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“Les ordonnances falsifiées sont difficiles à reconnaître”
Émilie Jouanjus, pharmacien, maître de conférences en pharmacologie à la faculté des sciences pharmaceutiques de Toulouse et membre du CEIP-Addictovigilance de Toulouse.
Les fausses ordonnances sont-elles difficiles à discerner ?
Oui, elles sont aussi difficiles à reconnaître que faciles à rédiger. D’ailleurs, certaines paraissent tout à fait conformes. On peut donc imaginer qu’une part plus ou moins importante est effectivement délivrée. C’est pourquoi nous avons ajouté des éléments de contexte aux critères de suspicion intrinsèques à l’ordonnance dans les enquêtes « Ordonnances suspectes, indicateur d’abus possible » (Osiap). Même si ces critères peuvent échapper à l’officinal concentré sur la délivrance rigoureuse de la prescription.
Quels sont ces critères de suspicion ?
Dans l’enquête Osiap 2015, 65 % des ordonnances suspectes étaient falsifiées, c’est-à-dire fabriquées sur ordinateur, photocopiées ou scannées. 12 % étaient modifiées avec une écriture différente, et 10 % venaient d’un ordonnancier volé. Il est possible aussi de repérer une modification de la prescription par l’ajout d’un médicament ou un changement de posologie ou de durée du traitement. Des incohérences dans la prescription, des périodes de chevauchement ou une utilisation en dehors des RCP doivent également éveiller l’attention. Par exemple, un pharmacien nous a envoyé plusieurs ordonnances mentionnant un médicament androgène pour un même patient. Toutes présentaient un aspect « conforme » mais les signatures étaient clairement différentes. Il s’agissait probablement d’un détournement pour rechercher une performance physique.
Quels sont les éléments de contexte qui peuvent paraître suspects ?
L’addiction médicamenteuse peut être repérée chez un patient qui a essayé d’arrêter de prendre un médicament mais n’a pas réussi, qui fait une crise de panique si on lui dit qu’il y a une rupture de stock. Certains racontent une histoire alambiquée pour « contextualiser » le mensonge. Telle une personne qui va vous expliquer pourquoi elle transpire alors qu’on ne lui a rien demandé. Il y a aussi des clients qui veulent payer le médicament sans utiliser la carte Vitale pour ne pas être repérés par la Sécurité sociale. Ce sont des exemples d’éléments qui, au-delà de l’ordonnance, peuvent révéler un comportement suspect.
Comment les officinaux peuvent-ils participer ?
De deux façons. Chaque année, nous sollicitons les pharmaciens du réseau sentinelle en novembre et en mai. Ils reçoivent un courrier avec un bordereau auquel ils joignent les ordonnances qu’ils considèrent suspectes. Ils peuvent aussi spontanément les envoyer à l’ARS ou au CEIP-A de la région, par fax, mail, voire par une photo prise avec leur téléphone. Nous recevons d’ailleurs plus d’ordonnances en dehors des périodes d’enquête, ce qui montre l’implication constante des officinaux. Toutes sont analysées. Nous recontactons ensuite le déclarant pour lui poser des questions ciblées qui lui évitent de faire des recherches d’informations du type « Estce un client connu de la pharmacie ? », « Qu’est-ce qui vous a mis la puce à l’oreille ? » Nous travaillons de pair avec les ARS, qui reçoivent aussi des notifications d’ordonnances frauduleuses.
Ainsi, nous sommes tenus informés, comme l’ensemble des pharmaciens de la région, des différentes alertes, comme les vols d’ordonnanciers.
Au final, participer à l’enquête Osiap ne prend pas beaucoup de temps à l’officinal, mais constitue une source d’information précieuse et une matière de travail indispensable pour le réseau français d’addictovigilance.
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