Savoirs Réservé aux abonnés

L’hépatite C

Publié le 1 juin 2018
Par Nathalie Belin
Mettre en favori

L’infection par le virus de l’hépatite C évolue dans environ 80 % des cas. Silencieuse, elle est l’une des principales causes de cirrhose, de cancer du foie et de transplantation hépatique, mais c’est également une maladie chronique qui peut guérir. Prévenir, dépister et insister sur l’observance sont capitaux.

La maladie

Définition

• L’hépatite C est une inflammation des cellules du foie, causée par le virus de l’hépatite C appelé VHC. Sa sévérité dépend de l’étendue de l’atteinte des cellules hépatiques (hépatocytes).

• Elle peut être aiguë, ou chronique lorsqu’elle dure plus de six mois.

• La gravité de l’hépatite C est liée à son passage fréquent à la chronicité (60 à 80 % des cas), avec le développement d’une fibrose (voir Dico+) plus ou moins importante, sorte de « cicatrice » fibreuse des hépatocytes atteints. Elle peut évoluer vers la cirrhose, une désorganisation de l’architecture du foie, et ses complications, ou le décès.

Physiopathologie

Virus de l’hépatite C

Structure

Le VHC est un virus à ARN (acide ribonucléique) de la famille des Flaviviridae, exclusivement humain. L’ARN viral code pour une polyprotéine unique. Elle sera clivée en plusieurs protéines fonctionnelles qui interviennent dans la multiplication du virus : protéase NS3A/NS4A, ARN polymérase NS5B, protéine NS5A. Ces régions de l’ARN viral sont les cibles principales des nouveaux antiviraux du VHC.

Variabilité génétique

Publicité

• Le VHC présente une grande variabilité génétique et un fort potentiel de mutation spontanée. Il existe au moins huit génotypes, numérotés de 1 à 8, et plusieurs sous-types. Ceci explique le haut pourcentage de passage à la chronicité, la difficulté de mise au point d’un vaccin efficace et les nombreux échappements aux traitements jusqu’à l’arrivée de nouveaux antiviraux.

• En France, le génotype 1 est le plus fréquent (environ 60 %), suivi du génotype 3 (environ 15 %), « à l’origine des atteintes hépatiques les plus sévères », souligne le professeur Victor de Lédinghen, hépato-gastro-entérologue au CHU de Bordeaux (33).

Tropismes hépatique et lymphocytaire

• Le VHC présente un fort tropisme pour les cellules hépatiques, comme les autres virus à l’origine d’hépatites. Il induit la formation de lésions à l’origine d’une fibrose hépatique, qui résulte de la multiplication du virus à l’intérieur de ces cellules, mais aussi de la réponse immunitaire de l’hôte (voir ci-dessous).

• Le VHC présente également un tropisme pour les lymphocytes B et T et les monocytes, expliquant les manifestations extra-hépatiques observées lors de l’évolution de la maladie.

Réponse immunitaire de l’hôte

• Dès les premiers jours de l’infection, l’organisme développe une réponse à l’agression virale mettant en jeu tous les acteurs du système immunitaire : réponse cellulaire avec intervention des lymphocytes T CD4 et CD8 cytotoxique, et réponse humorale faisant intervenir les lymphocytes B avec production d’anticorps. Toutefois, la réplication rapide du virus et sa forte variabilité « atténuent » cette réponse immunitaire, expliquant le passage à la chronicité de l’infection chez environ 80 % des patients.

• Les lymphocytes T cytotoxiques reconnaissent les hépatocytes infectés, ce qui déclenche la sécrétion de cytokines telles que les interleukines, les interférons… à l’origine de l’inflammation chronique du foie.

• En interférant avec les lymphocytes B, le virus induit leur prolifération et la production d’anticorps, dont certains peuvent former des complexes circulants à l’origine d’une cryoglobulinémie (voir Dico+ p. 26).

• L’activation constante des lymphocytes et monocytes par le virus est aussi à l’origine d’une inflammation chronique de l’organisme expliquant des manifestations extra-hépatiques : fatigue et, au long cours, troubles neurocognitifs, risque de diabète non insulino-dépendant…

Transmission

• Le VHC se transmet principalement par le sang. L’usage de drogues par voie intraveineuse ou nasale, avec partage de matériel à injection ou à sniffer, représente le mode de contamination le plus fréquent dans les pays industrialisés. Avant 1992, les principales sources de contamination étaient les transfusions sanguines.

