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La recette du bas prix

Publié le 31 octobre 2017
Par Carole De Landtsheer
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En pratiquant des “prix cassés”, les pharmacies Discount bouleversent le réseau officinal classique. D’autant que ce modèle économique séduit de plus en plus de consommateurs.

Si elles semblent éloignées de l’officine traditionnelle et font grincer des dents certains, les pharmacies discount ont clairement rencontré leur public. Nées il y a une vingtaine d’années, elles fleurissent dans l’Hexagone et déjouent les difficultés économiques rencontrées par la profession. Leur credo ? Proposer des prix cassés sur les marques de parapharmacie, les médicaments non remboursés et les compléments alimentaires. Des tarifs minorés, en phase avec les nouvelles habitudes de consommation, que la montée du ecommerce a décuplé. En effet, avec Internet, l’information produit/prix est devenue plus facilement accessible et les pure players ont axé leur fond de commerce sur de la promotion. La crise économique et financière, dans laquelle la France a plongé en 2008, a fait émerger « différents systèmes pour ne plus acheter au prix fort : vente d’objets de seconde main, entraide, promotions, soldes, etc. L’heure est à l’économie collaborative, voire à l’économie tout court. La perception de la valeur des choses a, également, changé. Si bien qu’en achetant un produit plus cher ailleurs, le consommateur a l’impression de se faire flouer », relate Pascale Brousse, directrice de Trend Sourcing.

PROFITER des bons plans

Les pharmacies discount constituent clairement de bonnes adresses, que l’on n’hésite pas à s’échanger, et qui amènent, le cas échéant, à se déplacer à quelques encablures de sa pharmacie de quartier. Car, ne l’oublions pas, le consommateur lambda est avant tout « un opportuniste, capable de “zapper” ses circuits habituels pour faire une bonne affaire ! », lance Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution et auteur du livre Les incontournables du commerce de demain, aux éditions Dauvers. Un déplacement généralement planifié pour faire “le plein” ou pour acheter ses produits habituels à un prix intéressant. « échaudés par les scandales (sanitaires, institutionnels, politiques, etc.) qui ont mis à mal leur confiance, les consommateurs traquent la moindre information, notamment auprès de leurs réseaux de pairs, et se livrent à des arbitrages », poursuit Pascale Brousse. Un climat de défiance, plutôt propice au réseau de spécialistes : « Nombre de marques implantées en pharmacie se sont glamourisées ces dernières années. Si bien qu’une partie des consommateurs, adeptes de la grande distribution, a migré vers l’officine », constate Pascale Brousse.

LE PRIX, premier critère d’achat

De toute évidence, le discours des pharmacies discount, dont certaines clament haut et fort leurs prix compétitifs à coups de « Prix fous sur la parapharmacie », « Prix spécial » ou encore « Soldes », visibles en vitrine et/ou dans les rayons, est attirant et assumé. D’ailleurs, ces espaces extensibles ont, parfois, des allures de supermarché, où les clients font leur shopping au milieu d’une ambiance bondée. Le prix, l’argument ostensible, est l’une des composantes de ce qu’Olivier Dauvers nomme la « value for money » d’un commerce, qui intègre à la fois son emplacement, son merchandising, ses services, la disponibilité des produits, etc. Si la plupart des clients ne s’y rendent pas forcément pour du conseil, qu’ils vont trouver auprès de leur pharmacien de quartier, à qui ils restent généralement fidèles pour leurs prescriptions, l’expérience client, soit « la sensation de faire une bonne affaire et d’être allé au bon endroit », reprend notre interlocuteur, est clairement au rendez-vous.

LA SANTÉ n’a pas de prix !

