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Une femme va subir une IVG médicamenteuse
Julie, 22 ans, enceinte, ne souhaite pas garder l’enfant. Son médecin l’oriente vers le Dr R., un confrère habilité à réaliser des IVG médicamenteuses. Il vient chercher les médicaments nécessaires à l’acte.
Ce que je dois savoir
Législation
• La délivrance des médicaments utilisés dans l’IVG médicamenteuse est réservée aux médecins et sages-femmes habilités à les prescrire et à les administrer, c’est-à-dire ceux ayant conclu une convention avec un établissement de santé public ou privé autorisé. La demande peut aussi émaner d’un centre de planification ou d’éducation familiale ou d’un centre de santé ayant passé ce type de convention.
• La prescription est plutôt une commande à usage professionnel. En aucun cas, Julie ne viendra récupérer Mifégyne et Gymiso, c’est au Dr R. de venir les chercher.
• Vérifier la présence des éléments suivants : date, nom, qualité, numéro d’inscription à l’Ordre, adresse et signature du praticien, dénomination des médicaments et quantités commandées, mention « usage professionnel », nom de l’établissement de santé avec lequel le médecin ou la sage-femme a conclu une convention et sa date. Scannez la convention, car c’est la preuve que le Dr R. est autorisé à réaliser des IVG au sein de son cabinet.
• Les médicaments de l’IVG médicamenteuse apparaissent en « non remboursés ». Éditer une facture au nom du praticien.
Contexte
• L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est indiquée en cas de grossesse non désirée. Elle est médicamenteuse ou chirurgicale jusqu’à la neuvième semaine d’aménorrhée (SA, Cf. Lexique), puis seulement chirurgicale jusqu’à la quatorzième SA. Jusqu’à la septième SA, l’IVG médicamenteuse peut se faire en ville.
• Julie est tout juste à cinq SA. Le rendez-vous chez son médecin traitant constitue la première consultation, au cours de laquelle elle est informée des différentes possibilités pour avorter. Un examen clinique est réalisé, d’autres explorations sont prescrites au cas par cas, et notamment une prise de sang. Le « post-IVG » est déjà évoqué, avec la mise en place rapide d’une contraception. Julie se rend ensuite chez le Dr R. et confirme sa demande d’avortement. Le délai de réflexion d’une semaine entre les deux consultations n’est plus obligatoire.
Objectifs
Il s’agit d’arrêter la grossesse débutante sans anesthésie ni chirurgie. L’objectif est atteint dans environ 95 % des cas. En cas d’échec, le recours à l’IVG chirurgicale est obligatoire si la patiente souhaite toujours avorter. L’administration séquentielle et systématique de deux médicaments se justifie par leur rôle respectif.
Un anti-progestérone (Mifégyne) interrompt la grossesse par voie hormonale en même temps qu’il favorise les contractions utérines et l’ouverture du col utérin, tandis que la prostaglandine (Gymiso) assure une fonction purement mécanique d’expulsion de l’œuf.
Médicaments
Mifépristone (Mifégyne)
Appelée également RU-486 ou pilule abortive, la mifépristone est un stéroïde synthétique à action anti-progestative. Elle antagonise la progestérone en se plaçant sur ses récepteurs et l’empêche d’assurer son rôle dans le maintien de la grossesse.
Misoprostol (Gymiso)
Analogue de la prostaglandine E1, le misoprostol provoque d’importantes contractions utérines. À savoir : cette molécule est présente dans Cytotec, parfois utilisé hors AMM par voie vaginale en gynécologie. Cytotec sera retiré du marché en mars 2018 (lire Décryptage Porphyre n° 538, décembre 2017-janvier 2018).
Repérer les difficultés
• L’IVG médicamenteuse en ville est un acte très protocolisé.(1) La mifépristone est prise en présence du praticien et à la posologie de 600 mg en une prise, soit une boîte par patiente. Le misoprostol est pris à domicile ou au cabinet 36 à 48 heures plus tard, à la posologie de 400 µg, soit une boîte par patiente. Des variantes existent, où seuls 200 mg de mifépristone sont administrés et associés à 1 mg de géméprost par voie vaginale (Cervageme, à l’hôpital) mais le principe de prise en décalé reste le même. Il doit être clairement expliqué à la patiente, en consultation comme au comptoir.
• Personne n’avorte de gaieté de cœur. Si besoin, un soutien psycho-social peut être mis en place pour la patiente.
• Les contractions liées à la prise des médicaments. Elles sont en partie soulagées par le paracétamol et/ou de l’ibuprofène, d’ailleurs prescrits par le Dr R. avant la réalisation de l’IVG. Les antalgiques peuvent être pris par anticipation, avant l’apparition des douleurs.
