Un service à la carte !

C’est la publication l’an dernier du projet de nouveau Code de déontologie par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens qui a ouvert la voie de la fidélisation de la clientèle à l’officine. « Dans sa version actuelle, le Code de la santé publique interdit les cartes de fidélité liées à une seule officine, et donc pas celles émises par les groupements ou les laboratoires, rappelle Alain Delgutte, président du Conseil central de la section A représentant les titulaires d’officine. Nous avons donc souhaité ouvrir cette possibilité aux pharmacies qui le souhaiteraient à titre individuel. » Mais, les groupements ont été les plus prompts à s’immiscer dans la brèche des cartes de fidélité.

DEMANDEZ le programme !

À l’exception de Pharmabest qui développe en interne son programme « MyVeryBestCard », tous les groupements se sont adossés à des experts de la fidélisation. PharmaVie s’est rapproché du spécialiste de la relation client Aquitem pour concevoir Affinity et Giropharm s’est appuyé sur myPharm, qui opérait déjà son programme de fidélisation dans une trentaine de pharmacies indépendantes. Toutes ces cartes fonctionnent sur le modèle du cagnottage. « Sur les 30 000 produits de tous les grands laboratoires éligibles au programme Affinity, le client bénéficie de 5 % de réduction qui sont versés sur une cagnotte, confie Laurence Dubois, directrice des partenariats et du développement commercial du groupement PharmaVie. Il peut les utiliser à partir de 50 € d’achats. De plus, des offres exclusives sont accessibles tous les mois. » Univers Pharmacie se distingue en proposant, en plus de la cagnotte « Mes Avantages Para », un second programme pour récompenser les meilleurs clients. « Via la carte “Adhérent Premium” qui est vendue 25 € par an aux clients, les porteurs bénéficient de 10 % de réduction immédiate sur tous leurs achats éligibles, explique Yohan Bovar, le président de Mes Avantages Para. L’investissement se révèle rentable à partir de 250 € d’achats annuels en cosmétique et parapharmacie… »

Avec MyVeryBestCard, le groupement Pharmabest a opté pour une stratégie différente. Les avantages sont concentrés sur les produits d’une quarantaine de laboratoires partenaires qui assument le coût financier des réductions, alors que dans les autres programmes, ce sont les pharmaciens qui le font. « Chaque laboratoire détermine librement le niveau de réduction qu’il souhaite offrir, niveau qui se situe en général entre 10 et 15 % », précise Alain Styl, le directeur général de Pharmabest.

UN IMPACT positif

Pharmabest est, encore, le seul à offrir gratuitement ce service aux pharmaciens de son réseau. Alors que les autres groupements tels que Pharmaprivilège, Giropharm et PharmaVie font payer un abonnement mensuel compris entre 70 et 100 euros, auquel peut également s’ajouter le coût des cartes à la charge du pharmacien. Ce qui n’empêche pas Stéphane Barbin, titulaire de la pharmacie Giropharm qui porte son nom à Redon, de s’avouer satisfait avec plus de 800 porteurs de cartes au compteur en six mois. « La mayonnaise a pris tout de suite, car nous proposions systématiquement la carte à tous nos clients », raconte le titulaire qui a également fait passer le message sur les écrans installés dans l’officine, sur son site Internet et sur sa page Facebook. Du côté de la pharmacie Pharmabest de Fontvieille à Monaco, la réaction des clients a également été positive. « Le premier mois, en mars dernier, nous avons dû ouvrir entre 250 et 300 MyVeryBestCard par jour. Et en moins de quatre mois, nous avions déjà passé le cap des 10 000 porteurs, en grande majorité des femmes. », affirme son titulaire.

