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L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
« La lutte contre la fraude n’est pas qu’un enjeu comptable. Elle touche aussi aux trafics et aux pénuries de médicaments. Mais qui est prêt à investir dans ces outils de détection ? Certes, l’e-prescription pourra réduire les fraudes. Mais alors qu’elle est censée se généraliser en 2025, je n’en ai exécuté aucune et son adoption à l’hôpital risque de prendre des années », constate Massy Bouhadoun, pharmacien adjoint à la Grande pharmacie de Belleville à Paris et créateur d’OrdoSafe, logiciel de détection de fausses ordonnances. « Or, la fraude par fausses ordonnances porte vraisemblablement sur des centaines de millions d’euros », poursuit-il. L’Assurance maladie, elle, affirmait en avoir détecté à hauteur de 7 millions d’euros en 2022 et 11,5 millions en 2023.
Asafo entre en piste
Pour tenter d’y remédier, la caisse primaire d’assurance maladie d’Île-de-France avait lancé, dès 2011, un logiciel destiné à recueillir les signalements d’ordonnances suspectes. Ce téléservice d’alerte sécurisée aux fausses ordonnances (Asafo) a été étendu en août 2024 à l’ensemble du territoire. Pour favoriser sa prise en main, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Assurance maladie s’étaient accordées sur une rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) exceptionnelle de 100 € en 2024, en contrepartie d’une connexion par semaine durant le mois de décembre 2024. En 2025, la Rosp sera de 100 € pour une connexion à la plateforme une fois par semaine pendant 46 semaines. Côté utilisation, d’août à mi-novembre, l’Assurance maladie comptait 2 900 ordonnances signalées, dont 1 462 frauduleuses confirmées, et entre 3 000 et 8 000 connexions de pharmaciens par semaine. Mais aux dires de nombreux officinaux, Asafo accuse quelques limites, puisqu’il s’agit d’une base de données passive. Elle ne fait que lister et publier les ordonnances reconnues fausses et enregistrer celles déclarées suspectes, via Amelipro et non par le logiciel métier, ce qui contraint l’officinal à jongler avec plusieurs fenêtres. Enfin, les pharmaciens rapportent de fréquents bugs lors de son utilisation.
Retrouver les IA au comptoir
Pour plus de fluidité, les syndicats et l’Assurance maladie regardent du côté des logiciels de gestion officinaux (LGO), qui eux-mêmes recourent aux IA. Ainsi, Cegedim, éditeur de Smart RX, qui a pris en novembre 2023 une participation majoritaire au capital de la start-up Phealing, et Equasens, éditeur de id. (ex Pharmagest), a annoncé en novembre 2024 un partenariat avec Posos. Conçues pour mener une analyse pharmacologique par extraction des données de l’ordonnance, ces IA peuvent aussi traiter celles liées à leur authenticité. Intégré dans les LGO Smart Rx, Leo, Pharmaland, Pharma Vitale et Pharmony, Phealing se dit techniquement prêt. « Nous pourrons vérifier la validité de l’ordonnance en temps réel et lancer une alerte immédiate. La cohérence entre l’authenticité du numéro répertoire partagé des professionnels de santé, l’adresse et le nom du prescripteur donne déjà un bon indicateur », explique Thibault Gausset, pharmacien et chef de projet chez Phealing, qui temporise cependant sur sa mise en service. « Le problème de la lutte contre la fraude tient à son financement. Qui a un intérêt pécuniaire à lui faire la chasse ? Qui peut investir ? Pour l’heure, peu de moyens sont apportés », déplore Massy Bouhadoun. Sa solution a cependant retenu l’attention de l’Assurance maladie qui souhaitait la tester à partir de mi-décembre 2024. « L’idéal serait qu’elle soit intégrée aux PC de la pharmacie. Mais ce qui se profile me laisse penser à une utilisation de l’IA en aval, pour détecter les fausses ordonnances une fois qu’elles lui ont été transmises, pas en amont, lors de leur scan à l’officine », poursuit-il. Pour ses analyses d’ordonnances, OrdoSafe explore les bases de données en ligne, détecte les documents falsifiés, et grâce au « machine learning », identifie les cas les plus problématiques. « Par exemple, quand un quidam se présente à 20 heures, sans carte Vitale, avec une adresse éloignée de l’officine et du prescripteur, pour un médicament cher, comme du Lyrica ou de l’Euphon utilisé pour des mélanges euphorisants… », détaille Massy Bouhadoun. Par l’ampleur des données et le choix des critères pour lancer l’alerte, ces IA appliquées à la fraude réservent des enjeux éthiques au moins aussi délicats que les questions financières.
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