Financement à l’installation : la perte de l’indépendance en question

© La question de l’indépendance des officines au coeur des débats entre enseignes de pharmacies - DR

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Financement à l’installation : la perte de l’indépendance en question

Publié le 12 février 2018
Par Matthieu Vandendriessche
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Le paysage officinal doit composer avec le développement d’enseignes adossées à des fonds d’investissement, dont certaines proposent aux futurs installés, en complément d’un financement bancaire classique, une entrée au capital via des obligations convertibles. C’est le cas aujourd’hui de l’enseigne Paris Pharma, avec le soutien du fonds d’investissement Sagard. 

Lors d’une table-ronde organisée dimanche 11 février aux 11e Rencontres de l’officine, Hervé Jouves, président de Lafayette Conseil, a indiqué que ce montage financier n’est pas proposé à ce jour par son enseigne mais qu’il pourrait l’être « en approche défensive pour conserver une pharmacie dans le réseau ou offensive pour des pharmaciens qui n’ont pas les capitaux pour intégrer l’enseigne ». Le dirigeant de Lafayette a estimé que ses pharmaciens affiliés restaient indépendants : « Le groupe financier Rothschild est entré au capital de Lafayette, mais au capital des pharmacies à l’enseigne ». Et Hervé Jouve de s’interroger : « Le pharmacien a-t-il déjà été indépendant dès lors que le législateur, définit la plus grande partie de sa rémunération ? ». 

Pour sa part, Jean Fabre estime que pour le groupement Pharmavie qu’il préside, « il y a moins de demande de retour sur investissement de la part d’une famille que par tout autre investisseur ». Selon lui, il y a une distorsion entre la durée de l’installation d’un pharmacien, parfois pendant plusieurs dizaines d’années, et la logique à 4 ou 5 ans d’un fonds d’investissement, au terme de laquelle celui-ci retire son capital et ses bénéfices. Au final, estime-t-il, « le marché dépend de ce que le législateur en fera. Faute de médecins, le pharmacien devient un acteur de première ligne et cela change le modèle économique des officines ».

De son côté, Medhi Djilani, pharmacien titulaire et membre du conseil chez HPI se félicite du mode de fonctionnement de son réseau : prêter de l’argent sur les fonds propres à taux d’intérêt faible et accompagner l’installation du pharmacien. « Nous sommes associés au sein d’une société par actions simplifiées (SAS) et avons rédigé un contrat de commerce associé. Nous sommes une société de pharmaciens d’officine leur appartenant. Aujourd’hui, plutôt que subir, nous voulons choisir comment nous allons évoluer à travers ce modèle », témoigne-t-il. 

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Au final, si selon Serge Gilodi, expert en conseil et financement des officines, les fonds d’investissements ont leur légitimité, « l’indépendance des professionnels libéraux est inversement proportionnelle au pouvoir financier de l’investisseur ». Et de son avis, ce schéma n’est pas souhaitable : « Il est question de santé humaine et ce n’est pas un marché comme les autres ».