Un pour tous, tous pour un !
Avec les nouveaux services au patient, il y a fort à parier que la préparation des doses administrées (PDA) se généralise. Mais, pour une pharmacie de quartier, l’investissement peut être lourd. “la PDA collaborative” est une solution à envisager !
Avec la crise, la mutualisation des moyens n’a plus de limites ! En Basse-Normandie, deux pharmacies d’un même bourg ont mis en commun leurs moyens dès 2015, pour s’équiper d’un automate pour la préparation des doses à administrer (PDA) qu’elles n’auraient pu acquérir seules. L’investissement était, en effet, relativement conséquent, d’une valeur de 35 000 € à l’époque. Un RPM 45 du fabricant Omnicell (ex-société Mach4), que les deux titulaires ont directement installé dans les locaux de l’éhpad avec lequel ils travaillent. « Afin de répondre aux exigences des maisons de retraite, notamment à leur demande de PDA en sachetdose, les pharmaciens d’officine doivent s’automatiser », explique Jean-Baptiste Guillot, directeur commercial de la division hospitalière d’Omnicell. Cependant, l’investissement conséquent qu’il requiert représente un frein. Surtout, si le CA généré par l’éhpad est insuffisant. Car, une PDA automatisée commence à être rentable audelà de 150 lits.
REVITALISER la pharmacie de proximité
Dans le cas présent, l’éhpad ne dispose que de 80 lits environ, mais pour ne pas risquer de les perdre, les deux titulaires ont co-acheté et co-partagé le robot au sein de cet établissement. Ils se sont répartis par moitié le nombre de lits, tout comme les plannings. À tour de rôle, chaque titulaire se rend dans les locaux de l’établissement avec son propre stock de médicaments pour préparer la PDA à 40 résidents. Pour Claude Baroukh, ex-secrétaire général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), en charge notamment du dossier PDA, « ce modèle de PDA collaborative en zone neutre est une alternative plus équitable, que la sous-traitance. Elle permet à chaque pharmacien de ne pas se couper des achats – donc de bénéficier des remises auprès de ses fournisseurs – et de la dispensation au patient », explique-t-il. Alors que dans le modèle de la sous-traitance, « le pharmacien donneur d’ordre est apporteur d’affaires sans contrepartie, puisqu’il ne profite d’aucun avantage économique, sauf à approvisionner le sous-traitant en médicaments provenant de sa pharmacie, ce qui n’est pas réaliste », ajoute-t-il. Autre avantage : la PDA collaborative n’est pas hors-la-loi et n’exige pas de rétrocession de produits finis, contrairement à la sous-traitance. N’en déplaise aux gros faiseurs, ce modèle est fait pour les pharmacies de proximité !
AVEC UN ÉHPAD, le pour et le contre
« Un milieu de travail déporté ou encore des stocks sur place représentent un gain de temps pour un éhpad, qui doit maîtriser l’organisation et le circuit de préparation de la PDA pour ses résidents, note Jean-Bernard Jombart, directeur de Mdose. Pour les pharmaciens, la mise en place est plus compliquée (attribution des résidents selon des critères acceptés par chacun, définition de process communs, planning des interventions, etc.), mais en contrepartie l’éhpad peut se montrer plus conciliant sur certains investissements, par exemple en prenant à sa charge l’achat des consommables. » à vos calculettes ! Un pilulier hebdomadaire jetable facturé 1,24 € en prix d’achat HT, et financé par un établissement de soixante lits, permet au pharmacien de réaliser une économie de 3 868 € à l’année. Dans cette hypothèse, sur une PDA manuelle, « le pharmacien n’aurait à investir que dans un plateau de remplissage et dans la formation », souligne Jean-Bernard Jombart, ajoutant que « chez Mdose, le logiciel de remplissage, installé directement à l’éhpad, est offert. » Cependant, la délocalisation de sa production en éhpad emprisonne l’activité PDA de la pharmacie et restreint son champ d’action sur un marché appelé à se développer. « Le matériel installé dans les locaux de l’éhpad ne pourra pas être utilisé pour d’autres établissements ou pour réaliser la PDA de patients ambulatoires », avertit le directeur de Mdose. Par ailleurs, « le pharmacien ne pourra pas confier une PDA externalisée à un préparateur », souligne Jean-Baptiste Guillot. En l’absence de textes officiels réglementant la PDA, ce modèle n’est pas non plus sans poser de problèmes juridiques.
