- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- Les pharmaciens, ces relais de premier recours
Les pharmaciens, ces relais de premier recours
Le rapport de Thomas Mesnier, député LREM de Charente, remis à la ministre de la Santé le 22 mai, propose une refonte de l’organisation des soins de proximité en France, notamment pour libérer du temps médical. Bonne nouvelle ! Le pharmacien en devient le pivot. Dans certaines situations.
Enfin un rapport où, pour une fois, l’officine n’est pas oubliée ! », se félicite Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Il fait, bien évidemment, allusion au rapport de Thomas Mesnier, médecin urgentiste, député LREM de Charente, remis le 22 mai dernier à Agnès Buzyn, ministre de la Santé. Dans son rapport « Assurer le premier accès aux soins », parmi ses dix-neuf propositions sur les soins non programmés (SNP), l’une va particulièrement dans le sens souhaité par la profession quant à son rôle dans les soins de premier recours. Ainsi, pour libérer du temps médical en renforçant la coopération entre professionnels de santé, le rapport recommande de « développer les soins coordonnés entre les médecins et les autres professionnels de santé via le partage de compétences dans le cadre de protocoles nationaux à mise en œuvre locale permettant l’accès direct à des soins infirmiers de premier recours, à des visites infirmières à domicile, à des consultations et actes réalisés par les pharmaciens et les kinésithérapeutes ».Un document de 83 pages pour résoudre les difficultés d’accès aux soins d’urgence compte tenu des problèmes de démographie médicale et de la saturation des services d’urgence. Après audition de l’Ordre, des syndicats et de l’Association de pharmacie rurale (APR), le rapporteur a largement repris les revendications de la profession sur le décloisonnement des tâches, à la lumière des succès probants (expérimentation sur la vaccination, accompagnement des patients, dispensation sans prescription obligatoire de la pilule du lendemain…).
Satisfecit général
En substance, Thomas Mesnier souhaite confier aux pharmaciens la dispensation, sous protocole et avec traçage obligatoire dans le dossier pharmaceutique, d’un certain nombre de traitements notamment pour la cystite, l’angine, ou, encore, des allergies saisonnières, si elles ont donné lieu à une première prescription une année donnée et des antalgiques de niveau 2. Au total, une douzaine de situations du quotidien pouvant faire l’objet d’actes et de consultations en officine.
« Ce rapport est frappé du pragmatisme et du bon sens car il s’appuie sur les forces en présence, on y retrouve la méthode et l’esprit d’un médecin urgentiste », commente Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) qui préconise depuis plusieurs années la mise en place de parcours de soins pharmaceutiques.
Pour Philippe Gaertner, ce rapport s’inscrit dans la continuité de la stratégie nationale de santé d’Agnès Buzyn. Il ne s’enflamme pas pour autant. « Sur les possibilités d’intervention du pharmacien en premier recours, notre ministre de la Santé nous a déjà adressé des signes précurseurs positifs, attendons de voir ce que l’Etat reprendra de ce rapport car il y a encore, à mon avis, quelques étapes à franchir pour en arriver à la prise en charge du conseil pharmaceutique. »
Albin Dumas, président de l’APR, salue aussi « ce rapport non corporatiste qui n’hésite pas à prendre les solutions quand elles sont bonnes ». Pour ne pas laisser (trop) d’espace au désert sanitaire en milieu rural, « il faut penser aussi à réintroduire les tests rapides d’orientation diagnostique. Tous ces nouveaux éléments vont donner confiance dans la pharmacie rurale, trop longtemps fragilisée, et permettre une vision plus optimiste de notre activité », se réjouit-il.
Dans son petit village audois, à Couiza, Marc Alandry jubile. Il mène depuis plusieurs moins une lutte acharnée pour la reconnaissance des pharmacies de premier recours, le maintien et la valorisation sous forme d’honoraires des services rendus par les pharmacies de proximité. « Le rapport de Thomas Mesnier s’est largement inspiré de mon rapport remis en décembre dernier au député de l’Aude, Mireille Robert », indique-t-il.
