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La chirurgie prothétique de la hanche et du genou

Publié le 22 février 2018
Par Florence Dijon-Leandro
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Le remplacement de la hanche ou du genou par une prothèse est un acte chirurgical très fréquent. Partiel, mais le plus souvent total, il vise à remplacer les zones de cartilage usées afin de permettre à l’articulation défaillante de fonctionner à nouveau normalement, en particulier chez des patients arthrosiques.

La technique

De l’os à la prothèse

Anatomie

• Une articulation est une zone de jonction entre plusieurs extrémités osseuses. Elle comprend tout un réseau de muscles et de ligaments, ainsi qu’un revêtement souple appelé cartilage. Ce dernier recouvre les surfaces osseuses mises en contact et permet leur glissement.

→ La hanche est aussi appelée articulation coxo-fémorale. La tête du fémur, os de la cuisse, s’emboîte dans une petite cavité nommée cotyle, ou acetabulum, située de chaque côté de l’os iliaque (du bassin).

→ Le genou est l’articulation qui relie la jambe et la cuisse. Il met en jeu trois os : le fémur, le tibia (os de la jambe) et la patella, ou rotule, petit os plat à la partie antérieure du genou. C’est en fait un ensemble de trois « sousarticulations » : fémoro-tibiale interne, fémorotibiale externe et fémoro-patellaire.

Définition d’une prothèse

Pièce ou appareil destiné à reproduire et à remplacer aussi fidèlement que possible dans sa fonction, sa forme ou son aspect un membre, un fragment de membre ou un organe en partie ou totalement altéré ou absent.

Dans le cadre de prothèse de hanche et de genou, il s’agit d’un dispositif médical implantable biocompatible, donc invasif, de classe III.

Étiologies

• L’arthrose surtout. Les pathologies conduisant à la pose d’une prothèse articulaire de la hanche ou du genou sont variées, mais dominées par l’arthrose. Cette affection articulaire chronique est caractérisée par la dégénéres cence progressive du cartilage, associée à un phénomène inflammatoire et à des lésions osseuses de type fissures ou érosions qui mettent à nu l’os sous-chondral (voir La patho, Porphyre n° 524, juillet-août 2016). En cas d’atteinte de la hanche, il s’agit de coxarthrose, et de gonarthrose pour le genou. À long terme, l’articulation devient de plus en plus raide et douloureuse. Le patient peut boiter et devoir faire des pauses régulièrement. Sa qualité de vie est altérée.

• Autres : plusieurs maladies rhumatismales telles que la polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique ; le cancer, lorsque la tumeur touche les os de l’articulation ; l’ostéonécrose, ou mort d’un tissu osseux, qui peut toucher la tête fémorale.

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Épidémiologie

Des chiffres

L’essentiel de l’activité en chirurgie prothétique du genou et de la hanche concerne les prothèses totales. Environ 80 000 prothèses totales de genou (PTG) et 150 000 de hanche (PTH) sont posées chaque année en France. La plupart de ces interventions sont « de première intention », et quelques milliers sont des ré-opérations dites de révision ou de reprise prothétique (voir encadré p.28).

Des âges

Contrairement aux idées reçues, « la chirurgie prothétique de la hanche et du genou ne s’adresse pas uniquement aux retraités ! », explique Aurélie Baldacci, masseur-kinésithérapeute dans les Bouches-du-Rhône (13). La première implantation concerne en général les 60-70 ans (voir témoignage p.31), mais un jeune adulte peut avoir besoin d’une prothèse à cause d’une malformation ou de la pratique intensive d’un sport (voir témoignage p.33). Une personne très âgée, 80-90 ans, peut, elle, avoir besoin d’une prothèse pour conserver son autonomie.

Différents types de prothèses

Hanche

• Description. Les prothèses totales de hanche remplacent les zones de cartilage usées et abîmées de la hanche par des pièces artificielles de forme et de taille semblables. Elles comportent trois éléments :

→ une cupule, qui est fixée au niveau du bassin et fait office de cotyle (voir Info+) ;

→ une tige métallique insérée à l’intérieur du fémur ;

→ une tête, qui remplace la tête du fémur et fait la jonction entre les deux premiers éléments.

• Matériau. Les premiers modèles sont à base d’acier au niveau de la tige et de la tête, et en polyéthylène (plastique) au niveau de la cupule, mais ils sont de plus en plus souvent remplacés par la céramique d’alumine afin de former des couples de frottement (voir Dico+) plus résistants et moins sujets à l’usure.