AUTRES solutions
La co-traitance est un autre modèle que les pharmaciens peuvent envisager. « Le principe est simple : une pharmacie A dispose d’un local équipé pour faire de la PDA et le loue à une pharmacie B qui n’en a pas, A et B gardant chacun leur clientèle respective », déclare Jean-Baptiste Guillot. Un concept qui, selon lui, permet de cumuler les avantages du modèle précédent et de la sous-traitance, sans leurs inconvénients. « Le local de préparation reste une partie intégrante de l’officine et la mise en commun des stocks est possible une fois que les boîtes ont été déstockées et facturées par chacune des deux pharmacies, leur logiciel informatique permettant d’identifier les stocks et de tracer les unités restantes patient par patient. » Les pharmaciens qui souhaitent investir à plusieurs, ont intérêt à formaliser leur entente à travers un GIE (groupement d’intérêt économique). « Dans ce cas, deux possibilités s’offrent à eux : le fabricant ou son revendeur loue le matériel aux pharmacies, qui paient seulement une quote-part correspondant à leur utilisation effective du matériel. Ou alors, les pharmaciens achètent leur matériel par le biais d’un GIE », répond Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés. Dernière possibilité qui s’offre à un groupe, entre une SPFPL et ses filiales SEL : « L’investissement peut être porté contractuellement par la holding, le coût facturé doit couvrir l’amortissement du matériel, les assurances, la maintenance, l’entretien des locaux… et ménager une marge à la SPFPL sur laquelle elle pourra imputer son déficit fiscal », précise Thomas Crochet, avocat aux barreaux de Toulouse et de Paris.
Le B.A.-ba sur le GIE
Le groupement d’intérêt économique (GIE) a pour objectif « la mise en œuvre de tous les moyens propres à faciliter ou à développer l’activité économique de ses membres, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité ». Le GIE est adapté lorsqu’il n’y a pas de maniements de fonds importants et d’engagements forts des associés. Il se prête assez bien à l’activité de groupement d’achat, car il associe plusieurs entreprises autour d’un même but économique. C’est une structure maniable, qui présente une grande souplesse d’organisation. Deux personnes (physiques ou morales) suffisent pour constituer un GIE. Aucun capital minimum n’est exigé au moment de sa constitution. Les apports peuvent être réalisés en argent, en équipements ou en ressources humaines. Peu de formalités administratives sont nécessaires à sa création. La principale est l’immatriculation du GIE au Registre du commerce et des sociétés, qui confère au groupement la personnalité morale. Une grande liberté est laissée aux membres sur son organisation et son fonctionnement au moment de la rédaction des statuts. Toutes les décisions collectives doivent être prises en assemblée.
Prix en baisseTous ensemble !
Cette initiative normande fait des émules. « La mutualisation des moyens, notamment pour l’acquisition de matériel nécessaire à la préparation de doses administrées (PDA), fait partie de nos revendications », lâche Nicolas Hardiville, président de la Fédération des Structures de regroupements à l’achat (SRA). Son idée, regrouper les capacités d’investissements au niveau d’une SRA et mettre cette structure au centre du dispositif pour amener de nouveaux marchés à ses adhérents. « Tout transitera financièrement par la SRA, qui sera propriétaire du matériel et des consommables et qui s’occupera de la facturation aux éhpad et aux pharmaciens utilisateurs de nos services. » La vente au détail au public étant interdite en dehors des officines, celles-ci garderont la main sur la fabrication, le contrôle et la dispensation. Par contre, la livraison pourrait être confiée aux SRA possédant une plate-forme de distribution.
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