• Une transmission par le biais d’objets contaminés suite à une effraction cutanée est possible : tatouage, piercing… La contamination entre personnes vivant sous le même toit est rare mais possible via le partage de rasoir, brosse à dents…

• Le risque de transmission sexuelle est estimé à moins de 1 % chez les couples hétérosexuels stables mais est accru par la présence de lésions cutanées ou muqueuses suite à des rapports traumatiques, notamment en cas de pénétration anale, de multiplication de partenaires…

L’ARN du virus de l’hépatite C n’est pas retrouvé dans les sécrétions vaginales et très rarement dans le sperme.

• La transmission mère-enfant, principalement durant l’accouchement, est faible, de l’ordre de 5 %, mais elle est multipliée par quatre en cas d’infection associée par le VIH.

Facteurs de risque

Outre les comportements à risque ci-dessus, il s’agit notamment des personnes originaires de zones à forte prévalence du VHC – Afrique, Asie, Amérique du Sud -, séropositives pour le VIH et de personnes en précarité sociale.

Signes cliniques

Infection aiguë

• Elle survient après une durée d’incubation très variable, de quelques jours à sept ou huit semaines, voire plus. L’infection est asymptomatique dans 80 % des cas. Dans 20 % des cas, des urines foncées et un ictère témoignent d’une atteinte hépatique (voir Info+ bilirubine p. 31).

• Asthénie, syndrome pseudo-grippal, arthralgies et nausées sont parfois présents.

• Les formes fulminantes sont exceptionnelles, mais des signes d’encéphalopathie hépatique – somnolence, troubles de la conscience, etc. – doivent alerter.

• 20 % environ des personnes infectées évoluent vers la guérison. « Cette mutation spontanément favorable est associée à certains facteurs comme une infection aiguë symptomatique, avec présence d’un ictère, et un âge jeune au moment du diagnostic », explique le Pr de Lédinghen.

• Après guérison, l’immunité acquise n’est pas protectrice. Une réinfection, notamment par un autre génotype, est possible.

Infection chronique

• Une hépatite chronique se définit par la persistance de la virémie, avec détection de l’ARN viral au-delà de six mois. L’évolution de l’atteinte hépatique au cours d’une hépatite C est généralement lente et les patients restent très longtemps asymptomatiques, mais des facteurs accélèrent la progression de l’atteinte hépatique et le développement de la fibrose (voir Évolution).

• Des manifestations extra-hépatiques peuvent survenir : asthénie, myalgies, arthralgies, prurit… La cryoglobulinémie mixte est caractérisée par la triade clinique purpura cutané, arthralgies et asthénie. Elle peut également être à l’origine de manifestations neurologiques, telle une polyneuropathie périphérique, ou rénales, avec glomérulonéphrite.

• D’autres manifestations extra-hépatiques semblent associées à l’infection chronique par le VHC : syndrome sec buccal et/ou oculaire, atteintes cardio-vasculaires (hypertension artérielle…), dysthyroïdie, risque accru de diabète non insulino-dépendant, risque d’apparition d’un lymphome. Ces manifestations sont en lien avec l’inflammation chronique et l’activation lymphocytaire.

Évolution

• La progression de l’atteinte hépatique est très variable d’un patient à l’autre. L’âge au moment de la contamination (> 40 ans), le sexe masculin, une surconsommation d’alcool, les co-infections virales VHB ou VIH, le syndrome métabolique avec surpoids ou obésité, diabète, hypertension, dyslipidémie, un génotype 3, sont associés à une progression plus rapide de la fibrose.

• Le risque de cirrhose concerne 20 à 30 % des patients après vingt ou trente ans d’évolution de la maladie. La cirrhose est le stade ultime de la fibrose hépatique. Le tissu fibreux est en quantité importante et beaucoup d’hépatocytes ne sont plus fonctionnels. Toutefois, diagnostiquée et prise en charge précocement, la cirrhose peut être réversible. En l’absence de prise en charge, elle peut conduire à des complications. On parle alors de cirrhose décompensée, avec hémorragies digestives suite à la rupture de varices œsophagiennes, à une ascite, qui est une accumulation de liquide dans le péritoine, à une encéphalopathie hépatique liée à l’accumulation de substances toxiques normalement éliminées par le foie, et à un risque important d’hépatocarcinome dont l’incidence annuelle – nombre de nouveaux cas – est de 3 à 5 % à partir de la constitution de la cirrhose.