La fixation des implants se fait avec un ciment acrylique, ou plus récemment sans ciment, toujours en vue de limiter le risque d’usure et d’augmenter la durée de vie de la prothèse.

• Les prothèses de resurfaçage sont appelées ainsi car elles ne remplacent pas les os mais intéressent uniquement les surfaces articulaires. La tête fémorale est conservée mais recouverte par une cupule métallique. Cette technique est privilégiée chez les sujets jeunes et actifs.

• Les prothèses fémorales, ou hémi-prothèses, remplacent uniquement la partie fémorale de l’articulation, notamment en traumatologie et en cas de fracture du col du fémur. Cette technique est de moins en moins utilisée au profit de la PTH car quelques années plus tard, il faut souvent réopérer pour remplacer le cotyle.

Genou

• Les prothèses unicompartimentales : en cas d’atteinte localisée et de ligaments en bon état, ces prothèses remplacent une seule des trois « sous-articulations » du genou.

• Les prothèses totales de genou (PTG), aussi appelées prothèses tricompartimentales : elles remplacent les trois sous-articulations du genou et comportent :

→ un élément métallique remplaçant la partie usée du fémur ;

→ un ensemble de deux plateaux : le premier métallique et fixé à l’os, et par-dessus le second (en polyéthylène) pour remplacer la partie usée du tibia ;

→ une sorte de coussinet central en plastique fixé sur la rotule et remplaçant le cartilage de glissement usé.

→ Il existe deux modes d’union entre le fémur et le tibia. Dans la majorité des cas, il est libre. Il s’agit alors de prothèses à glissement. Plus rarement, il est lié en cas d’usure osseuse et ligamentaire trop importante. Dans ce cas, il s’agit de prothèses à charnière. Là encore, la fixation des implants se fait avec ou sans ciment.

Intervention

La chronologie détaillée ci-après s’applique à un patient pris en charge de façon conventionnelle. Le recours croissant à la chirurgie ambulatoire, lors de laquelle le patient se fait opérer le matin et sort le soir, comprend quelques particularités (voir interview p.29).

L’heure des choix

• La chirurgie prothétique est le traitement curatif de dernière intention de l’arthrose, en cas de douleurs et d’un handicap intolérables au quotidien, devant des signes radiologiques évolués, et lorsque tout l’arsenal thérapeutique disponible a été tenté avec un rhumatologue (voir Info+ p.30). Pas trop tôt dans le processus arthrosique pour ne pas avoir à multiplier les opérations, les prothèses n’étant pas éternelles, (lire encadré ci-contre) mais pas trop tard non plus. Si l’articulation est déjà très raide et douloureuse, et les muscles autour d’elle sont très atrophiés, cela peut nuire à la qualité de la rééducation post-opératoire.

• La chirurgie prothétique de la hanche et du genou est le plus souvent une chirurgie programmée et la décision est prise en concertation avec le patient. Le Dr Franck Lacaze, chirurgien orthopédiste à Montpellier (34) et membre du réseau OrthoSud, rappelle que « c’est un secteur très concurrentiel, où les gens ont le temps de choisir leur chirurgien, où les notions de réputation, de bouche-à-oreille… sont omniprésentes. » Selon lui, « dans 98 % des cas, l’opération est programmée à l’avance, ce qui laisse le temps de mettre en place tout un processus avec le patient et l’équipe médicale et paramédicale. Toutefois, dans de rares cas, il faut intervenir en urgence, par exemple en cas de coxarthrose rapidement destructrice. »

Avant l’opération

• En amont, le patient subit un certain nombre d’examens complémentaires, en particulier pour vérifier l’absence d’infection latente, par exemple aux niveaux dentaire et urinaire car il y a un risque que l’infection migre ensuite jusqu’à la prothèse. Dans certains cas, l’opération est reportée, le temps que l’infection soit bien soignée.

• Le reste du bilan pré-opératoire comprend notamment une consultation avec un cardiologue et avec un anesthésiste, une prise de sang et une radiographie spécifique. Celle-ci est associée à la prise de mesures sur l’articulation à remplacer afin de déterminer les dimensions de la prothèse à commander pour le patient et de préparer au mieux l’acte chirurgical. On parle de planification radiographique, de plus en plus souvent couplée, voire remplacée par le scanner.

