae incluant tisanes et compléments alimentaires naturels.

PLAISIR

Si les cosmétiques des MDD en pharmacie se sont fait connaître par des produits d’hygiène basiques, l’heure est à la mise sur le marché de formules plaisir plus poussées, rivalisant avec le sélectif.

CHIFFRES CLÉS

POTENTIEL

Les MDD non remboursables ne représentent que 1,03 % du des ventes hors médicaments à l’officine selon ospharm (en valeur, en cumul annuel mobile à fin octobre 2016).

13 % C’est le taux de consommateurs français qui se sont procurés une mdd en officine, contre 22 % en parapharmacie et 76 % en GMS. Selon une étude Arcane Research.

1,84 MILLIARDS D’EUROS, c’est le CA réalisé par les MDD du rayon hygiène en GMS, en baisse de – 1,9 % d’après Iri sur l’année 2016.

PROGRÈS

Quand 64 % des personnes estiment que les performances des MDD sont équivalentes aux marques nationales, seulement 8 % les jugent plus innovantes. Source Arcane Research

GMS

Lente érosion

Nées dans les années 1950, les MDD en GMS ont acquis leurs lettres de noblesse. Néanmoins, les ventes s’essoufflent et le secteur de l’hygiène n’est pas épargné.

Réalisant un chiffre d’affaires de 22,4 milliards d’euros pour 12,4 millions d’unités vendues, les MDD en grande distribution enregistrent, au global, une involution de – 1,9 %, en valeur, et de – 2,5 %, en volume (IRI, CAM décembre 2016). Rien de catastrophique, mais cette baisse est symptomatique d’un recul des ventes depuis 2010. entre 2010 et 2016, la part de marché des MDD s’est réduite de 29,9 % à 27,5 % (source Nielsen Scantrack 2016). Cette érosion ne serait pas due à un désamour des consommateurs, 81 % des caddies des shoppers contenant des MDD (Nielsen Trends 2016). La raison principale invoquée : la guerre des prix. « L’écart de prix qui était constaté entre marques nationales et marques de distributeurs s’est sensiblement réduit. On assiste à une surenchère de promotions depuis deux ans », souligne Loïc Danel, directeur Panel consommateur chez Nielsen. Pour contrer cette baisse de chiffre d’affaires, les MDD ont lancé des produits à valeur ajoutée. Une nouvelle ligne de déploiement bien pensée et payante car « les consommateurs sont prêts à payer plus pour des MDD de meilleure qualité », observe notre interlocuteur. tandis que les offres standard constituent toujours le coeur de l’offre (83,3 %), la croissance des marques propres en GMS passe désormais par les produits premium (5,4 % de PDM) et bio (4,4 %, + 14,2 %, nielsen trends 2016). « Dans l’alimentaire, les MDD surfent sur les tendances porteuses du moment : le sans gluten, le bio ou encore les produits du terroir. L’innovation, la qualité des produits comme l’attractivité des packagings permettent de faire la différence », résume Sébastien Gillet, directeur du salon M.A.D.E (Marques associées distribution events). Citons, entre autres exemples, les marques nos régions ont du talent de Leclerc, Saveurs de nos régions de Lidl, monoprix gourmet, Carrefour Bio, Bio Village, etc.

Besoin de réassurance. plus spécifiquement, le secteur de l’hygiène – avec un chiffre d’affaires de 9 millions d’euros pour 2,6 millions d’unités vendues en 2016 selon Iri – enregistre, également, une baisse : -1,9 %, en valeur, et – 1,4 %, en volume. Mais ne connaît pas d’important renouveau. « Sur ce segment, les MDD françaises accusent un léger retard si on les compare à leurs voisines européennes. Les consommateurs français ont besoin d’être rassurés comme ils le sont par les labels dans l’alimentaire », reprend Sébastien Gillet. L’enjeu étant selon lui de « recréer de la valeur ». Carrefour a eu beau baptiser son offre « Cosmétiques design paris », cela ne suffit pas à générer de la confiance…

NATURALITÉ

Les MDD ne sont pas étrangères aux marchés porteurs en pharmacie. On trouve désormais des gammes dévolues à la phytothérapie (PhytoVitae de Pharmavance) et à l’aromathérapie (PharmaVie, Arovitae)

NUTRITION

Les compléments alimentaires composent le second secteur des MDD. Les produits les plus connus du grand public (multivitamines, vitamine C, magnésium, probiotiques) réalisent les meilleures ventes.

Communication

Nécessaire notoriété

Pas de secret. Pour gagner en crédibilité et visibilité, les marques de distributeurs en pharmacie doivent augmenter leur présence en officine… et communiquer. Car elles ne sont pas toujours connues du grand public. EvoluPharm a pris le taureau par les cornes. Et de promouvoir ses MDD à la télévision et à la radio. Du coup, son taux de notoriété assistée est actuellement à 30 % (Ipsos). Pour cela, le groupement s’est offert l’un des sportifs préférés des Français (« Pour votre santé, vous hésitez entre la qualité et le prix. Avec EvoluPharm, vous avez les deux »). Notons que Leader Santé a investi pour la première fois le petit écran (BFM TV) du 1er au 10 janvier dernier pour mettre en valeur ses gels douche Doliderm. Côté Web, EvoluPharm a recours aux bannières géolocalisées simultanément à ses campagnes radio, quand Pharmavance joue la carte des réseaux sociaux (Instagram) et des ventes en ligne (vente-privee.com, glossybox.fr, etc.). De son côté, Well & Well déploie moult conseils sur son blog. Par ailleurs, un nouveau site Alvita (Alliance Healthcare) est attendu cette année. Retenons aussi l’opération de l’association Plus Pharmacie qui, à l’occasion du lancement de sa gamme de nutrition sportive, a fait porter aux pharmaciens les plus athlétiques de son réseau les couleurs de la marque PharmaVie lors d’événements sportifs.