Coûts de la santé : un Francilien sur trois renonce aux soins

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Coûts de la santé : un Francilien sur trois renonce aux soins

Publié le 5 décembre 2024
Par Christelle Pangrazzi
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La santé devient un luxe pour une partie des Franciliens. Selon une enquête de l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France publiée ce 5 décembre, un habitant sur trois a déjà renoncé à des soins médicaux à cause de leur coût. Une situation aggravée par des inégalités criantes dans l'accès aux professionnels de santé, particulièrement en grande couronne.

La barrière financière s’impose comme un frein majeur à l’accès aux soins. Dans un territoire où le coût moyen d’une consultation chez un spécialiste dépasse souvent les 50 euros, les dépassements d’honoraires pèsent lourd sur les budgets les plus modestes. « Même avec une mutuelle, certaines familles doivent choisir entre soigner une carie ou réparer la voiture », déplore une assistante sociale de Seine-et-Marne.

Les soins dentaires et ophtalmologiques figurent parmi les plus souvent abandonnés, suivis des consultations de spécialistes, jugées coûteuses ou longues à obtenir. Selon l’étude, cette difficulté touche particulièrement les jeunes actifs et les familles à faibles revenus, mais aussi des retraités modestes qui peinent à compléter les remboursements de la Sécurité sociale.

L’inégalité territoriale accentue la fracture sanitaire

La géographie aggrave ces disparités. Si 54 % des Franciliens évoquent des difficultés pour trouver un médecin généraliste, ce chiffre grimpe à 67 % en Seine-et-Marne et à 66 % en Essonne. Ces départements, déjà affectés par une pénurie de professionnels de santé, sont aussi ceux où les dépassements d’honoraires sont plus fréquents. À l’inverse, Paris et les Hauts-de-Seine, mieux pourvus en praticiens, enregistrent des taux respectifs de 43 % et 46 %.

En matière de soins hospitaliers, les écarts sont également marqués : 79 % des habitants des Hauts-de-Seine estiment accéder facilement aux urgences, contre seulement 60 % en Seine-et-Marne. Ces disparités territoriales amplifient le sentiment d’injustice ressenti par une partie croissante de la population.

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Des mesures pour réduire le poids financier des soins

Pour contrer cette fracture sanitaire, l’ARS investit chaque année entre 43 et 45 millions d’euros. Ce budget vise notamment à attirer des praticiens dans les zones sous-dotées et à renforcer les aides financières pour les populations les plus vulnérables. Des dispositifs tels que la complémentaire santé solidaire (CSS) et le tiers payant intégral commencent à porter leurs fruits, mais leur impact reste limité par rapport à l’ampleur du problème.

« Les inégalités d’accès aux soins sont exacerbées par une précarité financière croissante », alerte Denis Robin, directeur général de l’ARS. Selon lui, les effets des réformes actuelles, comme l’encadrement des dépassements d’honoraires dans certaines zones, ne seront pleinement visibles qu’à moyen terme.

La téléconsultation, un palliatif partiel

Face à ces obstacles, la téléconsultation s’est imposée comme une alternative pour 46 % des Franciliens. Ce recours, souvent lié à l’urgence ou à l’impossibilité de trouver un praticien disponible rapidement, a cependant ses limites : il ne remplace pas les soins physiques, comme les actes chirurgicaux ou dentaires.

L’urgence d’une réponse globale

Malgré un taux de satisfaction global de 74 % concernant la prise en charge médicale, les inégalités, qu’elles soient financières ou géographiques, restent profondes. Pour éviter que les « déserts médicaux » et le poids des coûts ne deviennent une fatalité, l’ARS appelle à une mobilisation collective : des financements renforcés, un encadrement strict des dépassements d’honoraires, et un soutien accru aux populations les plus fragiles.

Les chiffres rappellent une réalité implacable : se soigner en Île-de-France n’est pas seulement une question d’accès, mais aussi, de plus en plus, une question de moyens.