• Le recours à une prothèse sur mesure est possible dans certains cas extrêmes : malformations, dimensions particulières du patient…

Déroulement de l’opération

L’anesthésie est générale, locale ou loco-régionale selon les conditions opératoires, les antécédents du patient, voire ses préférences ou celles du service. L’opération dure entre une et trois heures. Après l’incision, les parties osseuses abîmées sont retirées et les parties restantes sont « travaillées » pour accueillir les implants.

• Mise en place d’une PTH. Le chirurgien a le choix entre plusieurs voies d’abord. La voie la plus fréquente est la voie postéro-latérale, avec le patient allongé sur le côté et une grande incision qui part de la fesse, mais la voie antérieure, réputée moins traumatique, a le vent en poupe. Dans ce cas, le patient est allongé sur le dos et une incision plus petite est pratiquée sur le haut de la cuisse. D’après le Dr Lacaze, « l’apprentissage de la voie antérieure est plus long, et cette technique n’est pas forcément garante d’une meilleure récupération. La voie postérieure existe depuis plusieurs dizaines d’années et donne aussi d’excellents résultats. En fait, chaque voie a ses avantages et ses inconvénients, l’essentiel est que le chirurgien maîtrise parfaitement celle qu’il utilise. »

• Mise en place d’une PTG. Elle se fait par voie antérieure, à l’avant du genou.

• En général, à la fin de l’opération, le chirurgien pose un drain – ou redon – au niveau de la plaie. Ce tube souple, qui permet d’évacuer le sang et autres sécrétions de la plaie afin d’éviter l’infection et favoriser la cicatrisation, est retiré dans les premiers jours après l’opération.

Post-opératoire

• Dès le lendemain de l’opération, le patient est pris en charge par un kinésithérapeute dans sa chambre d’hôpital. Il demeure hospitalisé encore quelques jours, et apprend les bons gestes pour se lever, s’asseoir, se déplacer en toute sécurité…

• Le plus souvent, une rééducation plus complète est nécessaire, pendant quelques semaines ou quelques mois, en centre spécialisé ou à domicile. « Tout dépend du patient, de son état, de ses objectifs et de son mode de vie », précise Aurélie Baldacci. Au programme : massages, renforcement musculaire, travail fonctionnel de reprise de la marche, balnéothérapie…

• Les consultations de suivi avec le chirurgien « constituent un élément médico-légal indispensable, rappelle le Dr Lacaze. Les délais sont variables d’un praticien à un autre. Pour ma part, je revois les patients immédiatement en post-opératoire, au bout de trois semaines au moment de la cicatrisation cutanée, à trois mois, un an, puis tous les deux ou trois ans. »

La prise en charge

Traitements associés à l’intervention

Antalgiques

• Pourquoi ? À l’issue de l’opération, le patient ressent souvent de vives douleurs. Elles doivent absolument être traitées pour le soulager, mais aussi « pour faciliter la récupération. Si une personne a trop mal, il ne sera pas possible de la faire marcher ou de faire d’autres exercices », explique Aurélie Baldacci.

• Comment ?

→ Dès le réveil, puis tout au long de l’hospitalisation, le patient reçoit un premier traitement antalgique, par exemple de la morphine administrée par pompe « à la demande » ou un autre antalgique de niveau inférieur. L’intensité de la douleur est régulièrement évaluée de 0 à 10 grâce à l’échelle visuelle analogique, ou EVA.

→ D’autres dispositifs limitent le recours aux antalgiques classiques. Par exemple, « en cas de chirurgie ambulatoire, l’anesthésie est optimisée, combinant anesthésies générale, locorégionale et locale. Cette triple modalité limite la consommation des principes actifs retentissant notamment sur les fonctions supérieures. L’administration d’un anesthésique local, telle la ropivacaïne, permet de zapper les douleurs post-opératoires les plus violentes. Son action peut durer huit, douze voire vingt-quatre heures », explique le Dr Lacaze.

→ Pendant la rééducation en centre ou à domicile, un traitement médicamenteux est maintenu, avec souvent des massages antalgiques et de la physiothérapie : « Les électrodes sont positionnées de façon à ce que le courant traverse la zone douloureuse, avec un programme adapté au patient », explique Aurélie Baldacci. Le glaçage de l’articulation lutte contre la douleur et limite l’œdème.