Ce que je dis à la patiente
Julie vient récupérer une ordonnance avec des antalgiques et une pilule contraceptive, et vous annonce qu’elle va subir une IVG médicamenteuse auprès du Dr R., dès le lendemain.
J’ouvre le dialogue
Faire preuve de discrétion – « Si vous souhaitez en parler, nous pouvons nous mettre à l’écart sur ce poste/aller dans l’espace de confidentialité » – et d’empathie – « J’imagine que ça ne doit pas être évident pour vous en ce moment ». Exclure les jugements de valeur du type « Vous avez fait le bon choix », « De nos jours, c’est devenu tellement facile d’avorter ». De même, votre avis sur l’avortement, pour ou surtout contre, ne doit pas impacter la qualité de votre prise en charge et de votre conseil, sinon, passez la main.
L’information de la patiente est essentielle : « Que vous a dit votre médecin ? Que savez-vous sur le traitement que le Dr R. va mettre en place ? » Julie a sans doute déjà consulté Internet, mais attention aux sites anti-IVG ! Un seul à conseiller : http://ivg.social-sante.gouv.fr
J’explique le traitement
Mécanismes d’action
L’objectif de ce traitement en deux temps est l’arrêt de la grossesse d’une part et l’expulsion de l’œuf d’autre part. Le taux de succès est très élevé et il n’y a pas d’impact sur la fertilité future (Cf. encadré La patiente me demande).
Mode d’administration
• Mifépristone : prise en présence du médecin, par voie orale.
• Misoprostol : le plus souvent pris à domicile, par voie orale, à n’importe quel moment, tout en respectant un délai de 36-48 heures après la mifépristone.
Effets indésirables
• Mifépristone : nausées, vomissements, diarrhées, crampes utérines et abdominales, saignements plus ou moins abondants.
• Misoprostol : après la prise, l’expulsion de l’œuf et les saignements associés apparaissent au bout de quatre heures environ dans 60 % des cas et d’un à trois jours dans 40 % des cas. Ils durent environ dix jours. Les douleurs pelviennes ressenties correspondent aux contractions utérines.
J’accompagne
Surveillance
• L’absence de saignements le lendemain ou le surlendemain de la prise de misoprostol est possible. Au-delà, prévenir le médecin.
• Une visite de contrôle a lieu 14 à 21 jours après la prise de mifépristone. Il s’agit surtout de s’assurer que la grossesse a bien été interrompue, et de faire le point sur la contraception mise en place le jour ou le lendemain de la prise de misoprostol.
• En cas de fièvre, de malaise ou de très fortes douleurs abdominales non soulagées par les antalgiques, contacter rapidement le médecin. De même, certains saignements particulièrement hémorragiques (jusqu’à 5 % des cas) nécessitent une prise en charge spécifique.
Hygiène de vie
Éviter les déplacements trop importants, ou les activités trop intenses, de la prise des médicaments à la consultation de suivi, car l’expulsion de l’œuf peut avoir lieu dès la prise de mifépristone, et jusqu’à trois jours après celle de misoprostol. Puis les saignements font leur arrivée et peuvent beaucoup fatiguer la patiente.
Vente associée
• Pour l’anxiété : granules d’homéopathie ou spécialités telles que Sédatif PC, Biomag…, phytothérapie (Phyto-Stress, Euphytose…) ou aromathérapie (camomille romaine, pruche…).
• La pilule contraceptive ne protège pas contre les IST. Proposer des préservatifs au besoin.
(1) Interruption médicamenteuse de grossesse : les protocoles à respecter, HAS, février 2015.
Prescription
Dr R., médecin généraliste
• Mifégyne 200 mg 2 boîtes de trois comprimés.
• Gymiso 200 µg 2 boîtes de deux comprimés.
Usage professionnel.
La patiente me demande
« Est-ce que l’avortement peut rendre stérile ? »
C’est une inquiétude très largement répandue parmi les femmes ayant recours à l’IVG, mais, non, l’IVG ne rend pas stérile. De plus, la fertilité revient vite à l’issue de l’acte, ce qui impose de mettre en place rapidement un moyen de contraception efficace et adapté à votre choix. À ce propos, avez-vous des questions sur ce sujet ?
Lexique et chiffres
→ Les semaines d’aménorrhée se comptent à partir de la date de début des dernières règles et le nombre de semaines de grossesse à partir de la fécondation, soit environ deux semaines plus tard.
→ L’interruption médicale de grossesse (IMG) intervient, à la différence de l’IVG, pour raisons médicales (malformation grave, maladie…) quel que soit le terme.
→ 211 887 IVG ont eu lieu en 2016(1), dont 197 777 en métropole. 64 % d’entre elles sont médicamenteuses. Outre-mer, ce chiffre passe à 71 %.
(1) Direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Études & résultats n° 1013, juin 2017.
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