Diagnostic

Du fait du caractère silencieux de l’infection, le diagnostic est le plus souvent posé lors d’un bilan biologique de routine qui révèle une hépatite chronique C. Peu de patients sont diagnostiqués à la phase aiguë de l’infection.

Dans tous le cas, des tests hépatiques perturbés, un ictère ou une asthénie inexpliquée, notamment dans les populations à risque, doivent inciter à dépister une hépatite C.

Sérologie et recherche de l’ARN viral

Hépatite C aiguë

Sa suspicion fait rechercher l’ARN viral et les anticorps anti-VHC sur sang veineux.

• La recherche de l’ARN viral est détectable dès la première semaine suivant la contamination.

• L’infection est confirmée par l’apparition des anticorps (Ac) anti-VHC, recherchés par un test Elisa sur sang veineux dosé plusieurs semaines après, environ soixante-dix jours, car ils apparaissent tardivement. La présence d’ARN viral sans anticorps est donc évocatrice d’une hépatite C aiguë récente.

Hépatite chronique C

Le diagnostic est posé devant la mise en évidence des Ac anti-VHC sur sang veineux et de l’ARN viral qui est quantifié. Trois mois après une prise de risque environ, l’absence d’anticorps anti-VHC élimine le risque d’infection. « La détermination du génotype du VHC n’est plus nécessaire avec l’utilisation d’une combinaison d’antiviraux pangénotypiques, c’est-à-dire actifs sur tous les génotypes du VHC », précise le Pr de Lédinghen. Si l’ARN viral est indétectable en présence d’Ac anti-VHC, il s’agit d’une infection guérie.

Tests rapides d’orientation diagnostique

• Disponibles dans des structures de soins type Caarud (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) ou dans certaines associations, les TROD offrent un résultat en 30 minutes environ.

• Ils détectent les Ac anti-VHC sur un prélèvement de sang capillaire au bout du doigt. Un Trod limite le risque de « perdus de vue » associé au délai d’attente du dépistage classique, certains ne revenant pas chercher leurs résultats.

• En cas de positivité, le diagnostic est confirmé par une sérologie du VHC sur sang veineux.

Interrogatoire

Il fait le bilan des conduites addictives et de l’usage de drogues, évalue la consommation d’alcool et les comorbidités comme le diabète, le surpoids ou l’obésité, l’hypertension, etc., liste les médicaments pris, y compris l’automédication et la consommation de pamplemousse ou d’orange sanguine, afin de rechercher des traitements potentiellement hépatotoxiques et/ou des risques d’interactions avec les antiviraux.

Examen clinique

Il recherche des manifestations extra-hépatiques de l’infection et des signes d’atteinte hépatique : œdèmes des membres inférieurs, ictère, hépatomégalie à la palpation…

Bilan biologique

Hépatite aiguë

Le bilan hépatique retrouve une élévation souvent importante des transaminases ALAT (voir Dico+), plus de dix fois supérieure aux valeurs normales, même en l’absence d’ictère.

Hépatite chronique

Le bilan comporte notamment une numération formule sanguine (NFS) et plaquettes, un bilan hépatique révélant en général une élévation modérée et fluctuante des transaminases, et un bilan rénal. Une sérologie VHB et VIH est recommandée. Le dosage de l’alpha-fœtoprotéine fœtale (voir Dico+ p. 28) est réalisé dans le cas de la surveillance d’une cirrhose et du risque de carcinome hépatocellulaire.

Évaluation du degré de fibrose

• Des méthodes non invasives évaluent la sévérité de l’atteinte hépatique. L’élastométrie (Fibroscan, voir Dico+ p. 29) et les tests sanguins, tels Fibrotest et Fibromètre, mesurent différents marqueurs indirects de la fibrose : ALAT, bilirubine totale (voir Info+ p. 31)… Ces méthodes évitent une biopsie hépatique, qui n’est plus réalisée que dans des cas particuliers : discordance entre les tests non invasifs, autre hépatopathie associée.

• Les résultats permettent d’établir le score Metavir. Celui-ci rend compte de l’importance des lésions hépatiques, avec F0 : pas de fibrose ; F1 : fibrose minime ; F2 : fibrose modérée ; F3 : fibrose extensive ; F4 : cirrhose, et de l’activité nécrotico-inflammatoire, avec A0 : absence d’activité ; A1 : activité minime ; A2 : activité modérée ; A3 : activité sévère.