Antibiothérapie

• Pourquoi ? La chirurgie prothétique est un geste très invasif et comporte un risque infectieux. Tout est mis en œuvre pour éviter la contamination du site de l’intervention.

• Comment ? À côté des règles d’usage communes à toute intervention (recherche d’une infection latente, douche antiseptique pré-opératoire, asepsie rigoureuse de la salle d’opération…), le patient reçoit des antibiotiques par voie veineuse, le plus souvent une céphalosporine comme la céfazoline, voire « de vancomycine en cas d’allergie aux bêta-lactamines », explique le Dr Lacaze. L’administration est déclenchée 30 minutes à une heure avant le début de l’intervention, et n’est en général pas poursuivie au-delà. Par la suite, le patient doit rester vigilant (voir Conseils aux patients).

Les antibiotiques peuvent aussi être locaux, notamment intégrés au ciment de la prothèse. Le recours à ces ciments est controversé car à la fois recommandé par la Haute Autorité de santé(2) mais à l’efficacité et à l’innocuité régulièrement remises en question. De plus, ces ciments « actifs » ne dispensent pas de l’antibioprophylaxie systémique.

Anticoagulation

• Pourquoi ? Le risque thromboembolique lié à la chirurgie prothétique de la hanche ou du genou est élevé quel que soit le patient : âge, obésité, cancer, antécédents d’événements thromboemboliques ou non…

• Comment ? La prophylaxie anti-thrombotique comprend la mobilisation précoce du patient, le port d’une compression veineuse et un anticoagulant.

→ Anticoagulants injectables : les héparines non fractionnées (HNF) et de bas poids moléculaire (HBPM) ou le fondaparinux, un pentasaccharide inhibiteur sélectif du facteur Xa (voir Info+). Ce dernier est intéressant car il ne nécessite pas de surveillance biologique, contrairement aux héparines (surveillance des plaquettes car risque de thrombopénie), mais attention aux sujets âgés, légers et aux insuffisants rénaux.

→ Anticoagulants oraux : les anticoagulants oraux directs (AOD) inhibent de façon directe, compétitive, sélective et rapide un facteur de la coagulation, le IIa : dabigatran, ou le Xa : apixaban et rivaroxaban. Là encore, pas de surveillance biologique pendant le traitement, mais l’insuffisance rénale doit limiter leur recours.

• Leur durée dépend de la molécule utilisée (voir tableau p.32) et du patient. La Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) recommande une thromboprophylaxie médicamenteuse jusqu’au 35e jour post-opératoire.(3)

Matériel

• Le recours à un déambulateur ou à des cannes est courant, notamment les premiers jours, quand l’équilibre est précaire.

• Les bas de compression sont portés quotidiennement en post-opératoire et durant plusieurs semaines.

• Des attelles associant compression et cryothérapie sont parfois utilisées, notamment en cas de PTG, dans le but de lutter contre l’inflammation, l’œdème, la douleur, et de favoriser la récupération : Stabi-Froid (Alteor), Igloo (Implants service orthopédie).

Complications

« Les complications, bénignes ou plus préoccupantes, surviennent dans environ 5 à 10 % des interventions, selon la littérature. Les complications graves sont rares, moins de 5 %. Par contre, c’est un devoir médico-légal d’informer le patient, mais aussi de lui rappeler que le bénéfice est très largement supérieur aux contraintes et aux risques », explique le Dr Lacaze. Les complications « graves » et redoutées sont les suivantes.

Infection

Elle peut avoir des conséquences graves sur l’avenir de la prothèse, la fonction articulaire et l’état général du patient. Elle est due au patient lui-même en raison d’un portage sain du staphylocoque, à un foyer infectieux situé à distance mais dont les microbes sont véhiculés par voie sanguine jusqu’à la prothèse, et plus rarement à une contamination au cours de l’intervention chirurgicale ; il s’agit alors d’une affection nosocomiale.

L’infection précoce, c’est-à-dire dans le mois qui suit l’intervention, est une urgence médicochirurgicale. La prise en charge comprend en général une reprise chirurgicale et une antibiothérapie sur plusieurs semaines, voire mois.(4)

Luxation

Elle est synonyme de déboîtement. Dans le cas de la hanche, la tête fémorale sort du cotyle. Le Dr Lacaze rappelle que « le genou peut également faire l’objet d’une luxation, au niveau rotulien ou fémoro-tibial, mais cela reste exceptionnel ». La luxation engendre de vives douleurs et une impotence. La réintroduction de la prothèse dans son emplacement s’appelle une réduction. Elle se fait en urgence et sous anesthésie.

