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Baisses de prix du médicament et des dispositifs médicaux : les officinaux trinquent
Depuis 2024, les coupes tarifaires se multiplient. Bas de contention (- 2 %), pansements hydrocellulaires (- 1,75 %), lecteurs d’autosurveillance glycémique (- 15 %) : aucun segment n’échappe à la décrue des prix. À l’échelle de l’année, ces ajustements représenteront une perte estimée à 130 millions d’euros en 2025.
Si le chiffre d’affaires des pharmacies semble se maintenir, ce n’est qu’un mirage. « L’augmentation des volumes masque en réalité une surcharge de travail, notamment sur les ventes liées à la perte d’autonomie. Ce sont des ventes exigeantes en logistique et en accompagnement, mais qui rapportent de moins en moins », explique Guillaume Racle, élu au bureau national de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Des marges qui coulent comme l’eau entre les doigts
La pression sur les prix des médicaments génériques alourdit encore la facture. En 2024, « En 2024, nous avons perdu 6 % sur le prix total des génériques, ce qui n’est pas énorme en soi puisque cela représente 3,5 millions d’euros de marge, mais avec la réduction des remises commerciales, la perte réelle atteint 20 millions d’euros », souligne Julien Chauvin, président de la commission économique de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
La situation devient d’autant plus intenable que l’inflation et les coûts de fonctionnement des officines ont continué de grimper. « Nous flottons à peine au-dessus du seuil de rentabilité. Si cette tendance se poursuit, certains confrères vont couler », alerte un pharmacien.
Un marché verrouillé, un horizon bouché
Les baisses de prix touchent principalement les dispositifs médicaux matures, ceux qui permettaient aux pharmaciens de maintenir un équilibre économique. En parallèle, les nouveaux dispositifs, souvent sous monopole, s’imposent avec des tarifs rigides, empêchant toute adaptation des marges.
La solution pourrait venir de l’application du droit de substitution des dispositifs médicaux, prévu dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Mais faute de publication de la liste des produits concernés, cette bouée de sauvetage reste hors de portée. « Si nous pouvions enfin substituer certains dispositifs, nous pourrions redonner un peu d’oxygène aux marges. Mais le lobbying des industriels bloque toute avancée », regrette Guillaume Racle.
Biosimilaires : un courant porteur ou un mirage ?
Face à l’assèchement des marges sur les génériques, l’essor des biosimilaires pourrait représenter une planche de salut. La Sécurité sociale mise sur ces alternatives pour économiser 7 milliards d’euros d’ici 2027, et le PLFSS 2025 prévoit des remises à l’achat pour ces médicaments.
Mais encore faut-il que les pharmaciens y trouvent leur compte. « Aujourd’hui, substituer un biosimilaire ne rapporte rien. Il est pourtant essentiel d’anticiper en nouant des contacts avec les fabricants pour comprendre les futures remises et se positionner », conseille Julien Chauvin.
Une tempête sociale en formation
Dernière menace en date : la réduction des remises sur les génériques envisagée par le gouvernement, pour compenser celles accordées sur les biosimilaires. Une décision qui pourrait assécher jusqu’à 12 % de la marge brute des officines.
« Si cette réforme passe, nous n’aurons pas d’autre choix que de descendre dans la rue », prévient Guillaume Racle. Une mobilisation que les syndicats pharmaceutiques envisagent comme une digue face à un projet perçu comme une faveur à l’industrie pharmaceutique, au détriment des pharmacies de proximité.
À contre-courant, mais jusqu’à quand ?
Entre baisses de prix, pression réglementaire et marges en chute libre, les pharmacies tentent de garder la tête hors de l’eau. « Jusqu’ici, nous pouvions nous repérer avec l’analyse du taux de TVA et des marges associées. Aujourd’hui, il faut plonger beaucoup plus en profondeur dans les chiffres pour anticiper les impacts économiques », explique David Syr, directeur générale adjoint de Gers Data.
Mais au-delà des comptes d’exploitation, c’est l’ensemble du système d’approvisionnement qui vacille. En détournant leurs stocks vers des marchés plus rémunérateurs, certains laboratoires fragilisent la distribution en France. Si l’on continue à brader les prix, le risque est clair : les pharmacies ne seront pas les seules à boire la tasse, c’est tout l’accès aux soins qui risque de prendre l’eau.
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