Imagerie

L’échographie abdominale recherche des signes d’hypertension portale. En cas de cirrhose, elle est recommandée deux fois par an pour dépister un carcinome hépatocellulaire.

Suivi

Les traitements permettent désormais de guérir d’une hépatite C en quelques semaines. Aucun suivi n’est nécessaire sauf dans les cas suivants.

• Persistance de comportements à risque : usagers de drogues actifs, comportements sexuels traumatiques, exposant au risque de réinfection. Une recherche régulière de la charge virale du VHC doit alors être proposée individuellement.

• Maladie hépatique sévère, telles une fibrose de stade F3, une cirrhose, ou comorbidités hépatiques, telle une consommation d’alcool, ou un syndrome métabolique. Un suivi semestriel avec dosage de l’alpha-fœtoprotéine et échographie abdominale s’impose pour surveiller le risque de lésions hépatiques et d’hépatocarcinome. Une prise en charge de ces comorbidités est nécessaire.

Prévention

Elle concerne essentiellement les toxicomanes. La toxicomanie est le mode de contamination principal via l’échange du matériel : seringues, cuillère, cupule, pailles pour les produits à sniffer… Les salles de consommation à moindre risque ont réduit la transmission de l’hépatite C dans différents pays où elles sont testées depuis plusieurs années. Les programmes d’échange de seringues et de matériel via les officines sont un outil de prévention indéniable.

Son traitement

Objectif

• Le but est la guérison du patient. À la différence d’autres infections virales chroniques, comme l’hépatite B ou l’infection par le VIH, il n’y a pas de réservoir viral, donc pas de risque de réactivation de l’infection, même suite à une immunosuppression puissante.

• La guérison assure une réduction de la fibrose hépatique et de la cirrhose, s’il s’agit de lésions précoces, donc une diminution du risque d’hépatocarcinome, en l’absence de facteurs de risque associés tels qu’alcool, diabète, dyslipidémie… Elle permet la disparition des manifestations extra-hépatiques liées au virus, y compris la rémission des lymphomes.

• Une régression de la cirrhose est possible alors qu’auparavant on pensait que ce stade induisait des lésions irréversibles. Cette régression est liée aux capacités régénératives du foie. La présence de comorbidités telles que syndrome métabolique, alcool, VHB… limite ce phénomène, d’où l’importance de les contrôler.

Parcours de soins

Depuis janvier 2017, le traitement est pris en charge pour tous les patients atteints d’une hépatite C chronique. Afin de faciliter la prise en charge et d’accélérer l’éradication de l’hépatite C, les dernières recommandations(1) préconisent la prescription des antiviraux du VHC par tout médecin. Dans ce but également, leur dispensation est simplifiée, avec une délivrance désormais effectuée par les pharmacies de ville.

Stratégie thérapeutique

• Le traitement repose sur une combinaison d’antiviraux d’action directe appelés les « nouveaux antiviraux » le plus souvent durant huit à douze semaines. La ribavirine n’est plus utilisée que chez des patients en échec thérapeutique et/ou ayant une cirrhose décompensée.

• Le traitement antiviral est également recommandé chez les patients diagnostiqués au stade d’hépatite C aiguë pour diminuer le risque de contamination de l’entourage selon les mêmes schémas thérapeutiques qu’en chronique.

Traitement de première ligne

Il repose sur les associations pangénotypiques suivantes : Epclusa (sofosbuvir, velpatasvir) pendant douze semaines ou Marivet (glecaprévir, pibrentasvir) durant huit à douze, voire seize semaines. Selon le risque d’interactions médicamenteuses, d’autres stratégies sont utilisables en première ligne : par exemple, Harvoni (sofosbuvir, lédipasvir) ou Zepatier (grazoprévir, elbasvir).

Suivi

• La charge virale doit être mesurée douze semaines après l’arrêt du traitement. Si elle est indétectable, le patient est considéré en réponse virologique soutenue (RVS), donc guéri.

• La persistance de comportements à risque expose au risque de réinfection ; une recherche régulière de la charge virale du VHC doit alors être proposée.

• Chez les patients avec une maladie hépatique sévère, telles une fibrose de stade F3 et une cirrhose, ou des comorbidités hépatiques – consommation d’alcool et syndrome métabolique notamment -, un suivi semestriel avec dosage de l’alpha-fœtoprotéine et échographie abdominale s’impose pour surveiller le risque de lésions hépatiques et d’hépatocarcinome.

