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Quel est le cadre de la prescription infirmière ?

Publié le 2 mai 2017
Par Thierry Pennable
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Le droit de prescription est autorisé aux infirmières depuis 2007. Longtemps réservé aux médecins, il participe à une évolution nécessaire de l’offre de soins face aux nouveaux enjeux de santé publique.

Pourquoi une prescription infirmière ?

En France, comme dans de nombreux autres pays, la prescription infirmière vise notamment à dégager du temps médical chez les médecins. L’objectif est d’améliorer la prise en charge des patients et le suivi des maladies chroniques, dans un contexte de vieillissement de la population et d’inégalité d’accès aux soins selon les territoires.

Qui peut prescrire ?

Toutes les infirmières diplômées ont le droit de prescrire, sous certaines conditions, des dispositifs médicaux, des contraceptifs oraux et des substituts nicotiniques.

Quels sont les dispositifs médicaux ?

Les pansements représentent 80 % des prescriptions, mais trois catégories de dispositifs médicaux (DM)(1) sont autorisées sous des conditions différentes. 1. « Sauf indication contraire du médecin », elles peuvent prescrire des articles pour pansements (compresses, cotons, bandes de crêpe…), cerceaux pour lit, DM pour l’incontinence et l’appareil uro-génital (étuis péniens, poches d’urostomie ou de stomie digestive…). 2. « Sauf indication contraire du médecin » et « sous réserve d’une information du médecin traitant » : DM d’aide à la prévention des escarres (matelas, coussins…), autres articles pour pansements avec action thérapeutique (hydrocellulaires, hydrocolloïdes, alginates, interfaces…). 3. Un renouvellement à l’identique est possible pour les bas et collants de compression, DM pour autotraitement et autocontrôle (accessoires pour lecteur de glycémie, lancettes, autopiqueurs, seringues avec aiguille…).

Peuvent-elles prescrire des médicaments ?

Oui. Depuis le 23 juillet 2009, elles peuvent renouveler les prescriptions de contraceptifs oraux dans les mêmes conditions que les pharmaciens, pour une prescription datant de moins d’un an et une durée maximale de six mois, non renouvelable. Depuis le 28 janvier 2016, elles peuvent aussi prescrire des substituts nicotiniques (patchs, gommes, pastilles, inhaleurs…) figurant sur la liste de substituts nicotiniques autorisés(2) et faire bénéficier les patients du forfait d’aide au sevrage tabagique proposé par l’Assurance maladie.

Peut-on substituer les DM ?

Non. Cette substitution, pourtant fréquente, n’est autorisée « qu’avec l’accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d’urgence et dans l’intérêt du patient » (article L. 5125-23 du code de la santé publique). De plus, l’article L. 716-10 du code de la propriété industrielle l’interdit aussi : « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait […] de sciemment livrer un produit ou fournir un service autre que celui qui lui est demandé sous une marque enregistrée… » Les DM inscrits sur une même ligne « générique » à la LPP ne sont pas des « copies légales ». Ils n’ont en commun que des « spécifications techniques minimales » et une indication thérapeutique. Et présentent très souvent des fonctionnalités spécifiques qu’il revient au prescripteur de choisir.

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Est-ce un problème de substituer un pansement à l’officine ?

Parfois. « La substitution d’un pansement par un autre peut gêner le protocole de soins choisi par l’infirmière. Le problème se pose aussi pour des pansements dits “génériques” qui ne sont pas toujours interchangeables », explique Jérôme Kern, infirmier libéral et formateur en plaies et cicatrisation. « Le pansement est choisi en fonction des critères du terrain : la capacité du patient à participer aux soins ou l’existence d’antécédents d’allergie ou d’irritation connus au contact de certains composants », ajoute l’infirmier, qui plaide pour un travail de collaboration avec l’officinal « dans l’intérêt du patient ».

Quels sont les oublis fréquents sur les prescriptions de pansements ?

Une étude(3) de 2013 portant sur 95 prescriptions recueillies en officine – 20 % émanaient d’infirmières, 46 % de spécialistes, 33 % de généralistes et 1 % non identifiées –, pointait que seules 21 % des ordonnances remplissaient tous les critères règlementaires. La durée des soins n’était indiquée que dans 31 % des cas, celle du traitement dans 23 % et la forme du pansement que dans 9 % des cas. Au final, seules 3 % des prescriptions de l’étude pouvaient être correctement dispensées selon le code de la Sécurité Sociale.

NOTRE EXPERT INTERROGÉ

→ Jérôme Kern, infirmier libéral à Cannes (06), formateur en plaies et cicatrisation auprès de l’Institut de soins infirmiers supérieurs (Isis) du réseau de santé Ilhup (Intervenants libéraux et hospitaliers unis pour le patient).

Repères

→ 21 décembre 2006 : la prescription infirmière est votée.

→ 13 avril 2007 : arrêté fixant la liste des dispositifs médicaux autorisés à la prescription.

→ 20 mars 2012 : arrêté modifiant la liste précédente, avec notamment suppression des pansements à l’argent.

→ Multiplication par deux des prescriptions infirmières entre 2011 et 2013, pour une valeur absolue relativement faible de 90 M€ en 2013(1). L’impact sur d’éventuelles économies de prescriptions médicales n’a pas été mesuré.

(1) Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, Cour des comptes, septembre 2015.

(1) Arrêté du 20 mars 2012 fixant la liste des dispositifs médicaux que les infirmiers sont autorisés à prescrire.

(2) Liste des substituts nicotiniques pris en charge par l’Assurance maladie au 3 février 2017 sur www.ameli.fr

(3) Analyse de la pertinence des prescriptions de pansements dispensées en ville, C. Castel, L. Cochard, C. Gourio, pharmacie centrale, CHU Caen (14).