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© Getty Images
Diabète de type 2 : la course à l’armement des analogues du GLP-1
Depuis l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de l’exénatide (Byetta, commercialisation arrêtée) en novembre 2006, l’eau a coulé pour les agonistes du récepteur du GLP-1 (arGLP-1)1. D’abord biquotidienne, puis quotidienne, leur administration injectable en sous-cutané est désormais hebdomadaire. Largement utilisés, les médicaments les plus récents incluent le dulaglutide (Trulicity) et le sémaglutide (Ozempic), aux puissants effets antihyperglycémiants. « Grâce à ces médicaments, il est possible de retarder la mise sous insuline des patients. Chez certains d’entre eux qui étaient déjà sous insuline, on a même pu diminuer le nombre d’injections, voire arrêter complètement le traitement par insuline. Cette classe thérapeutique constitue une révolution dans la prise en charge », explique la Pre Ariane Sultan, cheffe du service nutrition-diabète du centre hospitalier universitaire de Montpellier (Hérault).
Défense du cœur
Mais le principal atout des arGLP-1 réside dans leur effet protecteur vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, en prévention primaire ou secondaire. « Il s’agit d’un “effet molécule”. Ces médicaments permettent de réduire le risque d’événement cardiovasculaire, de manière indépendante de leurs effets sur l’hémoglobine glyquée. C’est une évolution importante dans l’approche du diabète de type 2 », ajoute Ariane Sultan.
Par ailleurs, les arGLP-1, à de plus hautes doses, engendrent une importante perte de poids – frôlant les 25 % pour certains traitements en cours de développement – se rapprochant de la fourchette de 30 à 60 % observée dans la chirurgie bariatrique. Au-delà du diabète, le liraglutide (Victoza dans le diabète, Saxenda dans l’obésité), le sémaglutide (Wegovy dans l’obésité) et le tirzépatide (Mounjaro, double agoniste des récepteurs du GLP-1 et du GIP) sont également indiqués dans la prise en charge de l’obésité, bien qu’aucun ne soit encore remboursé en France dans ce cadre.
Également en vogue, les inhibiteurs du SGLT2 (gliflozines), de prise orale. Si leur effet est moindre que les arGLP-1 sur le contrôle glycémique et la perte de poids, ils présentent des bénéfices cardiovasculaires, mais également rénaux, là aussi de manière indépendante de la baisse d’hémoglobine glyquée. Raison pour laquelle certains iSGLT2 (dapagliflozine/Forxiga, empagliflozine/Jardiance) sont indiqués, en dehors du diabète, dans l’insuffisance cardiaque et la maladie rénale chronique.
Bien que les arGLP-1 et les iSGLT2 aient le vent en poupe, la metformine demeure le traitement sine qua non du diabète de type 2, notamment en monothérapie de première intention, de même que les modifications du mode de vie. L’usage de l’une ou l’autre de ces deux classes est toutefois recommandé en première intention, mais toujours en association avec la metformine, notamment en cas d’antécédent ou de risque cardiovasculaires, d’insuffisance cardiaque, de maladie rénale chronique ou d’obésité, selon de récentes recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS, 2024) et de la Société francophone du diabète (SFD, 2023).
Une place stratégique
La place centrale de la metformine dans la stratégie thérapeutique devrait être prochainement débattue. « Elle fera partie des sujets auxquels nous devrons réfléchir, lors de la prochaine prise de position de la SFD sur les traitements du diabète de type 2, prévue en décembre 2025 », explique le Pr Patrice Darmon, chef du service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition de l’hôpital de la Conception (centre hospitalier universitaire de Marseille, Bouches-du-Rhône), qui coordonne ce travail.
Selon lui, « la metformine est un vieux médicament qui ne coûte rien, dont on connaît bien l’efficacité et le profil de tolérance, et l’un des rares qui diminuent l’insulinorésistance de nos patients. Mais ses bénéfices cliniques, en particulier cardiovasculaires, sont d’un faible niveau de preuve, par rapport aux molécules plus modernes, arGLP-1 ou iSGLT2. Les sociétés savantes internationales2 préconisent désormais d’utiliser ces médicaments à visée de protection cardiovasculaire et rénale, indépendamment de la prescription de metformine. Le débat sur la place de la metformine est donc légitime. De plus, les critères actuels de remboursement des arGLP-1 imposent qu’ils soient associés à la metformine. Ce qui n’est pas sans poser problème, car près de 20 % des patients la tolèrent mal ».
Au-delà de la place de la metformine, l’avènement d’antidiabétiques aux effets cardio et néphroprotecteurs pourrait avoir d’autres conséquences sur les pratiques. Selon Patrice Darmon, « on sent poindre çà et là une remise en cause de l’intérêt de l’équilibre glycémique. La protection cardiovasculaire et rénale est essentielle, mais elle ne doit pas faire oublier la recherche d’un contrôle glycémique optimal afin de réduire le risque de complications microvasculaires, telles que la rétinopathie, la neuropathie, la néphropathie, les plaies du pied. Pour les complications macrovasculaires, les bénéfices d’un équilibre glycémique sont moins immédiats, et leur survenue dépend largement d’autres facteurs, dont la tension artérielle, le LDL cholestérol ou le tabac ».