• Dans tous les cas, une prise en charge des comorbidités hépatiques, tels une consommation d’alcool et un syndrome métabolique, s’avère nécessaire.

En cas d’échec

La deuxième ligne de traitement repose notamment sur la combinaison sofosbuvir, velpatasvir, voxilaprévir (Vosevi) durant douze semaines. La ribavirine est parfois recommandée en association aux antiviraux d’action directe.

Médicaments

Antiviraux d’action directe

Ils se répartissent en trois classes principales

• Inhibiteurs NS5B

→ Dénomination/molécules. DCI se terminant en -buvir : sofosbuvir, dasabuvir.

→ Mode d’action : ils inhibent la polymérase NS5B du virus, essentielle à la réplication de l’ARN viral.

• Inhibiteurs NS5A

→ Dénomination/molécules. DCI se terminant en -asvir : daclatasvir, lédipasvir, elbasvir, ombitasvir, velpatasvir, pibrentasvir.

→ Mode d’action : ils inhibent la protéine NS5A, enzyme intervenant dans la réplication de l’ARN viral et l’assemblage de nouveaux virions.

• Inhibiteurs NS3/4A

→ Dénomination/molécules. DCI se terminant en -prévir : siméprévir, grazoprévir, paritaprévir (en association dans Viekirax à l’ombitasvir et au ritonavir, inhibiteur enzymatique qui vise à augmenter l’exposition systémique au paritaprévir), glécaprévir, voxilaprévir.

→ Mode d’action : ils inhibent la protéase NS3/4A intervenant dans le clivage des protéines issues de la traduction de l’ARN viral.

Législation

À l’heure actuelle, ces antiviraux sont soumis à une prescription hospitalière réservée notamment aux spécialistes en gastro-entérologie, hépatologie ou infectiologie.

Depuis le 7 décembre 2016, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise que ces traitements disposent du statut de médicaments d’exception (voir Prise en charge de l’hépatite C par les médicaments antiviraux d’action directe [AAD]. Élargissement du périmètre de remboursement).

Effets indésirables

• Communs. Globalement, ces traitements sont bien tolérés. Selon les combinaisons utilisées, les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont fatigue, céphalées, insomnies, nausées, parfois diarrhées, prurit. Ces effets indésirables sont généralement légers à modérés et entraînent rarement l’arrêt du traitement. Des cas de réactivation du virus de l’hépatite B chez des patients co-infectés VHC et VHB sont rapportés.

• Selon les classes/molécules.

→ Inhibiteurs NS3/4A : des troubles cutanés sont fréquents. Des réactions de photosensibilité sont possibles sous siméprévir. Sont rapportées également des élévations des enzymes hépatiques (ALAT, bilirubine). Des cas d’atteintes hépatiques sévères sont recensés.

→ Sofosbuvir : des arythmies cardiaques sont rapportées, notamment chez des patients ayant déjà des troubles cardiaques, ainsi que des cas d’hypertension artérielle pulmonaire.

Interactions médicamenteuses

• Elles sont nombreuses (voir les principales dans le tableau). Attention en particulier aux associations à des inducteurs ou inhibiteurs du CYP 3A4. Le ritonavir présent dans Viekirax expose aussi à de nombreuses interactions.

• De manière générale, vérifier systématiquement les co-prescriptions et se référer aux résumés des caractéristiques des produits (RCP) ou au Thesaurus des interactions médicamenteuses de l’Agence nationale de sécurité des produits de santé (ANSM, sur www.ansm.sante.fr) ou encore au site hep-druginteractions.org, créé par des membres du département de pharmacologie de l’université de Liverpool (Angleterre) et dédié aux traitements antiviraux du VHC.

Ribavirine

Cette molécule est de moins en moins utilisée.

• Mode d’action : analogue nucléosidique de la guanosine limitant la réplication virale. Elle agirait également en modulant la réponse immunitaire.

• Effets indésirables : anémie hémolytique avec pâleur, fatigue, essoufflement au cours des premières semaines, fatigue, troubles cutanés, myalgies. Son risque tératogène impose une contraception efficace jusqu’à quatre mois après la fin du traitement pour les femmes, et jusqu’à sept mois pour les femmes dont le partenaire est sous ribavirine.

