Prévention d’une neutropénie chimio-induite chez Myriam H., 70 ans

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Prévention d’une neutropénie chimio-induite chez Myriam H., 70 ans

Publié le 26 février 2025
Par Maïtena Teknetzian
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Myriam H. va bénéficier d’une chimiothérapie à l’hôpital. En prévention d’une neutropénie, l’oncologue a prescrit un facteur de croissance granulocytaire qu’elle vient chercher à l’officine.

À savoir

Contexte

C’est quoi ? La neutropénie chimio-induite correspond à une diminution du nombre de polynucléaires neutrophiles (catégorie la plus nombreuse de globules blancs sur la numération de formule sanguine). Le taux de polynucléaires neutrophiles est normalement compris entre 1,8 et 7,7 giga/l, c’est-à-dire entre 1 800 et 7 700/mm3). Sous l’effet des cytotoxiques, qui bloquent aussi la division de cellules saines, le nombre de polynucléaires neutrophiles peut baisser.

Le risque de neutropénie dépend de la chimiothérapie, de ses doses, de l’âge du patient (un âge supérieur à 65 ans est un facteur de risque), de ses éventuels antécédents de neutropénie et de ses comorbidités (dénutrition, pathologies cardiovasculaires, insuffisance rénale…). Le sexe féminin augmente aussi le risque (source : « Neutropénie fébrile et cancer (prophylaxie) », Association francophone des soins oncologiques de support, juillet 2021).

En cas de neutropénie, les défenses immunitaires baissent et le patient est exposé à un risque d’infections potentiellement létales. La sévérité de la neutropénie dépend du taux de polynucléaires neutrophiles et de la présence de fièvre. La neutropénie fébrile est une urgence médicale.

La neutropénie chimio-induite est susceptible de compromettre le succès de la chimiothérapie car elle peut imposer une diminution des posologies, voire un arrêt transitoire du traitement.

Quelle prévention ? Après évaluation médicale du risque de neutropénie, la prévention repose sur l’administration de facteurs de croissance granulocytaires ou Granulocyte-colony stimulating factors (G-CSF). Elle s’accompagne de mesures d’hygiène générale.

Objectifs. L’objectif de cette prophylaxie est de réduire le risque de neutropénie fébrile et d’hospitalisation ainsi que la morbimortalité associée.

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Prescription

Service d’oncologie, centre hospitalier de la Croix Verte

Dr C.,
oncologue

Myriam H.,
née le 5 avril 1955
1m 66, 61 kg

Le 2 février 2025

Pegfilgrastim (Neulasta) 6 mg : 1 injection à faire le 3 février 2025.

Paracétamol 1000 mg : 1 boîte. 1 cp si douleurs après l’injection (3 cp/jour maximum).

Législation

Le pegfilgrastim est un médicament à prescription initiale hospitalière (valable trois mois).

Le médecin a prescrit Neulasta, mais il est possible de délivrer un biosimilaire (Cegfila, Fulphila, Grasutek, Nyprevia, Pelgraz, Pelmeg, Stimufend ou Ziextenzo).

En effet, depuis 2022, la substitution de biomédicaments à base de pegfilgrastim par un biosimilaire est possible (tout comme pour filgrastim, dans la même indication), à condition que le prescripteur ne s’y soit pas opposé par la mention « non substituable ».

Le médecin doit être informé de la substitution.

La dispensation doit être tracée en notant le nom du biosimilaire sur l’ordonnance et en l’enregistrant dans le dossier informatique du patient. Ce dernier a le droit de refuser la substitution sans avoir à renoncer au tiers payant.

Médicaments

Pegfilgrastim. Les facteurs de croissance granulocytaires se fixent sur les récepteurs au G-CSF présents sur les myéloblastes et favorisent la différenciation et la maturation des polynucléaires neutrophiles.

Le pegfilgrastim est une forme pégylée (ajout d’une molécule inerte de polyéthylène glycol ou PEG). Cette forme, dont l’élimination rénale est ralentie par rapport aux G-CSF non pégylés, permet d’espacer le rythme des administrations (une injection unique après chaque cycle de chimiothérapie contre une injection quotidienne pendant généralement cinq jours avec les formes non pégylées).

ParacétamolC’est un antipyrétique et un antalgique de palier I, prescrit pour corriger certains effets indésirables potentiels du pegfilgrastim tels que les douleurs osseuses ou les maux de tête.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Avez-vous compris à quoi sert l’injection qui vous a été prescrite ? », aborde le contexte de la prescription.

« Quand commencez-vous la chimio ? », permet de savoir si la date d’injection indiquée pour le pegfilgrastim est cohérente. L’injection doit être réalisée au moins 24 heures après la fin d’une cure de chimiothérapie pour une efficacité maximale (au plus tard dans les 72 heures).

