Nos équipes ne sont-elles qu’une « ressource » ?

C’est lors d’une interview télévisée que le ministre de la Santé et de la Prévention* [Aurélien Rousseau à l’époque, NdlR], alors qu’on l’interrogeait sur les déserts médicaux et ses conséquences, déclarait le plus naturellement que « les pharmacies sont une ressource ». Après avoir été si peu considérées auparavant, ne seraient-elles pas dorénavant exploitées ?

A lire les articles de la presse professionnelle, ceux-ci sont unanimes à déplorer la dégradation des conditions de travail. Il est vrai que, depuis quelques années, de nouvelles missions nous ont été confiées pour revaloriser nos professions. Malheureusement, les tensions d’approvisionnement qui touchent de nombreux médicaments sont venues bousculer l’emploi du temps des équipes. A l’évidence, Aurélien Rousseau était loin d’imaginer qu’une telle surcharge de travail demande immanquablement une réorganisation des équipes, une surveillance quotidienne de l’équilibre financier de l’officine et, bien souvent, un choix concerté des missions à assurer.

Mais une question s’impose : ce climat délétère ne doit-il pas faire craindre à la longue un désintérêt de la part des professionnels de l’officine, par suite d’une insatisfaction croissante et d’une complète perte de sens ? Car comment retenir des collaborateurs et collaboratrices qui ont choisi de « prendre soin » des autres et qui ressentent une grande frustration avec le sentiment d’avoir été trompés !

Il y a quelques années, le mantra qui parcourait l’ensemble des services chargés de soigner était : « Veillez à mettre le patient au centre de vos préoccupations. » Actuellement, si l’on souhaite qu’au sein des équipes il y ait des relations professionnelles de qualité tournées vers le bien des patients, nous pourrions rétorquer à notre ministre : « N’oubliez pas de placer l’humain au centre de vos décisions. » L’ensemble de notre système de santé devrait être irrigué par cette priorité à l’humain, qui pourrait donner l’impulsion positive à l’ensemble des équipes soignantes, se sentant alors respectées, et indispensable au mieux-être des patients.

Gageons que cette logique d’exploitation disparaîtra définitivement et que nous pourrons bénéficier d’une revalorisation de nos actes à la hauteur de nos investissements dans la prise en charge de celles et ceux qui se confient à nous.

• * Interview télévisée d’Aurélien Rousseau le 28 novembre 2023 au cours de l’émission C à vous sur France 5.