Les recommandations de ce rapport prennent aussi tout leur sens face à la dévitalisation des centres-villes mis en péril par le développement des zones d’activité commerciale en périphérie. Une paupérisation qui conduit aujourd’hui boulangers-pâtissiers, bouchers-charcutiers et pharmaciens à se mobiliser ensemble pour soutenir le projet porté par « le Pacte national pour la revitalisation des centres-villes », en alertant les élus locaux et en faisant signer des pétitions.
Libre choix du parcours de soins
Ce rapport précise aussi que la profession est dans l’attente de la publication (le 15 juillet au plus tard) du décret sur les « conseils et prestations ». Il reprend également la proposition des syndicats de rembourser des médicaments sans prescription dispensés par la pharmacie pour certaines pathologies courantes. « L’égalité entre les parcours de soins est un des points à régler rapidement, expose Gilles Bonnefond. Il faut soulager les médecins des consultations inutiles, mais aussi, comme cela se fait dans d’autres pays (Ecosse, Suisse, Canada…), laisser le choix au patient de son circuit de prise en charge, médical ou pharmaceutique, a fortiori dans les territoires sous tension. » Le président de l’USPO en appelle également à la responsabilité des complémentaires santé, les invitant à investir dans la prise en charge du conseil pharmaceutique.
Concernant l’accès aux médicaments de prescription médicale obligatoire, « leur dispensation sans ordonnance doit s’appuyer sur des outils spécifiques : arbres décisionnels, protocoles, dossier pharmaceutique, ordonnances types détenues à l’officine à utiliser lors d’épidémies… », énumère-t-il. Philippe Gaertner y ajoute l’ordonnancier qui permet de mieux garantir la traçabilité des dispensations. « Dans le dossier pharmaceutique, les données sont conservées quatre mois alors que pour un ordonnancier, c’est dix ans ! » Et le président de la FSPF n’oublie pas les aspects économiques : « Il faudra une cohérence entre la rémunération et ce qui sera fait par le pharmacien dans le cadre des soins de premier recours. »
Un nouveau champ d’expérimentation
Le gouvernement devrait se déterminer rapidement. Des annonces sur la transformation du système de soins sont attendues en juin. Selon Philippe Gaertner, les propositions de ce rapport ne devraient nécessiter que des ajustements réglementaires, sans avoir besoin de légiférer. En revanche, « l’intervention des pharmaciens dans les soins non programmés ne pourra pas se départir de la méthode de l’expérimentation, comme pour la vaccination », pense Albin Dumas. Un avis partagé par Marc Alandry, qui a adressé avec l’appui d’élus régionaux un dossier d’une expérimentation de services de proximité à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Son expérimentation mobilise huit autres confrères. « Il est important sur les prestations pharmaceutiques de présenter des données économiques chiffrées à l’Assurance maladie. Les pharmacies éligibles pour cette expérimentation devront se prêter au jeu de l’hôpital de brousse et répondre à certains critères, notamment géographiques », conclut-il.
À RETENIR
• Parmi ses dix-neuf propositions sur les soins non programmés, le rapport du député Thomas Mesnier, remis à la ministre de la Santé le 22 mai, recommande de développer les soins coordonnés dans le cadre de protocoles permettant l’accès direct à des consultations et actes réalisés par les pharmaciens.
• Thomas Mesnier souhaite ainsi confier aux pharmaciens la dispensation de traitements pour la cystite, l’angine, les allergies saisonnières ou des antalgiques de niveau 2.
• Il reprend la proposition des syndicats de rembourser des médicaments sans prescription dispensés par la pharmacie pour certaines pathologies courantes.
REPÈRES
L’ÉCONOMIE DE LA PHARMACIE RURALE EN 2017
PAR FRANÇOIS POUZAUD – INFOGRAPHIE : WALTER BARROS
- Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose
- Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?
- Prescription des analogues du GLP-1 : les médecins appellent au boycott du dispositif imposé
- Bon usage du médicament : doit-on oublier la dispensation adaptée ?
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- 5 outils d’IA qui ont fait leurs preuves à l’officine
- Administration des vaccins : la formation des préparateurs entre dans le DPC
- Diaralia : retrait de lot
- Quétiapine en rupture de stock : comment adapter la prise en charge des patients ?
- Prevenar 20, Voltarène, Talzenna… Quoi de neuf côté médicaments ?