Descellement

C’est le « décrochage » de l’implant. Le matériel bouge dans l’os et produit de vives douleurs. Généralement, il s’agit d’un descellement dit « aseptique », dû au vieillissement du matériel. Un descellement « septique » peut apparaître en cas d’infection. La prise en charge consiste à contrôler régulièrement l’état de la prothèse et à la remplacer ai besoin.

Autres complications

• Sur le plan vasculaire : anémie et hématome post-opératoires, ou à l’inverse thrombose malgré une anticoagulation bien menée.

• Sur le plan nerveux : la lésion ou la compression de certains nerfs au cours de l’intervention, nerf sciatique notamment, entraîne des troubles sensitifs, voire une paralysie.

• Fractures et bris : au cours de l’opération ou après celle-ci. « L’os implanté peut se fracturer. Le matériel peut également se casser », explique le Dr Lacaze.

Conseils aux patients

Observance

Traitement anticoagulant

• Si les injections d’héparine sont réalisées par le patient lui-même ou son conjoint : varier les sites d’injection, piquer dans un pli de peau en souscutanée avec l’aiguille à angle droit… Rassurer quant au caractère indolore des injections, et remettre au patient une petite « poubelle jaune » Dasri. Conservation à température ambiante.

• Les AOD se prennent une (dabigatran, rivaroxaban) ou deux (apixaban) fois par jour, avec ou sans nourriture. Ne jamais ouvrir la gélule de dabigatran, au risque de modifier la biodisponibilité et d’accroître le risque hémorragique. À l’inverse, les comprimés d’apixaban et de rivaroxaban s’écrasent au besoin. Ne pas doubler la dose pour compenser un oubli, mais se conformer aux recommandations de la notice : ainsi, pour l’apixaban, prendre immédiatement la dose omise et poursuivre comme avant avec deux prises quotidiennes.

• Rappeler l’intérêt de la compression en complément des médicaments, et le bon usage (voir Le matériel, Porphyre n° 527, novembre 2016). Attention à la prise de mesures car la zone opérée est souvent un peu gonflée, notamment en cas de PTG. Pour un patient « à la limite » niveau taille, prendre la taille supérieure.

Non médicamenteuse

• L’observance passe également par le respect des postures enseignées par le kinésithérapeute. Dans le cas de la PTH, il s’agit surtout d’éviter les mouvements extrêmes, forcés ou trop amples afin de réduire le risque de luxation, surtout au cours des premiers mois.

• Éviter au maximum les chutes pour limiter les fractures, les cassures et autres atteintes de la prothèse. Pour cela, des ergothérapeutes interviennent parfois en centre de rééducation, voire au domicile du patient, afin d’adapter son habitat.

Attention au surpoids, qui peut conduire au vieillissement prématuré de la prothèse par sollicitation excessive, comme c’est déjà le cas dans l’arthrose.

Automédication

Bon usage des antalgiques

• Distinguer avec le patient les antalgiques pris systématiquement de ceux réservés aux douleurs rebelles. Le plus souvent, le patient qui va se faire poser une PTH ou une PTG présente une ordonnance avec des antalgiques issus des trois paliers (voir Info+ ci-contre).

• Attention aux nombreuses spécialités disponibles avec ou sans ordonnance et contenant du paracétamol, dont la posologie standard est de 1 gramme toutes les six heures.

• Éviter l’aspirine et les AINS, car ils risquent d’augmenter le risque hémorragique induit par les anticoagulants.

• Certaines molécules comme la codéine, le tramadol, le néfopam… entraînent un risque de somnolence, rendant dangereuse la réalisation de certaines tâches telles que la conduite auto ou de machines. Prévenir et déconseiller la prise concomitante d’alcool.

• Penser au glaçage de l’articulation opérée, voire « à un cataplasme d’argile verte pour soulager les douleurs inflammatoires », explique Aurélie Baldacci.

