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Financiarisation des soins : vers un tournant ?
L’actualité juridique de la fin de l’année 2024 a été marquée par un arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 20241 qui a clarifié plusieurs aspects déterminants concernant un des sujets brûlants : la régulation de la financiarisation de l’offre de soins. Une semaine plus tard, la commission des affaires sociales présentait un rapport d’information contenant 18 propositions destinées à mieux encadrer ce phénomène croissant, afin de garantir l’indépendance des professionnels de santé tout en favorisant un dynamisme économique dans le secteur.
N’importe qui peut détenir des obligations convertibles en actions avant conversion
La Cour de cassation a, dans son arrêt du 18 septembre 2024, apporté plusieurs précisions importantes sur la régulation de la financiarisation de l’offre de soins, notamment le financement de pharmacie en obligations convertibles en actions (OCA) émises par les sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées (Selas). Le litige concernait une Selas de pharmaciens d’officine présidée par un titulaire. Cette société a émis des OCA qui ont ensuite été cédées à des tiers ne remplissant aucun des critères pour détenir des titres de pharmacie. La Selas et le titulaire ont contesté cette cession, car, selon eux, elle violait le principe d’indépendance professionnelle des pharmaciens titulaires d’officine. Ils ont donc demandé l’annulation des contrats d’émission des OCA, soutenant que la détention de ces titres par des entités non autorisées contrevenait aux règles de détention du capital des SEL.
L’arrêt a confirmé que les OCA émises par une Selas de pharmaciens d’officine conservent la nature de titres de créance tant qu’elles ne sont pas converties en actions. Cela signifie qu’elles ne doivent pas être prises en compte pour apprécier le respect des conditions réglementaires de détention du capital de ces sociétés. Si cette décision réaffirme le principe d’indépendance professionnelle du pharmacien titulaire de l’officine, elle confirme également que l’analyse selon laquelle la détention de titres de créance par des entités non autorisées ne contrevient pas aux règles de détention du capital tant que ces titres ne sont pas convertis en actions. Enfin, l’arrêt souligne l’importance de la conformité des pratiques de financement des Selas aux dispositions légales en vigueur, dont celles relatives à la détention du capital par des personnes autorisées.
Quand l’indépendance du professionnel de santé est remise en cause, la commission propose…
La financiarisation de l’offre de soins est un phénomène croissant qui suscite de nombreuses préoccupations parmi les professionnels de santé et les décideurs politiques. La commission des affaires sociales a engagé une mission d’information sur la financiarisation de l’offre de soins, afin d’évaluer ce phénomène et ses conséquences sur le système de santé en janvier 2024. Elle a présenté ses conclusions le 25 septembre dernier.
Les assouplissements successifs du cadre juridique ont favorisé la financiarisation en permettant à des investisseurs extérieurs aux sociétés d’exercice libéral (SEL) d’entrer au capital dans de nouveaux secteurs de l’offre de soins, dont les laboratoires de biologie médicale et les pharmacies d’officine mais également les centres d’imagerie, dentaires et ophtalmologiques.
Pour garantir l’indépendance des professionnels de santé, la commission prône un meilleur encadrement du capital et de la gouvernance des sociétés en particulier par un ajustement des règles de détention des droits sociaux et des droits de vote au sein des SEL et en mettant fin aux « détournements du système des actions de préférence appliqué aux SEL des professions de santé ». Elle aspire également à une réglementation plus stricte de l’intervention des acteurs financiers, notamment afin « d’empêcher les investissements purement spéculatifs et prévenir le retrait non anticipé de capitaux. Par exemple, en fixant une durée minimale d’investissement dans le capital des SEL ».
Parmi ses propositions figure le renforcement du contrôle ordinal et juridictionnel, à travers l’insertion dans la loi de la notion de « contrôle effectif » sur les sociétés des professionnels y exerçant. L’objectif serait d’arrêter une position limpide et commune avec les ordres, les sociétés et les syndicats de professionnels de santé sur le fonctionnement des SEL pour s’assurer que les professionnels disposent du contrôle effectif des sociétés d’exercice.
La commission compte sur l’adaptation du périmètre des documents contractuels qui doivent être transmis aux ordres concernés avec une analyse de ces documents pour s’assurer du respect de l’indépendance professionnelle. Les propositions de la commission laissent à penser qu’un contrôle accru pourra se déployer, en partie grâce aux ordres professionnels, pour limiter les dérives de cette financiarisation. L’Ordre national des pharmaciens, dans sa lettre institutionnelle publiée la semaine dernière2, confirme sa volonté d’être un acteur stratégique dans cette évolution.
Un nouveau rapport attendu en 2025
L’arrêt de la Cour de cassation comme le rapport de la commission des affaires sociales mettent en lumière les enjeux complexes de la financiarisation de l’offre de soins entre le respect des principes fondamentaux tels que l’indépendance professionnelle des pharmaciens d’officine, la nécessité d’autoriser des financements de tiers et l’encadrement de ces pratiques de financement pour préserver l’éthique et la qualité des soins.
L’année 2025 devrait donc apporter de nouvelles réponses, notamment avec les résultats des travaux en cours, dont le rapport de la mission Igas/IGF3 attendu en mars prochain.
1 Cass. com., 18 septembre 2024, n° 22-23.054.
2 « La lettre institutionnelle » n° 21, janvier 2025, Ordre national des pharmaciens.
3 Inspection générale des affaires sociales/inspection générale des finances.
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