Pour les femmes traitées, un test de grossesse doit être réalisé tous les mois durant le traitement.

Conseils aux patients

Observance

Elle est primordiale et conditionne la réussite du traitement (voir interview p. 29). Généralement, les traitements sont bien tolérés. Les céphalées peuvent être prises en charge par du paracétamol, ponctuellement, sans dépasser 3 grammes par jour.

Automédication

• Elle est fortement déconseillée en raison du fort risque d’interactions médicamenteuses (voir interview) et selon le cas pour ne pas majorer l’hépatotoxicité.

• Au stade cirrhotique ou pré-cirrhotique (F3), une vigilance accrue est nécessaire : les médicaments potentiellement hépatotoxiques doivent être évités (paracétamol à forte dose, AINS, statines, inhibiteurs calciques…).

Vie quotidienne

Limiter la toxicité hépatique

Selon la gravité de l’atteinte hépatique, sensibiliser le patient aux facteurs jouant un rôle délétère sur le foie.

• Tabac, alcool : l’alcool en particulier est à proscrire sous toutes ses formes, et quel que soit le stade de l’atteinte. Le tabac et le cannabis ont également des effets délétères. De plus, le tabac constitue un facteur de risque de carcinome hépatocellulaire.

• Syndrome métabolique : le surpoids et l’obésité aggravent la fibrose. Il en est de même d’un diabète, d’une dyslipidémie ou d’une hypertension, qu’il est essentiel de bien contrôler.

• Même après guérison ! La guérison virologique ne signifie pas que le foie est lui aussi instantanément guéri. Il a la capacité de se régénérer peu à peu mais cette faculté est liée à la suppression au long cours des facteurs d’agression potentiels : alcool, surpoids, etc.

Vaccination

La vaccination contre l’hépatite B et éventuellement l’hépatite A en cas de voyage en pays à risque est fortement recommandée pour éviter toute nouvelle atteinte hépatique. Celles contre les infections invasives à pneumocoque et la grippe sont également recommandées car l’hépatopathie fragilise l’organisme.

Alimentation

La prise de pamplemousse ou d’orange sanguine est déconseillée durant le traitement par antiviraux d’action directe du fait de leur effet inhibiteur enzymatique pouvant accroître la biodisponibilité des molécules et les effets indésirables des traitements.

Grossesse

Les antiviraux étant contre-indiqués chez la femme enceinte, il est préconisé d’instaurer un traitement chez toute femme atteinte d’une hépatite C chronique ayant un désir de grossesse et de différer le projet de quelques mois, en attendant la guérison. « Si une grossesse est en cours chez une patiente séropositive pour le VHC, il faut la rassurer car le risque de transmettre le virus à l’enfant est très faible, précise le professeur de Lédinghen. De plus, même si l’enfant est contaminé, il n’y a pas de risque pour lui d’atteinte hépatique sévère, ce risque s’élevant avec l’avancée de l’âge au moment de la contamination. Enfin, les antiviraux sont proposés à partir de 11 ans, pour l’instant dans le cadre d’essais cliniques, et permettent à ces jeunes patients de guérir de la maladie sans séquelles. »

Protection de l’entourage

• Transmission sexuelle : elle est rare mais possible en présence de sang. Pour les couples stables, le préservatif n’est recommandé qu’en cas de rapports sexuels durant les règles chez une femme infectée, ou de sodomie.

• Le risque de contamination de l’entourage est faible, beaucoup plus que pour l’hépatite B. Toutefois, des précautions sont indispensables. Il ne faut pas partager les objets qui pourraient favoriser une transmission sanguine de l’infection : brosse à dents, coupe-ongles, rasoir, épilateur… En cas de plaie ou de lésion qui saigne, la recouvrir avec un pansement. En cas d’objet ou de support souillé par du sang infecté, décontaminer la surface à l’eau de Javel diluée au 1/10e.

• Attention au risque de recontamination ! Les personnes à risque, en particulier les toxicomanes et homosexuels masculins, doivent être sensibilisées au fait que la guérison ne met pas à l’abri d’une nouvelle contamination.

Avec la collaboration du Pr Victor de Lédinghen, service d’hépato-gastro-entérologie du CHU de Bordeaux (33).

(1) Recommandations Afef pour l’élimination de l’infection par le virus de l’hépatite C en France , mars 2018, afef.asso.fr/recommandations.