Gare aux infections

• Repérer les signes. Dans le mois suivant l’opération, le risque d’infection de la prothèse est rare mais grave. Le patient et son entourage doivent savoir repérer des signes locaux, tels que douleur, gonflement, rougeur, chaleur ou encore écoulement au niveau de la cicatrice, ou plus généraux, tels que fièvre ou frissons, et prendre rapidement contact avec l’équipe chirurgicale et le médecin traitant.(5)

• Consulter en cas de symptomatologie infectieuse, même si celle-ci se trouve à distance de la prothèse : infections dentaire, urinaire, ORL… La prise en charge doit être rapide et la prescription d’antibiotiques est courante.

Informer tout professionnel

• Tous les personnels médicaux et paramédicaux vus par le malade pendant et après sa convalescence doivent être prévenus que celuici porte une prothèse et prend des anticoagulants. En effet, le risque hémorragique non négligeable doit parfois être pris en compte au cours du soin.

• Éviter les injections intramusculaires sous anticoagulants en raison d’un risque d’hématome, ou dans la fesse du même côté que le matériel en raison d’un risque infectieux.

Vie quotidienne

Dédramatiser

• L’opération peut être source d’angoisse pour le patient, qui redoute à la fois les éventuelles complications, la douleur post-opératoire, la reprise de l’activité… Il vit parfois mal le fait de vieillir et de devoir être opéré.

• Adopter un discours positif car ces opérations sont aujourd’hui particulièrement codifiées et standardisées. Le phénomène de « hanche oubliée » signifie que le patient ne se souvient même plus où se situe sa prothèse !

Pour le genou, la récupération est en général moins complète, avec un genou indolore mais une flexion imparfaite, et plus longue, environ un an, même si les taux de satisfaction des patients sont très bons.

Reprise des activités

• Conduire : pas tout de suite ! Il faut patienter quelques semaines et se conformer aux recommandations du médecin. Par contre, le patient peut être transporté en voiture dès le début de la période post-opératoire, assis à l’avant, le siège reculé au maximum, et en faisant des pauses régulières.

• Se laver : tant que la plaie n’est pas cicatrisée, la toilette se fait au gant ou sous la douche, en prenant soin de recouvrir la plaie d’un film protecteur type Tegaderm. Par la suite, préférer les douches aux bains car risque de chute. Pour s’habiller, choisir des vêtements amples et faciles à enfiler et des chaussures sans lacets.

• Voyager : le patient porteur d’une prothèse en partie ou totalement métallique risque de « sonner » en passant sous les portiques des aéroports ! Se munir d’un certificat médical.

• Avoir des relations sexuelles : là encore, quelques semaines sont nécessaires avant de s’y remettre. Préférer dans un premier temps les positions allongées et un rôle plutôt passif, pour ne pas risquer une luxation. La communication avec le ou la partenaire est essentielle.

Pratique du sport

L’âge du patient et son niveau antérieur de pratique sont des éléments importants dans la reprise d’une activité. Celle-ci intervient entre deux et trois mois après l’opération et doit être encadrée pour éviter d’abîmer la prothèse.

Les sports à faible niveau d’impact, tels que le cyclisme, la natation, la marche, la randonnée…, sont recommandés, tandis que ceux à haut niveau d’impact, tels que les sports collectifs, le jogging…, sont déconseillés.

Avec l’aimable participation du Dr Franck Lacaze, chirurgien orthopédiste à Montpellier (34) et membre du réseau OrthoSud, et d’Aurélie Baldacci, masseur-kinésithérapeute (13).

(1) Mise en garde concernant les prothèses de hanche à couple de frottement métal-métal , Agence nationale de sécurité et des produits de santé (ANSM), décembre 2014.

(2) Évaluation des ciments avec ou sans antibiotiques pour la fixation des implants articulaires , texte court, Haute Autorité de santé (HAS), décembre 2016.

(3) Prévention de la maladie thromboembolique veineuse post-opératoire , actualisation 2011, texte court, Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), novembre 2011.

(4) Prothèse de hanche ou de genou : diagnostic et prise en charge de l’infection dans le mois suivant l’implantation, Recommandation de bonne pratique, HAS, mars 2014.

(5) Signes d’infection de prothèse de hanche ou genou, fiche information patient, HAS, juillet

Dico+

→ À la différence d’une prothèse, une orthèse vise à corriger ou à compenser une fonction, mais sans la remplacer. Exemples : attelle d’immobilisation du genou, collier cervical (voir Matériel p. 38), semelles orthopédiques…

Info+

→ Un cotyle est une cavité articulaire de l’os iliaque, située de chaque côté du bassin, dans laquelle vient s’articuler la tête fémorale (extrémité hémisphérique du fémur) pour constituer l’articulation de la hanche.