Certains effets indésirables… et d’autres inattendus
Les effets indésirables des arGLP-1 les plus fréquents sont d’ordre gastrointestinal (nausées, diarrhées, vomissements) et s’estompent le plus souvent après quelques semaines de traitement. Quant aux idées suicidaires, dont plusieurs cas ont été rapportés, rien ne permet de conclure à un lien de causalité, a estimé l’Agence européenne des médicaments (EMA) en avril 2024. Selon les experts interrogés, cet effet pourrait être lié à la déstabilisation psychologique engendrée par une rapide perte de poids, également observée à la suite d’une chirurgie bariatrique. Autre effet de la perte pondérale, un risque de sarcopénie et de dénutrition. Raison pour laquelle les diabétologues préfèrent utiliser d’autres molécules chez les patients âgés et fragiles.
Au-delà de l’équilibre glycémique, de la protection cardiovasculaire et de la perte de poids, les arGLP-1 pourraient encore réserver des surprises. Différents travaux ont suggéré des effets préventifs vis-à-vis de diverses affections liées au surpoids et à l’obésité, dont plusieurs cancers, l’arthrose du genou, l’apnée du sommeil, la stéatose hépatique. Publiée fin janvier, une grande étude américaine a également révélé une baisse du risque d’addictions, de troubles psychotiques, mais aussi d’infections bactériennes. En raison de leur nature observationnelle, ces travaux ne permettent pas de conclure à un lien de causalité. Dans la maladie d’Alzheimer, contre laquelle un effet protecteur du sémaglutide a été mis en évidence par des études observationnelles, ce médicament est actuellement évalué en phase 3 dans les formes précoces.
Selon Jean-François Thébaut, vice-président de la Fédération française des diabétiques (FFD) et cardiologue à la retraite, « nous sommes dans une phase de constat, nous verrons bien ce qui sortira de tout cela. Y a-t-il un lien entre ces médicaments et la diminution de risque de certaines maladies, indépendamment de la perte de poids ou de l’équilibre glycémique ? C’est la fameuse question que l’on se pose déjà pour les statines, et que nous n’avons toujours pas résolue : est-ce le fait de faire baisser le cholestérol qui réduit le risque cardiovasculaire, ou est-ce un effet de la statine elle-même ? ».
Des doubles et triples agonistes
D’autres arGLP-1 devraient prochainement arriver sur le marché. Autorisé dans l’Union européenne en septembre 2022, le tirzépatide, double agoniste du GLP-1 et du GIP, offre des effets encore plus puissants, sur le diabète comme sur la perte de poids, mais n’est remboursé en France dans aucune de ces indications. En cause, le manque de données quant à d’éventuels bienfaits cardiovasculaires – une étude clinique comparant le tirzépatide au dulaglutide est en cours. Dans cette « course à l’armement », dont l’objectif semble moins antidiabétique que pondéral, d’autres molécules devraient suivre au cours des prochaines années, dont des doubles et des triples agonistes (GLP-1, GIP, glucagon).
« Ce que nous attendons de l’avenir, ce sont, bien sûr, des médicaments toujours plus efficaces, voire des traitements qui permettraient enfin de guérir du diabète, au-delà de la rémission, ajoute Jean-François Thébaut. Mais avant cela, nous espérons des traitements qui allègent le fardeau de la maladie. Par exemple, l’insuline hebdomadaire3, qui sera bientôt commercialisée. Ce sont de petites avancées, mais elles sont très importantes pour les patients. »
1 GLP-1 : glucagon-like peptide 1 ; GIP : glucose-dependent insulinotropic polypeptide ; SGLT2 : sodium/glucose cotransporter 2.
2 En particulier l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) et l’American Diabetes Association (ADA), dans leurs recommandations conjointes de 2022.
3 La première insuline hebdomadaire, l’insuline icodec (Awiqli), a obtenu une AMM européenne en mai 2024 dans les diabètes de type 1 et 2. Une autre, l’insuline efsitora alfa, est en cours de développement, avec des résultats positifs de phase 3 publiés en septembre 2024.
À retenir
- L’arrivée de nouveaux médicaments, en particulier les agonistes du récepteur du GLP-1 (arGLP-1), bouleverse la prise en charge du diabète de type 2 et conduit à repenser les stratégies thérapeutiques.
- De manière inédite pour des antihyperglycémiants, ces médicaments sont efficaces en prévention cardiovasculaire, sur la perte de poids… et peut-être plus.
- La recherche clinique bat son plein pour trouver de nouveaux agents encore plus efficaces, avec un accent mis sur l’obésité.
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