Intégrer un quinquagénaire

La « silver economy », ce n’est pas qu’une manne de patients, mais aussi un vivier de compétences à même de s’épanouir de l’autre côté du comptoir. « Formés et expérimentés, les seniors possèdent un grand savoir-faire, une grande expertise et des connaissances précieuses pour une entreprise », fait valoir Marc Moreau, fondateur de la plate-forme EmploiSenior.net. « Ils ont déjà testé de nombreuses idées et ont le recul suffisant pour savoir ce qui a fonctionné. » Comme le souligne de son côté Marc Bernardin, dirigeant du cabinet Accordia, « dans le domaine de la relation client, en particulier, rien ne remplace la pratique quotidienne, au contact d’une grande variétés de situations ». De surcroît, « les seniors ont une mémoire professionnelle qui inclut l’évolution des pratiques thérapeutiques, ce qui peut être utile vis-à-vis d’un patient ayant bénéficié d’un traitement qui n’existe plus ». Autre atout vis-à-vis de la patientèle : « A l’image de la blouse blanche, la séniorité tend à inspirer confiance et à donner du crédit au discours, en particulier auprès du public âgé ou encore des clients difficiles », note Marc Bernardin. Pour Marc Moreau, « leur carrière est derrière eux et ils ne sont ni en quête de nouvelles expériences, ni enclins à partir pour gagner plus : ils sont donc plus fidèles à leur employeur ». Pour autant, « ils n’ont pas de mal à s’adapter au changement et à rester performants, assure-t-il. Enfin, ils possèdent une grande capacité à relativiser face à l’épreuve en comparaison des plus jeunes ».

Miser sur la transmission des compétences

Marc Moreau ne voit « pas de contre-indication particulière quant aux missions que l’on peut confier aux salariés les plus âgés ». Mais pour les raisons déjà évoquées, « les postes au contact de la clientèle sont à privilégier ». Encore une fois, gare aux idées reçues, en particulier concernant le rapport aux nouvelles technologies : « Les quinquas d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier : ils manient l’outil l’informatique depuis le début de leur carrière », rappelle Marc Bernardin. Mais la clé, à la fois dans l’intérêt de l’officine et pour valoriser les intéressés, est de les inscrire dans une véritable démarche de transfert de compétences : « Le quinqua de l’équipe peut être présenté au reste de l’équipe comme un coach ou un mentor qu’il ne faut pas hésiter à solliciter dans des situations délicates », préconise Marc Bernardin.

Prendre en compte les attentes générationnelles

Faciliter l’intégration d’un quinquagénaire dans une équipe multigénérationnelle passera aussi par une attention à des attentes pas forcément identifiées a priori. Par exemple, « si l’on se soucie d’aménager le temps de travail des jeunes parents, on ne pense pas assez aux jeunes grands-parents que sont parfois les seniors : pourquoi ne pas leur donner la possibilité d’exprimer leurs envies ou besoins en ce sens ? », suggère Marc Bernardin. Mais soyez vigilant aussi sur les tensions qui peuvent être occasionnées par des décalages culturels, notamment en ce qui concerne les relations entre les sexes : « Des petits noms comme “ ma chérie ” , “ ma poulette ” … donnés à une jeune salariée ou une stagiaire sont devenus inacceptables, même si le salarié qui les emploie ne pense pas à mal », indique Marc Bernardin. Dès lors, il s’agit, dès l’intégration, de cadrer la notion de respect au sein de l’équipe, et de bannir par la même occasion les appellations inappropriées… Y compris le « papi » ou « mamie » dont l’on serait tenté de gratifier le ou la plus âgé(e) du groupe. §