Source : www.vulgarismedical.com

Dico+

→ Le couple de frottement d’une PTH correspond à l’ensemble tête-cotyle. Plusieurs combinaisons possibles : cotyle en polyéthylène + tête métal ou céramique, couple en céramique, voire en métal mais peu utilisé (allergie, libération de particules métalliques…).(1)

Durée de vie des prothèses

→ Globalement, « une prothèse de hanche ou de genou dure aujourd’hui entre quinze et trente ans », explique le Dr Lacaze. Attention, une prothèse peut « vivre » moins longtemps, notamment en fonction de l’utilisation. Par exemple, elle s’abîmera plus vite en cas de surpoids persistant ou d’activités trop traumatiques.

→ Avec l’allongement de la durée de vie, la reprise prothétique est devenue une réalité pour de nombreux patients. De façon générale, elle se déroule de la même façon que la première intervention, mais les résultats peuvent être moins bons et/ou plus longs à obtenir, notamment du fait de l’âge des patients et de leur état osseux.

Interview

La chirurgie ambulatoire est possible, oui, mais pas pour tout le monde

Dr Franck Lacaze, chirurgien orthopédiste à Montpellier (34) et membre du réseau OrthoSud.

La chirurgie ambulatoire pour la hanche et le genou est-elle un phénomène nouveau ?

Non. Cela existe depuis quinze ou vingt ans dans les pays anglo-saxons, même si chez eux, la notion d’« ambulatoire » diffère un peu de la nôtre, car le patient reste quand même une nuit à l’hôpital. En France, et plus précisément où j’exerce, nous pratiquons ce type de chirurgie depuis quelques années, et les patients sont ravis de pouvoir en bénéficier.

Quels sont les patients éligibles à ce type de chirurgie ?

Il est nécessaire de prendre en considération des facteurs propres au patient : les comorbidités, tels les troubles psychologiques, un diabète mal équilibré…, la compréhension du procédé pré-opératoire, la participation aux soins, sa volonté de bénéficier de cette modalité chirurgicale. Et ceux inhérents à son mode de vie et à son entourage : présence d’escaliers au sein de l’habitat, possibilité d’être aidé par un proche, existence d’un réseau de soins à proximité, adhésion de l’aidant à cette modalité de prise en charge. D’autres facteurs sont propres à chaque praticien. Pour ma part, la chirurgie ambulatoire concerne 25 % des PTH et 50 % des prothèses partielles de genou que je pose. Par contre, les PTG en ambulatoire sont réalisées de façon moins routinières en raison de saignements un peu plus importants et de douleurs plus prolongées.

Comment se passe la rééducation dans ce cas ?

Elle débute plusieurs jours avant l’opération ! En fait, le patient apprend les bons gestes à adopter une fois la prothèse mise en place, grâce au visionnage d’une vidéo et à des démonstrations par un kiné. Cette prise en charge kinésithérapique pré-opératoire permet également une prise de contact préalable et contribue au conditionnement favorable du patient, qui devient véritablement acteur de sa guérison.

Quels sont les avantages de la chirurgie ambulatoire ?

Moins d’infections et moins d’événements thromboemboliques, une récupération fonctionnelle plus rapide, mais il ne faut pas se leurrer non plus, le temps de cicatrisation reste le même. De façon plus pragmatique, la chirurgie ambulatoire coûte moins cher à nos tutelles et elle est plus rentable pour les structures de soins qu’une chirurgie classique.

Et ses inconvénients ?

Pour le praticien, cela représente plus de risques, même si la procédure peut être interrompue à tout moment, par exemple en cas de douleurs trop importantes ou de comorbidités. Pour l’équipe, cela représente plus de travail et un véritable processus préopératoire. Le patient est impliqué en amont de l’opération afin d’organiser, anticiper et préparer les suites opératoires avant même le geste chirurgical. Par exemple, pour récupérer les médicaments (anticoagulants, antalgiques, bas de compression…), le petit matériel nécessaire à la réalisation des soins, ou s’assurer de la disponibilité des infirmières et des kinésithérapeutes. Le patient est alors responsabilisé et il devient acteur de sa guérison.