Le discount est une pratique largement répandue dans l’alimentaire ou encore les compagnies aériennes low cost, et parfaitement ancrée dans les habitudes de consommation des Français. La surprise vient plus de sa transposition à l’univers officinal, qui touche le domaine de la santé et du bien-être. « La pharmacie discount fait du low cost, sans être un pure player. Elle s’inspire du modèle de la grande distribution, en reprenant leurs vieilles recettes : un volume de vente élevé compensé par de meilleures remises », commente Pascal Perri, économiste et auteur de La bataille du pouvoir d’achat. Et leur atout tient à ce qu’elles s’attachent à la caution officinale – « une garantie professionnelle et rassurante pour les consommateurs », poursuit notre interlocuteur – et proposent, en somme, un discount valorisé. Cependant, « le pharmacien exerce une profession à statut, à laquelle le consommateur reste très attaché. Et, le fait qu’il joue la carte du discount a tendance à le dévaloriser dans sa fonction », estime Pascal Perri. Mais, ce business model « ne peut être généralisé et ne peut concerner qu’un nombre réduit d’officines ! Faute de quoi, il perdrait sa spécificité et s’autodétruirait », estime Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. « L’officine discount est un modèle qui utilise la pharmacie, pour vendre beaucoup de choses qui ne sont pas de la pharmacie. Ce n’est pas celui que nous retenons pour l’évolution de la profession, orientée vers le conseil personnalisé, des activités spécialisées et la délivrance de médicaments prescrits et remboursables », conclut Philippe Gaertner. Une ligne qui n’empêche pas les pharmacies discount de surfer sur leur succès !

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Chiffres

Lafayette fait des envieux !

Avec 130 pharmacies en France, qui attirent, en moyenne, par officine, 700 clients par jour et réalise un C.A annuel de six millions d’euros, le réseau Lafayette Conseil, fondé en 2005, confirme sa success story. Sur 290 000 références présentent dans ces officines, 21 000 sont issues de la parapharmacie. Un tiers du C.A émane des médicaments sous ordonnance, un autre tiers de la parapharmacie et un troisième tiers des produits OTC et compléments alimentaires. Implanté en centre-ville, son concept allie prix bas, conseils, services et connectivité (click&collect, scan d’ordonnances, testing produits…). élue en 2016/2017 par Newin, « Meilleure chaîne de magasins de France », dans la catégorie parapharmacie, forme & beauté, la formule fait mouche. « Le marché de la pharmacie n’est pas mature. Les écarts de prix significatifs, d’une pharmacie à une autre, déboussolent les consommateurs. Avoir un prix juste, est essentiel et rassurant pour nos clients. Nous défendons l’idée d’une santé pour tous », expose Hervé Jouves, président de Lafayette Conseil.

L’AVENIR DU DISCOUNT

Lidl france, qui possède 1 500 magasins, estime son potentiel à 2 000. Friedrich Fuchs, le dirigeant de Lidl France, a annoncé vouloir étendre la présence de son enseigne à Paris, dans les grandes agglomérations et dans l’Ouest. (Source : Fédération des entreprises et entrepreneurs de France). Sur le non alimentaire, Gifi a ouvert il y a un an, son premier magasin parisien et La Foirfouille a adopté un positionnement plus qualitatif.

L’ESSENTIEL

→ Les pharmacies discount ont le vent en poupe et essaiment dans l’Hexagone.

→ Leur force : les prix cassés. Les médicaments en vente libre et la parapharmacie sont vendus 20 à 30 % moins chers, que dans le réseau officinal classique.

→ Leur modèle économique associe marges faibles et achats en gros volumes.

→ Les ventes de produits OTC, de compléments alimentaires et de parapharmacie représentent environ 2/3 du C.A réalisé.

→ La mise en rayon et le stockage induisent un vaste choix de références.

CONSEILS !

« La promotion est la manière la plus efficace pour créer du trafic en point de vente. Pour qu’elle fonctionne, elle doit s’accompagner d’une théâtralisation et s’appliquer sur des produits à forte fréquence d’achat », préconise Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution.

+ 22 %

C’EST LA CROISSANCE du C.A enregistré par le réseau Lafayette Conseil, en 2016. À titre comparatif, l’évolution moyenne du C.A H.T d’une pharmacie en France était à + 0,6 %, à fin décembre 2016.