« Où en êtes-vous de vos vaccinations ? », vérifie que la patiente est (ou sera) bien à jour avant le début de la chimiothérapie, les vaccins vivants étant contre-indiqués en cas d’immunodépression.

« Êtes-vous allée chez le dentiste ? », permet de s’assurer que la patiente a bien bénéficié d’un bilan dentaire, nécessaire pour limiter les portes d’entrée infectieuses.

« Qui fera l’injection ? », s’assure qu’une infirmière a été contactée ou que le patient ou un proche aidant a été formé à l’administration.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action. Le pegfilgrastim stimule la production de certains globules blancs par la moelle osseuse. Le paracétamol permettra, si besoin, de soulager certains effets indésirables du pegfilgrastim.

Effets indésirables. Le plus fréquemment, les G-CSF provoquent des douleurs et des rougeurs au site d’injection, des douleurs osseuses ou articulaires (10 à 30 % des cas), et des céphalées. Plus rarement, une pneumopathie interstitielle (toux, fièvre, dyspnée) et des manifestations d’hypersensibilité, qui imposent l’arrêt du traitement.

Utilisation des médicaments. Le pegfilgrastim se conserve au réfrigérateur entre + 2 et + 8 °C. C’est le mari de Myriam H. qui l’aidera à faire l’injection.

Il convient donc de donner certains conseils :

  • sortir le médicament du réfrigérateur environ 30 minutes avant l’injection, pour que celle-ci soit moins douloureuse ;
  • bien se laver les mains et désinfecter la zone d’injection ;
  • ne pas agiter la seringue ;
  • vérifier la limpidité de la solution ;
  • injecter au niveau de l’abdomen ou dans le haut du bras ou de la cuisse, et varier les sites à chaque injection.

Neulasta et ses biosimilaires sont présentés sous forme de seringues préremplies. La spécialité Pelgraz existe également en stylo injecteur, qui peut être apprécié des patients pour un meilleur confort d’injection.

Fournir une boîte Dasri pour jeter les aiguilles de la seringue préremplie.

Concernant le paracétamol, expliquer à Mme H. que sa prise ne doit surtout pas être systématique, mais seulement en cas de survenue de douleurs liées au pegfilgrastim.

Le cas échéant, il ne faudra pas le prendre en continu sur la journée, pour éviter de masquer une fièvre, évocatrice de neutropénie fébrile.

J’accompagne

Prévenir le risque infectieux. Rappeler à Mme H. d’appliquer les gestes barrières (port du masque, utilisation de gel hydroalcoolique…), de se laver soigneusement et régulièrement les mains, d’éviter les endroits très fréquentés. Insister sur l’importance d’une bonne hygiène buccodentaire.

Lui recommander de bien laver ses crudités et de peler ses fruits et légumes, de bien cuire sa viande et d’éviter de consommer des pâtisseries à base de crème, de la mayonnaise, des fromages au lait cru, de la charcuterie à la coupe, des fruits de mer crus, sources d’infections.

Lui donner des conseils pour prévenir les mucites (ulcérations de la muqueuse buccale liée aux anticancéreux, susceptibles de se compliquer d’infections dans un contexte de neutropénie) :

  • éviter les aliments acides, épicés, le gruyère ou les noix qui favorisent les aphtes, ainsi que les aliments croquants ou trop chauds qui peuvent léser la muqueuse buccale ;
  • sucer des glaçons ou des glaces pour diminuer, par vasoconstriction, l’effet local de la chimiothérapie ;
  • après un vomissement, se rincer la bouche à l’eau froide.

Reconnaître des signes infectieux. Apprendre à Mme H. à reconnaître les signes d’une éventuelle infection : hyperthermie, maux de gorge, diarrhées persistantes…

Une hyperthermie sous chimiothérapie ne doit jamais être banalisée mais être considérée comme un signe d’une potentielle infection bactérienne et mener à une consultation urgente en vue de l’instauration rapide d’une antibiothérapie à large spectre.

Vente associée. Proposer un thermomètre à Mme H. (déconseiller la prise de température par voie rectale qui peut léser la muqueuse et exposer aux risques d’infection et de saignements) et une brosse à dents ultra-souple (7/100) pour limiter le risque de léser les gencives. 

La patiente me demande

« À partir de quelle température dois-je considérer que j’ai de la fièvre ? »

D’après l’Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos), se basant sur les critères de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo), la fièvre est définie par :

  • une température supérieure ou égale à 38,3 °C sur une seule mesure ;
  • ou une température supérieure ou égale à 38 °C sur 2 mesures en moins de 2 heures.