UN ENJEU stratégique

À l’échelle des groupements, l’optimisme est de mise. Chez Pharmabest, l’objectif des 300 000 cartes distribuées devrait être atteint d’ici à la fin de l’année. « En quatre mois, nous avons déjà recruté 120 000 porteurs sur les 43 pharmacies où le programme a déjà été déployé. L’ensemble du réseau devant être équipé d’ici à la fin de l’année », confie Alain Styl. Chez Giropharm, les premiers résultats sont aussi encourageants. « Six mois après le lancement, la centaine de pharmacies qui a adhéré au programme myPharm by Giropharm, affichait 21 000 porteurs de carte, souligne Alexis Siino, chargé d’études économiques et marchés du groupement. Et sur les six premiers mois de l’année, nous avons enregistré dans ces officines une augmentation de 4 % du CA sur la parapharmacie, avec un panier moyen à 29,50 € sur les achats liés à la carte. » Même tendance chez PharmaVie, où 110 pharmacies ont déjà adopté le programme de fidélité qui est en cours de déploiement dans 250 autres. « Nous observons une progression de 30 % du panier moyen chez nos 40 000 porteurs de cartes, confie Romain Moulin, directeur commercial de PharmaVie. Idem pour la fréquentation qui est en hausse de 27 %, les porteurs de cartes venant dans nos officines 2 fois par mois contre 1,5 fois auparavant. Grâce à ces résultats, un pharmacien amortit le coût du programme dès le premier mois. » Quant à Stéphane Barbin, il réalisera son propre bilan à la fin du premier exercice pour voir si le concept est économiquement intéressant. « J’analyserai la progression de la fréquentation et l’augmentation du CA et l’impact sur la marge pour chaque laboratoire, annonce le titulaire. Mais si le panier moyen des clients encartés se maintient à 31,50 €, comme c’est le cas aujourd’hui, je suis plutôt confiant car ce résultat dépasse, et de loin, mon objectif de départ qui était de franchir le seuil des 20 € », conclut le titulaire.

Système

Vive l’interopérabilité !

Tous les programmes de fidélité ont la particularité d’être interopérables. La carte Pharmaprivilège est utilisable sans limitation dans toutes les pharmacies adhérentes, qu’elles soient indépendantes ou groupées. « Les porteurs de carte cumulent leurs achats sur un compte unique et les chèques fidélité sont utilisables chez tous nos adhérents, confirme Pierre Felix, le fondateur de Pharmaprivilège. Une chambre de compensation permet de rembourser les points acquis dans une autre pharmacie que celle où le chèque a été utilisé. » Chez Giropharm, le système n’est valable que dans les pharmacies ayant souscrit au programme de fidélisation « MyPharm by Giropharm ». « Nous observons un fort taux de fidélisation de la clientèle à leur pharmacien Giropharm et comptons sur le fait que ce programme renforce encore cette fidélité. », confie Emmanuelle Stuber, responsable du pôle Juridique et Social de Giropharm.

90 % DES PORTEURS de carte dans la pharmacie Giropharm de Stéphane Barbin à Redon optent pour la carte virtuelle. Raison invoquée : trop de cartes plastiques dans leur portefeuille…

L’ESSENTIEL

→ Les groupements ont presque tous choisi de s’appuyer sur un prestataire expert en fidélisation. Pharmabest est le seul à développer en interne son programme de fidélité et à faire supporter le poids des réductions aux laboratoires.

→ La quasi totalité des programmes fonctionnent sur le modèle du cagnottage, avec des cartes gratuites pour les clients. Univers Pharmacie est le seul à proposer une carte payante. Pour 25 € par an, elle donne droit à une réduction immédiate de 10 %.

→ Les cartes peuvent être utilisées dans toutes les pharmacies adhérentes à un programme. Des systèmes de compensation sont parfois activés, lorsque les clients utilisent leur bon de réduction dans une autre pharmacie que celle où ils ont cumulé leurs points.

→ Les cartes de fidélité semblent avoir un effet direct sur la fréquentation et le panier moyen. Tous les groupements annoncent des progressions sur ces deux indicateurs chez les porteurs de carte.

SOUS CONDITIONS

Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a ouvert la porte à la fidélisation, sous certaines conditions. Tous les produits soumis au monopole pharmaceutique doivent être expressément exclus de ces programmes, ainsi que les prestations offertes par l’officine. Le pharmacien est aussi dans l’obligation de recueillir l’accord express de son patient.

530 000 C’EST LE NOMBRE de porteurs de cartes revendiqué par Univers Pharmacie, qui a lancé son programme de fidélisation dès 2012.