Info+

→ Le traitement non chirurgical de l’arthrose repose sur des mesures pharmacologiques, avec AINS, infiltrations de corticoïdes, viscosupplémentation, anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL) et non pharmacologiques, telles que perte de poids, activité physique adaptée, aides techniques et orthèses, rééducation, cures thermales…

Contre-indications médicales des anticoagulants indiqués en post-opératoire

→ HNF : antécédents de thrombopénie induite par l’héparine (TIH), troubles de l’hémostase, lésion susceptible de saigner.

→ HBPM : antécédents de thrombopénie induite par l’héparine (TIH), troubles de l’hémostase, lésion susceptible de saigner, insuffisance rénale sévère.

→ Fondaparinux : saignement évolutif significatif, endocardite bactérienne aiguë, insuffisance rénale sévère.

→ AOD : saignement évolutif significatif, insuffisance hépatique associée à un risque de saignements, insuffisance rénale sévère.

Témoignage Madame R., 78 ans

« Instaurer une relation de confiance »

« J’ai été opérée d’un premier genou en 2010, puis du second en 2012. Bien entendu, je ne peux pas tout faire comme quand j’avais 20 ans, mais mes deux prothèses me permettent de marcher ou de monter les escaliers normalement. Ma rééducation a eu lieu dans un centre spécialisé, pendant trois mois. J’aimais beaucoup faire des mouvements dans la piscine. Je conseille à tout le monde de bien poser ses questions au chirurgien orthopédiste. Pour ma part, il était vraiment nécessaire qu’une relation de confiance s’établisse. »

Info+

→ La coagulation aboutit à la formation d’un caillot de fibrine grâce à une cascade enzymatique complexe mettant en jeu différents facteurs de la coagulation, numérotés de I à XIII (et suivis d’un petit « a » lorsqu’ils sont sous forme activée), et des inhibiteurs physiologiques de régulation. Le facteur IIa est aussi appelé thrombine.

Info+

→ L’Organisation mondiale de la santé (OMS) répartit les antalgiques en trois paliers, en fonction de leur puissance d’action. Palier I, en cas de douleur faible à modérée : paracétamol, AINS ; palier II, en cas de douleur modérée à sévère : codéine, poudre d’opium tramadol, néfopam (Acupan) ; palier III, en cas de douleur intense ou rebelle : morphine et autres opioïdes forts.

Témoignage Monsieur B., 53 ans

« Après l’opération, il faut être à l’écoute de son corps »

« Je suis prof de tennis et j’ai toujours été un grand sportif. Ceci a conduit aux premières douleurs alors que j’avais seulement 35 ans. Je faisais de moins en moins de sport, j’avais de plus en plus mal, je devenais irritable au quotidien avec mes proches. Ma prothèse de hanche a été posée à 47 ans. L’anesthésie s’est faite grâce à une péridurale et à l’injection d’un produit de longue durée, si bien que je n’ai ressenti aucune douleur post-opératoire. La rééducation a duré trois semaines environ, avec un kiné qui venait quasiment tous les jours chez moi. Je suis resté tranquille trois mois, ne faisant que de la marche, et puis j’ai repris mon travail. Aujourd’hui, je ne pense plus du tout à ma prothèse, même si je sais qu’il faudra sûrement la changer un jour… »

En savoir+

→ Fiches

La Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) propose un certain nombre de fiches pratiques dans la rubrique « Infos public/patients » de son site www.sofcot.fr

→ Site Internet

OrthoSud est un groupe de chirurgiens orthopédistes et de neurochirurgiens basé à Montpellier (34) et dont fait partie notre spécialiste, Franck Lacaze. À consulter : la rubrique « Les pathologies », puis les sous-rubriques « Hanche » et « Genou » du site www.orthosud montpellier.com

À RETENIR

→ La chirurgie prothétique de la hanche ou du genou consiste à remplacer partiellement, ou le plus souvent totalement, l’articulation native défaillante par un matériel artificiel de même forme. Ce sont des opérations relativement fréquentes en France, avec plusieurs dizaines de milliers d’actes chaque année.

→ La principale étiologie conduisant à la pose d’une prothèse est l’arthrose dans sa forme la plus évoluée et lorsque tous les autres traitements ont été tentés.

→ L’opération est aujourd’hui très bien codifiée, mais reste lourde. Les complications sont rares : infection, luxation, descellement de la prothèse…

→ De retour chez lui, le patient doit suivre un traitement anticoagulant et une rééducation adaptée à son cas, en institut ou à domicile.