
© Getty Images
Délistage : la France est-elle à contre-courant du reste de l’Europe ?
« Nos pharmaciens sont formés pour conseiller et sécuriser la délivrance, mais on leur interdit d’agir sur des traitements pourtant considérés comme anodins dans d’autres pays », observe Luc Besançon, délégué général de Nérès, représentant les laboratoires pharmaceutiques qui produisent et commercialisent des produits de santé et de prévention de premier recours, disponibles en pharmacie sans ordonnance (médicaments, dispositifs médicaux et compléments alimentaires). Si certaines molécules telles que la desloratadine ont récemment été délistées, les relistages restent bien plus fréquents. « On assiste à un recul, là où nos voisins européens avancent », regrette-t-il.
Une régulation contraignante, un accès aux soins restreint
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) applique un principe de précaution strict, qui freine le passage de nombreuses molécules en PMF. « Historiquement, il existait une liste limitative des pathologies pouvant bénéficier d’un médicament sans ordonnance. Aujourd’hui, cette liste est indicative, mais l’ANSM reste frileuse », explique Luc Besançon. Une prudence qui s’explique par des responsabilités pénales et civiles plus lourdes qu’ailleurs en Europe.
Cette régulation a des conséquences concrètes sur l’accès aux soins. Actuellement, un quart des passages aux urgences concernent des affections bénignes qui pourraient être prises en charge en pharmacie. « 75 % des patients qui vont aux urgences savent que leur problème n’est pas grave, mais ils n’ont pas d’alternative rapide », pointe Luc Besançon. Face à la désertification médicale, le délistage permettrait pourtant de réduire les consultations inutiles et d’améliorer la fluidité du parcours de soins.
Une opportunité économique pour les officines
Derrière la question sanitaire se joue aussi un enjeu économique. En France, l’automédication représente moins de 10 % du chiffre d’affaires des pharmacies, contre 15 % en Allemagne et 25 % au Royaume-Uni. Déclasser ces molécules offrirait aux officines une nouvelle source de revenus et renforcerait leur attractivité. Une étude Open Health estime que le délistage pourrait générer jusqu’à 377 millions d’euros d’économies annuelles pour l’Assurance maladie et les mutuelles, en réduisant le nombre de consultations médicales évitables.
Mais ce modèle interroge aussi les laboratoires pharmaceutiques. « Passer en prescription médicale facultative (PMF) implique une perte de remboursement par la Sécurité sociale, ce qui oblige les laboratoires à repenser leur stratégie commerciale », souligne Luc Besançon. Certains y voient une opportunité de diversification, d’autres redoutent un marché moins stable et une baisse de la demande.
Vers une évolution en 2025 ?
Si plusieurs molécules pourraient être délistées dans les prochains mois, le rythme reste incertain. « Il faut trouver un équilibre entre sécurité et accessibilité. La santé publique y gagnerait, les pharmacies retrouveraient un rôle central et l’Assurance maladie économiserait des centaines de millions d’euros », martèle Luc Besançon.
- Biosimilaires : vers un taux de remise à 30 % ?
- Délistage : la France est-elle à contre-courant du reste de l’Europe ?
- Ménopause : un tabou qui tombe, un marché qui s’envole
- Ordonnances numériques : vous pouvez certainement les traiter mais ne le savez pas
- Déploiement de la carte Vitale numérique : les pharmaciens sont-ils prêts ?