Dico+

→ Fibrose : hausse anormale des constituants fibrillaires – fibres de collagène, élastine… – du tissu conjonctif d’un organe aboutissant à un tissu cicatriciel qui n’assure plus son rôle.

Dico+

→ Cryoglobulinémie : présence dans le sang d’immunoglobulines anormales (anticorps), que l’on appelle cryoglobulines, caractérisées par le fait qu’elles peuvent précipiter à froid (cryo = froid en grec). Ces immunoglobulines anormales vont former des complexes immuns à l’origine d’une inflammation et de diverses manifestations cliniques selon leur localisation : cutanées, neurologiques, rénales, vasculaires…

Dico+

Il existe deux types de transaminases.

→ ALAT : l’alanine transaminotransférase, ou transaminase glutamo-pyruvique sérique (TGP), est une enzyme présente surtout dans les hépatocytes, mais aussi dans les cellules du rein, du cœur et des muscles. Ses valeurs dans le sang sont faibles, mais quand le foie est lésé, l’ALAT est libérée dans le sang circulant, souvent avant l’apparition de signes cliniques.

→ ASAT : l’aspartate aminotransférase, autre enzyme, est surtout concentrée dans le foie, les muscles, le rein, le pancréas et le muscle cardiaque.

Le dépistage universel pour éradiquer l’hépatite C

→ Dans le but d’éliminer définitivement l’hépatite C, un dépistage universel de la maladie, et non plus un dépistage axé sur les seules personnes à risque (toxicomanes, porteurs de tatouages, de piercings…), est préconisé. « Il s’agit en effet de diagnostiquer puis traiter les 75 000 patients porteurs chroniques du VHC qui s’ignorent, en encourageant tout individu adulte à se faire dépister au moins une fois dans sa vie », explique le Pr de Lédinghen.

→ Ce dépistage peut se faire via une sérologie virale classique par prélèvement sanguin ou un TROD, et doit être logiquement couplé au dépistage de l’hépatite B et du VIH, étant donné le risque important de coinfection. Il est désormais proposé à toutes les femmes lors de la consultation pré-conceptionnelle ou de début de grossesse.

→ Le dépistage via un TROD est rapide (30 minutes environ) et se fait via certaines associations de lutte contre le VIH et les hépatites et dans les CeGIDD*.

(*) Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des hépatites et des infections sexuellement transmissibles.

Dico+

→ Alpha-fœtoprotéine (ou AFP) : protéine fabriquée par le fœtus, non présente chez l’adulte. Chez l’adulte, sa détection peut témoigner d’une évolution de la cirrhose vers un carcinome hépatocellulaire. L’AFP n’est cependant pas spécifique car elle est par exemple aussi retrouvée dans le cancer des testicules.

Info+

→ L’interféron pégylé (Pegasys) n’est quasiment plus utilisé. Sa prescription initiale, valable six mois, est réservée à certains spécialistes (hépatologie…). Les effets indésirables sont nombreux : syndrome pseudo-grippal, fatigue, anorexie, rashs cutanés, alopécie, troubles psychiatriques, hématologiques…

→ Les premiers inhibiteurs de protéases, télaprévir (Incivo) et bocéprévir (Victrelis), apparus en 2011, ont été retirés du marché en 2015 en raison de nombreux effets indésirables : rashs cutanés sévères, anémie…

Interview

“Une mauvaise observance expose à un risque d’échec car les options de deuxième ligne sont peu nombreuses”

Professeur Victor de Lédinghen, service d’hépatogastroentérologie du CHU de Bordeaux (33).

À l’officine, quels sont les messages clés à délivrer aux patients ?

Deux sont essentiels. Ils concernent l’observance et le risque d’interactions. L’observance est capitale. Il faut expliquer l’importance de prendre régulièrement son traitement chaque jour et pour toute la durée prescrite. Les modalités de prise, simples avec une seule administration par jour, et le peu d’effets indésirables des traitements doivent inciter à bien suivre la prescription. Ne pas prendre correctement son traitement expose à un risque d’échec thérapeutique. Or les options de deuxième ligne sont peu nombreuses et vont compliquer la prise en charge. Plus grave encore, le virus peut muter et devenir totalement résistant aux molécules. On se retrouve alors en échec complet avec, à l’heure actuelle, aucune guérison possible ! Vraiment, il ne faut pas hésiter à mettre en avant ces arguments, quitte à faire un peu peur. Sur le plan des interactions médicamenteuses, l’officine est l’endroit idéal pour faire un listing complet de tous les traitements pris par les patients, en y incluant l’automédication. Concernant cette dernière, une seule règle : suspendre toute automédication, y compris plantes et tisanes pour dormir, durant toute la durée du traitement. Enfin, pour ce qui est des co-prescriptions médicamenteuses, les officinaux ont un rôle important à jouer en vérifiant systématiquement le risque d’interactions médicamenteuses (voir paragraphe Médicaments, interactions) et en les signalant le cas échéant au prescripteur.

