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Quelle place pour la cigarette de tabac à chauffer ?

Publié le 29 mai 2017
Par Thierry Pennable
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L’iQos, la cigarette de tabac chauffé non brûlé de Philip Morris, arrive en France. Son fabricant annonce une toxicité inférieure à une cigarette, sans nier les risques pour la santé.

Qu’est-ce que l’iQos ?

Ce système de tabac à chauffer ressemble à une petite cigarette électronique. Dans sa partie électronique, on insère des recharges sous forme de mini-cigarettes contenant du tabac ou sticks, nommées Heets. L’appareil électronique chauffe une mixture de tabac dont la composition est protégée par le secret industriel. Cette mixture, qui intègre probablement un agent humidifiant, du propylène glycol ou de la glycérine végétale, substances utilisées dans les cigarettes électroniques, crée un nuage vaporisé ou « aérosol nicotiné ». L’iQos « ne génère pas de cendres, produit moins d’odeur que la fumée de cigarette et n’altère pas la qualité de l’air intérieur », informe Philip Morris International (PMI).

Où sera-t-il vendu en France ?

L’iQos et les recharges seront exclusivement vendus chez les buralistes, conformément à la réglementation française sur les produits du tabac. Son prix avoisinerait 70 € et celui des 20 sticks, 7 € environ, comme un paquet de Marlboro, produit phare de Philip Morris.

Quelle différence avec une cigarette ?

Le principe de l’iQos est de chauffer le tabac jusqu’à 350 °C, alors que la combustion d’une cigarette ordinaire atteint 800 à 900 °C. « Chauffé à des températures contrôlées inférieures à 350 °C, bien inférieures aux niveaux de température de combustion, les sticks de tabac génèrent des niveaux de composants nocifs et potentiellement nocifs réduits en moyenne de 90 à 95 % par rapport à la fumée de cigarette », affirme PMI.

Et avec une « cigarette électronique » ?

La grande différence est que l’iQos fonctionne avec du tabac et les cigarettes électroniques avec du e-liquide. Or, il peut y avoir une confusion dans l’esprit du public entre cigarette de tabac chauffé et cigarette électronique. Autre différence, l’iQos ne peut pas être présenté comme un outil d’aide au sevrage tabagique. « Ce produit est destiné aux fumeurs adultes qui souhaitent continuer à consommer du tabac en utilisant un produit à nocivité potentiellement réduite, confirme le fabricant, comme son nom l’indique, iQos pour « I Quit Ordinary Smoking » (« J’ai arrêté le tabagisme ordinaire »). Le message d’avertissement “Ce produit du tabac nuit à votre santé et crée une dépendance” sera affiché sur les paquets de sticks de tabac ».

L’iQos est-il réellement moins nocif que les cigarettes ?

Aucune étude indépendante n’a pu le vérifier. Les seuls résultats d’études menées par le fabricant laissent filtrer quelques indications. Ainsi, « les membres du groupe Philip Morris ont annoncé que l’iQos produisait beaucoup moins de monoxyde de carbone qu’une cigarette ordinaire. Ce qui veut dire qu’il en fabrique quand même. Ce qui est le signe d’une combustion, même légère » souligne le professeur Bertrand Dautzenberg.

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Génère-t-il d’autres produits toxiques ?

Un document présenté par le fabricant en 2014(1) montre la présence de substances toxiques dans l’aérosol produit. Par exemple, il contiendrait 51 % d’ammoniac (toxique respiratoire) contre 39 % pour une cigarette ordinaire, 20 % d’acétaldéhyde (cancérogène et toxique respiratoire) contre 11 %, 15 % de formaldéhyde (cancérogène et toxique respiratoire) contre 27 % et 10 % de benzopyrène (cancérogène) contre 15 %.

L’iQos a-t-il une place dans la lutte contre le tabagisme ?

« Non. Passer de la cigarette ordinaire à l’iQos, c’est comme passer de la cigarette au cigare, cela reste du tabac. Ça n’a aucun intérêt pour quelqu’un qui souhaiterait aller vers un arrêt du tabac, insiste Bertrand Dautzenberg. À la différence de la cigarette électronique qui, utilisée correctement, est proche d’un substitut nicotinique oral ». Ce dont convient PMI : « iQos n’est pas sans risque pour la santé. Le meilleur moyen de réduire les risques liés au tabac est d’arrêter de consommer du tabac ». Et le tabacologue d’ajoute : « L’iQos est un produit addictogène. Une fois allumée, la recharge doit être consommée dans les dix minutes, ce qui provoque l’apport de pics de nicotine qui créent ou entretiennent la dépendance ». D’autant que s’il est présenté comme moins dangereux, « les consommateurs auront tendance à en fumer plus ».

(1) PMI Reduced Risk Products, Lausanne, 26 juin 2014.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Bertrand Dautzenberg, professeur de médecine, service de pneumologie du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, enseignant à l’université Pierre et Marie Curie-Paris VI, ex-président de l’Office français de prévention du tabagisme, Paris sans tabac et l’Alliance contre le tabac en Île-de-France.

→ Philip Morris International.

Repères

→ Novembre 2014 : l’iQos est lancé sur les marchés italien et japonais par Philip Morris International (PMI).

→ Plus de 2 millions de fumeurs sont déjà passés à l’iQos dans le monde*.

→ Mai 2017 : PMI présente l’iQos à Paris et à Nice, avant un déploiement dans l’ensemble de l’Hexagone.

→ L’iQos est aujourd’hui vendu dans plus d’une vingtaine de pays et devrait l’être dans trente à trente-cinq pays d’ici la fin de l’année*.

(*) Source : Philips Morris International.