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Pourquoi suspendre l’usage du dispositif médical Essure ?

Publié le 31 août 2017
Par Christine Julien
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Malgré son retrait temporaire du marché depuis le 3 août 2017, Essure, le dispositif médical (DM) implantable de stérilisation définitive commercialisé par Bayer Pharma AG, conserve une balance bénéfice/risque favorable.

Qu’est-ce qu’Essure ?

Un dispositif médical implantable de stérilisation irréversible sous forme d’un ressort de 4 cm, avec une bobine externe en nickel/ titane, une bobine interne en acier inoxydable et une fibre en polyéthylène téréphtalate.

Comment ça fonctionne ?

Ce ressort en nitinol (nickel, titane, chrome, fer, étain…) est inséré dans les deux trompes de Fallope par voie vaginale par hystéroscopie. La fibre suscite une réaction tissulaire naturelle et une fibrose autour et dans l’implant, conduisant à l’occlusion permanente des trompes au bout de trois mois, durant lesquels on recourt à une contraception.

Qui le pose ?

Des gynécologues obstétriciens formés aminima, dans certains établissements(1), avec contrôle de bon positionnement à trois mois.

Est-il très utilisé en France ?

Oui. Deux fois plus que la ligature des trompes. En 2016, 22 243 Essure ont été vendus (40 % des ventes mondiales), contre 8 935 dans le reste de l’Europe et 18 403 aux États-Unis.

Quelle est sa réglementation ?

Ce DM de classe III, niveau de contrôle le plus strict avant marquage CE en 2001, a été mis sur le marché européen sans autorisation préalable d’une autorité, après intervention du NSAI(2), l’ organisme notifié européen désigné et contrôlé par son autorité de tutelle – l’Irlande –, chargé d’évaluer sa conformité aux exigences essentielles de sécurité et de performance selon un dossier du fabricant Bayer Pharma AG, avec données de biocompatibilité (sensibilisation, irritation vaginale, toxicité systémique…). Bayer a commercialisé Essure en France en 2002.

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Qu’a donné la matériovigilance ?

De 2003 à 2017, 1 177 signalements, dont 457 incidents post-opératoires, ont été notifiés, incluant symptômes gynéco-obstétricaux (douleurs pelviennes, règles abondantes…), échecs ou complications (migration…) et, dans 25 % des cas, des troubles variés peu spécifiques : douleurs, allergie, hypersensibilité, troubles intestinaux, neurosensoriels, dépression, anxiété, pathologies autoimmunes, faiblesse des membres inférieurs… L’association Resist, créée en 2016 par des femmes implantées, rapporte des troubles très sévères et des retraits difficiles si besoin.

Qu’a fait l’ANSM alors ?

Elle a nommé un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) d’experts indépendants pour avis(3).

Sur quoi s’est basé le comité ?

Sur des données de « la vraie vie », avec étude comparative Essure (39 169 cas)/ligature des trompes (70 108 cas) entre 2006 et 2009 et épidémiologique en 2010-2014 chez 105 357 femmes ayant reçu l’une ou l’autre des méthodes et suivies plus de trois ans.

Qu’a-t-il conclu pour Essure ?

À ce jour, « il n’existe pas de bases scientifiques par des mécanismes établis soutenant l’hypothèse d’un lien entre ces manifestations et l’implant Essure ». Pour la majorité des femmes sans symptômes, « il n’y a aucun argument pour conseiller le retrait ». Les données « ne remettent pas en cause la balance bénéfice/risque favorable de l’implant Essure ». Mais le fait que tout ou partie des symptômes aient régressé après retrait « est un élément de poids qui plaide en faveur du rôle étiologique de l’implantation du dispositif, sans pouvoir toutefois en établir la preuve ».

Pourquoi l’ANSM a demandé le retrait ?

« Informée début août qu’Essure faisait l’objet d’une suspension temporaire de son marquage CE par l’organisme NSAI, dans le cadre de sa procédure de renouvellement (prévue normalement en 2017), elle a demandé « par mesure de précaution de ne plus l’implanter durant la période de suspension », jusqu’au 2 novembre 2017, et de procéder au rappel des produits en stock dans les établissements de santé.

Que s’est-il passé avec le NSAi ?

Bayer explique que « cette suspension temporaire n’est pas liée à des problèmes de sécurité ou de qualité du DM ». Lors de la procédure de renouvellement du marquage CE, « l’évaluation et des demandes de renseignements associées n’ont pas été clôturées à la date butoir d’expiration du certificat ; l’organisme notifié a donc décidé de ne pas le renouveler en attendant que cette situation soit résolue ».

(1) Journal officiel du 10 février 2016.

(2) National Standards Authority of Ireland (NSAI).

(3) Rapport bénéfice/risque du dispositif de stérilisation définitive Essure, CSST, 30 mai 2017.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), et les vidéos du comité scientifique spécifique technique (CSST) de l’ANSM.

→ Le laboratoire Bayer pharma Ag.

Repères

→ En France, la stérilisation à visée contraceptive est autorisée et définie par la loi du 4 juillet 2001. Environ 10 % des femmes de plus de 40 ans utilisent une contraception définitive par implant ou ligature des trompes.

→ Objectif : empêcher la procréation de manière définitive. Elle est irréversible.

→ Les demandeurs : majeurs obligatoirement.

→ La démarche : une première consultation, où les motifs de la demande s’expriment. Le praticien doit donner les informations nécessaires à un choix éclairé. Puis, délai de réflexion obligatoire de quatre mois. Enfin, une deuxième consultation avec demande confirmée par écrit.