Emmanuel Macron :  « La dispensation à l’unité est une réforme nécessaire »

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Emmanuel Macron : « La dispensation à l’unité est une réforme nécessaire »

Publié le 7 avril 2017
Par Loan Tranthimy
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A deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, Le Moniteur des pharmacies publie une série d’entretiens réalisés par écrit avec les candidats. Voici les réponses d’Emmanuel Macron, candidat du mouvement « En Marche ! ». Il explique sa volonté de généraliser la dispensation à l’unité.

Quelles sont vos solutions pour maîtriser les dépenses de santé ?

Notre système de santé a besoin de réformes structurelles. Pour ce faire, nous devons donner aux acteurs du soin la visibilité et la lisibilité indispensables pour anticiper et accompagner le changement. Ainsi, nous prenons un engagement inédit, celui d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie pluriannuel, en croissance de 2,3% par an, ce qui représente des économies importantes, tout en assurant un financement adapté des structures sanitaires. En parallèle, nous lancerons un grand plan d’investissement de 5 milliards d’euros pour moderniser notre système de santé.

Nous travaillerons les questions de pertinence des actes, réduirons la part de tarification à l’activité pour mieux tenir compte des maladies chroniques qui appellent à la mise en place de parcours de soins. Partout, nous devons décloisonner, sortir des logiques de silos. Entre le médical et le médico-social. Entre le public et le privé, faire émerger des partenariats qui mettront de la fluidité et de la cohérence.

Quelles sont vos solutions pour revaloriser le rôle des pharmaciens dans le système de santé ?

Le pharmacien est un acteur de santé publique incontournable, il est le garant de la qualité et du bon usage des médicaments. Ses missions doivent évoluer, dans le cadre d’une collaboration renforcée avec les autres professionnels de santé, comme les médecins et les infirmiers. Nous accompagnerons le développement de services pharmaceutiques visant à améliorer la qualité des soins et le service clinique rendu aux patients : analyse pharmaceutique de la prescription, bilan médicamenteux optimisé, conciliation médicamenteuse, consultation d’observance, entretiens pharmaceutiques avec remise de plan de prise aux patients. Nous voulons également aider les jeunes à s’installer en tant que titulaires de leur pharmacie.

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Pour éviter le gaspillage des médicaments, vous prévoyez la généralisation de la dispensation à l’unité. Pourquoi ?

Il y a plusieurs objectifs à la dispensation des médicaments à l’unité. Le premier est la réduction de l’iatrogénie médicamenteuse. L’enjeu est majeur pour les traitements de courte durée, comme par exemple la prescription d’un anti-inflammatoire non stéroïdien pour une douleur inflammatoire de quelques jours. Actuellement, le pharmacien délivre le plus souvent une boîte couvrant un mois de traitement. Ces médicaments, non dénués d’effets indésirables notables, notamment gastriques ou rénaux, restant à disposition du patient peuvent être pris par lui-même ou son entourage sans contrôle médical ou pharmaceutique, avec un risque pour sa santé.

Le second objectif est le renforcement de la traçabilité des doses jusqu’au moment de l’administration au patient. Le développement de la délivrance unitaire pourra être accompagné par l’automatisation de la préparation des doses individuelles, à l’instar de ce qui se développe dans le cadre des conventionnements entre pharmacies et EPHAD, ainsi que dans les pharmacies hospitalières. Ces solutions, en permettant un surconditionnement de chaque dose médicamenteuse, renforcent l’identification du médicament jusqu’à l’administration au patient en assurant une traçabilité totale des éléments de sécurité comme le nom du patient, le nom du médicament, la dose, le numéro de lot ou la date de péremption. Enfin, l’intérêt est aussi pour notre système de santé, puisqu’on estime à 7 milliards d’euros chaque année le gaspillage de médicaments.

Je veux dire aussi que nous avons conscience des contraintes que la vente à l’unité de médicaments va représenter pour les pharmaciens, en termes de stockage, de manipulation et aussi de prix de vente. Ce n’est pas la même chose de vendre une boite de 20 gélules ou d’en vendre 4 ou 5 pour une semaine. C’est une évolution des conditions d’exercice du métier de pharmacien. Nous aurons à tenir compte de ces contraintes dans la mise en œuvre de ce projet, mais cette réforme est nécessaire, pour toutes les raisons que j’ai rappelées.

Que proposez-vous pour lutter contre les déserts médicaux ? Etes-vous par exemple favorable à la mise en place des consultations pharmaceutiques dans les zones rurales ?

Nous faisons de la lutte contre les déserts médicaux une priorité de notre politique de santé. Cela passera par l’aide à la création de 2 000 maisons de santé pluriprofessionnelles supplémentaires, ainsi que par des mesures incitatives à l’installation, une réflexion sur la démographie des professions de santé, et une grande concertation sur les coopérations interprofessionnelles. La régulation par l’État du nombre d’officines par habitant permet aux pharmacies d’assurer une bonne couverture de l’ensemble du territoire. L’exercice de la pharmacie étant de plus en plus intégré dans une pratique collaborative avec les autres professionnels de santé, toute réforme ou évolution pour traiter la question des déserts médicaux devra associer la pharmacie et les pharmaciens. Ne pas négliger le fait que le regroupement de médecins peut avoir un impact en termes de fréquentation d’une pharmacie qui ne se trouverait pas à proximité des prescripteurs regroupés. La vente en ligne peut aussi permettre à des patients isolés d’acquérir des médicaments, mais dans le cadre très strict prévu par les textes.

Comment réguler les prix des médicaments innovants ?

Nous soutiendrons une industrie innovante, créatrice d’emplois. Pour soutenir nos entreprises de santé, les inciter à produire en France et diffuser plus rapidement l’innovation, nous assurerons des autorisations plus rapides de mise sur le marché. Nous ouvrirons avec les industriels un dialogue sincère et exigeant pour payer les médicaments à leur juste prix, soutenir l’innovation et la production en France, renforcer la visibilité pour chacun, dans la durée.

Comment éviter les ruptures de stocks des médicaments et des vaccins ?

Nous payerons les médicaments à leur juste prix, et ferons de l’accessibilité des médicaments un argument majeur dans les négociations avec les laboratoires pharmaceutiques. Il est inacceptable que la France subisse des ruptures de stocks, qui concernent d’ailleurs souvent des médicaments essentiels pour les patients.