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Les pharmaciens assurent dans les URPS

Publié le 17 février 2024
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La Cour des comptes n’a pas noté de défaillances majeures concernant les pharmaciens dans son rapport consacré aux unions régionales des professionnels de santé. Seul bémol : le fonctionnement interne des structures dont le périmètre de compétences mérite d’être mieux défini. Analyse.

 

C’est à la faveur de la crise du Covid-19 que les unions régionales des professionnels de santé (URPS) ont pu jouer à plein leur rôle en assurant notamment la distribution de masques dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), avec l’aide des officines relais, ou en s’impliquant dans la fabrication de gel hydroalcoolique. Elles ont ainsi fait la démonstration de la réactivité du monde libéral. Après avoir évalué 25 des 168 unions existantes (dont trois URPS pharmaciens), représentant neuf professions et situées dans 11 régions ou collectivités, la Cour des comptes loue particulièrement, dans son rapport publié le 5 février, l’exercice des pharmaciens (avec celles des médecins et des infirmiers). Elle dénonce toutefois quelques failles notamment sur le plan organisationnel dont elle tire une série de recommandations (voir encadré page XX).

Une montée en régime

 

Bon point : après les premiers tâtonnements du début, la Cour des comptes a salué la montée en régime toutes professions confondues. « Il a fallu comprendre le sens de notre mission et notre champ de compétences », note Olivier Rozaire, président de l’URPS Auvergne-Rhône-Alpes (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, FSPF). Les URPS ont ainsi « activement répondu aux appels à projet lancés par les agences régionales de santé (ARS) dans le domaine des soins et de la prévention », souligne la juridiction financière. Parmi les actions particulièrement vertueuses, celles menées dans la prévention du tabagisme, de l’obésité, de l’antibiorésistance, du diabète ou des 1 000 premiers jours de l’enfant. Les URPS ont également permis de préparer le terrain pour les nouvelles missions, notamment dans le domaine de l’expérimentation de la vaccination antigrippale en Nouvelle-Aquitaine, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Occitanie, en Bourgogne-Franche-Comté et dans les Hauts-de-France, grâce à l’attribution d’enveloppes par les ARS en 2018 et 2019. Pionnières, plusieurs d’entre elles, dont celle de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), ont expérimenté les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) angine en 2019 avant même leur entrée dans le droit commun, note la Cour des comptes.

 

Les unions ont aussi été parties prenantes de plusieurs expérimentations de type « article 51 » qui visent à tester de nouveaux modes d’organisations dérogatoires à la réglementation, comme celles des pharmaciens des Hauts-de France avec Onco’Link, pour le suivi à domicile de patients sous anticancéreux oraux. En revanche, peu de projets ont été menés sur le décloisonnement ville-hôpital, à l’exception notable de l’expérimentation nationale Octave, portée par les URPS Bretagne et Pays de la Loire.

Eclaircir le rôle des URPS

 

Depuis la création des URPS en 2009, de nouveaux acteurs territoriaux ont fait leur apparition comme les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Avant elles, existaient déjà les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les équipes de soins primaires (ESP) et les dispositifs d’appui à la coordination (DAC). « Il n’y a pas eu de chevauchement, même pendant la crise du Covid-19, les CPTS représentant plusieurs professions », estime Olivier Rozaire. La rue Cambon approuve justement l’accompagnement des URPS lors de la création des CPTS. Pour autant, « un éclaircissement concernant le périmètre de compétences propre à chaque structure pourrait être utile dans la mesure où les évolutions ont été nombreuses depuis 2009. Les CPTS sont, certes, autonomes mais, à mon sens, les URPS doivent continuer à en assurer la coordination et l’animation », analyse Grégory Tempremant, président de l’URPS Hauts-de-France (Union des syndicats de pharmaciens d’officine, USPO), auditionné par la cour.

 

A l’origine, les unions avaient aussi des missions en lien avec le numérique. Elles ont été depuis dévolues aux groupements régionaux d’appui au développement de l’e-santé (Grades). Deux pharmaciens en sont d’ailleurs à la tête, dans les régions Bourgogne-Franche-Comté et Hauts-de-France. Dans cette dernière, la présidence du Grades est assurée par Grégory Tempremant, qui reconnaît la nécessité de clarifications. « Il va falloir réfléchir à la manière dont les URPS vont s’articuler avec les Grades sachant qu’elles en sont déjà membres de droit », explique-t-il.

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Autre ambiguïté juridique à lever : les compétences en matière de formation. « La mission de mise en œuvre du développement professionnel continu (DPC) qui leur est confiée est une scorie réglementaire qui devrait être corrigée », traduit la Cour des comptes dans son rapport. « Si l’Ordre doit s’assurer de l’obligation triennale de formation des pharmaciens, nous sommes également amenés à développer des formations sur les nouvelles missions du pharmacien, la santé environnementale ou encore le projet régional de santé. Je crois que ces prérogatives doivent rester dans notre giron », note Grégory Tempremant. Un point de vue partagé par Christophe Wilke, président de l’URPS Grand-Est (FSPF). « L’URPS n’a pas vocation à être un organisme de formation, mais il y a bien un aspect de formation dans ses missions », résume-t-il.