Dico+

→ Élastométrie : examen non douloureux mesurant le degré d’« élasticité » du foie grâce à une sonde appliquée au contact de la paroi thoracique à hauteur du foie et émettant une onde de choc de faible amplitude. La vitesse de propagation de cette onde est d’autant plus importante que le foie est dur.

Info+

→ Bilirubine : pigment provenant du catabolisme surtout de l’hémoglobine. La bilirubine est transportée par l’albumine jusqu’au foie, où elle est conjuguée à l’acide glucuronique surtout. La bilirubine conjuguée est alors sécrétée dans la bile, puis atteint l’intestin grêle, où une partie est transformée sous l’action de bactéries, colorant les selles en brun. Normalement, le sang contient une faible quantité de bilirubine libre. La présence de bilirubine conjuguée dans le sang ou les urines signe une maladie hépatique ou une obstruction biliaire. L’élévation de la bilirubinémie, libre ou conjuguée, est accompagnée d’une accumulation de pigments dans les tissus et produit un ictère, d’où la jaunisse observée dans une hépatite.

Contre-indications médicales

→ Ombitasvir/paritaprévir/ritonavir (Viekirax), dasabuvir (Exviera) et glécaprévir/pibrentasvir (Maviret) : insuffisance hépatique sévère.

→ Elbasvir/grazoprévir (Zepatier) : insuffisance hépatique modérée ou sévère.

→ Ribavirine : grossesse, allaitement, pathologie cardiaque sévère préexistante, hémoglobinopathies (thalassémies, drépanocytose…).

Info+

→ Le prix d’un traitement de vingthuit jours par antiviral d’action directe varie entre 9 900 € et 14 700 € environ, hors honoraire de dispensation.

En savoir+

→ Association française pour l’étude du foie (Afef). Elle propose notamment les rapports et recommandations de prise en charge des patients infectés par le VHC.

www.afef.asso.fr

→ SOS Hépatites

Informations pour les patients et ligne d’écoute : 0 800 004 372.

www.soshepatites.org

→ Hépatites Info service

Une plate-forme d’accueil, d’écoute et d’orientation des patients et des professionnels de santé. Tél. : 0 800 845 800.

www.hepatites-info-service.org

À RETENIR

→ L’hépatite C évolue vers la chronicité dans 60 à 80 % des cas. Elle représente en France la deuxième cause de cirrhose et de carcinome hépatique. L’infection est le plus souvent asymptomatique ; l’atteinte hépatique évolue en général lentement.

Des manifestations extra-hépatiques sont parfois présentes : fatigue, atteintes cutanées, rhumatologiques, neurologiques, néphrologiques… Au long cours, l’inflammation chronique expose aussi à un risque de diabète et à des atteintes cardio-vasculaires.

→ La toxicomanie intraveineuse ou nasale représente le mode de contamination le plus fréquent via le partage du matériel. La transmission sexuelle est rare, sauf en cas de rapports traumatiques.

→ Les antiviraux d’action directe permettent une guérison dans plus de 95 % des cas. Ils se prennent à raison d’une prise par jour le plus souvent, durant huit à douze semaines généralement. Une bonne observance est essentielle. Toute automédication est déconseillée en raison du risque d’interactions médicamenteuses, notamment avec des inducteurs ou inhibiteurs du CYP3A4. De même, la prise de pamplemousse et d’orange sanguine est déconseillée durant le traitement.

→ Il faut parallèlement supprimer ou corriger tous les facteurs qui ont une action délétère sur le foie : alcool, tabac et cannabis, excès de poids/obésité, diabète ou dyslipidémie non contrôlée, et limiter les médicaments hépatotoxiques ou les supprimer en cas de cirrhose ou d’état pré-cirrhotique. La prise ponctuelle de paracétamol reste possible, avec 3 g par jour maximum.

→ Après guérison, une nouvelle contamination est possible !