Des élus non-syndiqués

 

La Cour des comptes a également émis une série de recommandations, parmi lesquelles ouvrir aux professionnels de santé libéraux non syndiqués la possibilité d’être élus ou désignés membre d’une URPS. Une proposition étonnante et en contradiction avec le fonctionnement actuel : aujourd’hui, seuls les syndicats élus aux unions peuvent prétendre à une reconnaissance « représentative » par le ministère de la Santé et donc être habilités à négocier la convention avec l’Assurance maladie. Pour motiver leur préconisation, les sages de la rue Cambon mettent en exergue « des rivalités contreproductives ou ayant conduit à l’immobilisme » entre syndicats. Dans les faits, beaucoup de représentants estiment déjà se conformer à cette recommandation. « Si les élections se font sur des listes syndicales, j’ai néanmoins proposé une liste très ouverte quand je me suis représenté en 2021. Le fonctionnement correct d’une URPS repose avant tout sur la bonne volonté et la disponibilité de ses membres », met en avant Olivier Rozaire. Une démarche partagée par Grégory Tempremant. « J’ai constitué ma liste avec des pharmaciens syndiqués et des personnes qui ne l’étaient pas encore. Nos règlements intérieurs prévoient d’ailleurs la possibilité de mandater des professionnels non élus pour des actions en raison de leurs compétences. »

L’indépendance globalement préservée

 

Enfin, la cour préconise la mise en place de formation obligatoire pour les membres des URPS portant notamment sur « l’organisation générale du système de santé, des missions des unions et la gestion associatives, financée par les unions ». Elle recommande, en outre, une supervision, par les ARS, des budgets des URPS préalablement à tout financement. En effet, ceux-ci sont essentiellement financés par les professionnels de santé via une contribution spécifique obligatoire, la contribution aux unions régionales des professionnels de santé (Curps), d’un montant maximum de 206 € par professionnel en 2022. Le produit de la Curps est reversé aux unions par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la banque de la Sécu, mais de manière hétérogène et variable, selon la cour, et pour un montant de 40,6 millions d’euros en moyenne par an entre 2018 et 2022. En outre, pour financer des actions, les URPS peuvent toucher des enveloppes au titre du fonds régional d’intervention (FIR) pour un montant moyen annuel de 13,6 millions d’euros. « Rendre des comptes aux agences est donc justifié », note Olivier Rozaire. D’ailleurs, la réglementation impose déjà aux URPS d’envoyer un certain nombre de documents financiers et d’activités aux ARS. « Au regard de l’ensemble des missions possibles des unions, les montants alloués ne sont pas si importants », pointe Christophe Wilke. L’indépendance des URPS par rapport aux entreprises privées a également été examinée. « Dans l’échantillon constitué, les financements issus de laboratoires pharmaceutiques ou plus largement d’entreprises privées restent limités », indique le rapport. L’instance suprême souligne néanmoins quelques exceptions comme l’URPS pharmaciens de Paca. Cette dernière a noué des partenariats importants avec Sanofi et AstraZeneca pour la mise en place des Trod angine ainsi que pour le projet Pharm’observance, une formation à la pharmacie clinique, et la valorisation du rôle du pharmacien dans l’observance.

 

Ultime bémol :  la Cour des comptes déplore une thésaurisation excessive de l’ensemble des unions, toutes professions confondues. Une gestion révélatrice, selon elle, d’une « prudence excessive » ou « d’une inadéquation entre leur niveau d’activité et leurs ressources ».

                                   

9 recommandations de la Cour des comptes

Pour améliorer le fonctionnement des URPS, l’institution juridique a émis une série de préconisations à leur attention :

– clarifier leurs compétences, notamment dans le champ du développement professionnel continu (DPC) et de la santé numérique ;

– ouvrir aux professionnels de santé libéraux non syndiqués la possibilité d’être élus ou désignés membres d’une URPS ;

– harmoniser le nombre de leurs membres, qu’ils soient élus ou désignés, en augmenter le plancher et en diminuer le plafond ;

– mettre en place une formation obligatoire pour leurs membres relative à l’organisation générale du système de santé, aux missions des unions et à la gestion associative, financée par celles-ci ;

– prévoir juridiquement la possibilité de créer, sous forme associative, une représentation nationale des URPS par profession ;

– exercer une supervision sur les URPS à partir de leurs documents budgétaires et de leurs rapports d’activité annuels, publier ces derniers sur les sites internet des agences régionales de santé (ARS) et tenir compte de la situation financière des unions avant de leur accorder des financements du fonds d’intervention régional ;

– envisager la fusion des URPS Guadeloupe, Martinique et Guyane ;

– mettre en place un dispositif de péréquation interprofessionnelle permettant aux unions d’atteindre une masse critique ;

– une recommandation destinée à trois URPS médecins.

Le rapport en chiffres

3 URPS de pharmaciens ont fait partie du panel de 25 unions sur les 169 en fonctionnement dans toute la France : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Hauts-de-France et Bourgogne-Franche-Comté.

47 % des pharmaciens participent aux élections aux URPS. C’est la profession, sur les 10 concernées, qui vote le plus.

12 %, c’est la part de la contribution reversée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) aux URPS pharmaciens, contre un peu plus de la moitié aux médecins libéraux et 15 % aux infirmiers. 

260 € est le montant du plafond de l’indemnité forfaitaire par demi-journée destinée à compenser la perte de ressources entraînées par les fonctions assurées à l’URPS.

À retenir

– C’est la première fois que la Cour des comptes se penche sur le fonctionnement des unions régionales des professionnels de santé (URPS) depuis leur création en 2009. Mais ce rapport concerne neuf professions différentes dont les problématiques ne sont pas toutes les mêmes.

– La « contribution effective » de certaines URPS au système de soins est saluée dans le rapport, en particulier celles des médecins, des infirmiers et des pharmaciens.

– Cependant leurs missions devraient être clarifiées par le législateur car le paysage dans lequel elles évoluent a beaucoup changé en 15 ans.

– Le fonctionnement institutionnel de certaines unions est parfois compliqué.