« Les pensions des pharmaciens titulaires augmenteront au 1er janvier 2025 »

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« Les pensions des pharmaciens titulaires augmenteront au 1er janvier 2025 »

Publié le 29 novembre 2024
Par Muriel Pulicani
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À l’heure où le système de retraite est fragilisé par le déclin démographique au sein de la profession, Philippe Berthelot, président de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), dresse un bilan des enjeux et des réformes nécessaires pour adapter le régime de retraite aux défis actuels.

Comment la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) gère-t-elle les retraites des titulaires d’officine ?
La CAVP est l’une des dix sections de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Elle administre le régime invalidité-décès et de la retraite complémentaire obligatoire des pharmaciens libéraux, officinaux et biologistes. Elle compte près de 63 500 affiliés, dont 28 500 cotisants et 35 000 allocataires (parmi lesquels près de 6 000 ayants droit). La particularité du régime complémentaire des pharmaciens libéraux est de reposer sur deux piliers : l’un géré par répartition, l’autre par capitalisation. Nous sommes autonomes dans sa gestion, mais sous tutelle de l’État.

Quelle est la rémunération moyenne des pharmaciens titulaires aujourd’hui ? Et quelle somme cotisent-ils pour leur retraite ?
La rémunération moyenne des pharmaciens est de 82 358 € et l’assiette taxable a chuté de 6,35 % en 2023. La cotisation retraite représente 18 % de leurs revenus. Elle figure dans la moyenne des autres professionnels libéraux : 19 % chez les dentistes ou les médecins. La cotisation, pour le régime de base, est proportionnelle au revenu d’activité non salarié : 8,23 % pour la première tranche (jusqu’à 46 368 €) plus 1,87 % pour la seconde tranche (jusqu’à 231 840 €). Pour le régime complémentaire par répartition, il s’agit d’un forfait de 6 880 €, quel que soit le revenu du pharmacien. Celui-ci peut demander une réduction si son revenu est inférieur à 46 368 €, mais il touchera une pension réduite par la suite. La cotisation pour le régime par capitalisation est fonction du revenu, de 2 752 € pour la classe 3 (revenus inférieurs à 79 735 €) jusqu’à 16 512 € pour la classe 13 (revenus supérieurs à 228 208 €). La cotisation retraite totale (régime de base et régime complémentaire) représente environ 20 % des revenus des pharmaciens gagnant moins de 80 000 € et 12 % pour ceux qui perçoivent plus de 228 000 €. Le forfait est donc pénalisant pour les petits revenus. C’est une vraie problématique sur laquelle nous travaillons.

Quel est le montant de la pension de retraite des pharmaciens aujourd’hui ?
La pension mensuelle moyenne était de 1 930 € en 2023, dont 30 % provenant du régime de base, 34 % du régime par répartition et 36 % de celui par capitalisation. Les pharmaciens seront revalorisés au 1er janvier 2025 pour la partie complémentaire, au-delà de l’inflation.

La profession rencontre un problème démographique. Quel est son impact sur le régime de retraite ?
Le régime complémentaire par répartition est fragilisé par la démographie. Le nombre de cotisants diminue, avec moins de 0,9 actif par retraité. On essaie d’impliquer toute la profession dans la prise en compte de la démographie et de l’attractivité. Il y a une ardente obligation à faire évoluer le régime pour être en adéquation avec la situation actuelle. Nous sommes en négociation avec l’État sur de nombreuses modifications du régime.

Le nouveau dispositif de cumul emploi-retraite (CER) pourrait-il aider au recrutement dans un contexte de pénurie de personnel ?
Les médecins, les dentistes et les pharmaciens biologistes cumulent emploi et retraite dans le cadre d’une activité libérale. Les pharmaciens d’officine, qui ont été libéraux toute leur vie et ont vendu leur officine, deviennent salariés et cotisent au régime général. Or ils devraient pouvoir continuer à cotiser à la CAVP.

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Vous avez lancé des discussions avec les acteurs publics, l’Ordre et les syndicats en faveur de l’introduction de cotisations pour les nouveaux pharmaciens adjoints…
Nous souhaiterions, en effet, que les nouveaux adjoints puissent cotiser à la CAVP au lieu de l’Agirc-Arrco (1), au moins sur la partie capitalisation, pour bénéficier d’une pension sûre.

Les nombreux pharmaciens installés en société d’exercice libéral (SEL) peuvent se distribuer des dividendes non soumis à cotisations sociales. Comment pallier ce manque à gagner ?
Les pharmaciens qui exercent en nom propre, au sein d’une entreprise individuelle soumise à l’impôt sur le revenu, cotisent deux fois plus que ceux installés en SEL, soumise à l’impôt sur les sociétés. Dans le premier cas, la cotisation est calculée sur les revenus. Dans le second cas, elle l’est sur la rémunération technique et sur une fraction des dividendes. Le pharmacien est maître du jeu et peut remonter ses bénéfices sous forme de dividendes dans une holding. Quand les dividendes sont inférieurs à 10 % du capital social augmenté des comptes courants d’associés, ils ne sont pas soumis à des cotisations retraite. Mais les pharmaciens auront alors une retraite deux fois moindre pour la partie capitalisation.

Quelles sont les pistes à l’étude pour rétablir l’équilibre entre cotisants ?
Le conseil d’administration de la CAVP m’a donné mandat pour modifier l’assiette de cotisation du régime complémentaire par capitalisation et les syndicats de titulaires (USPO et FSPF) m’ont suivi. La réforme ne concernerait que les pharmaciens volontaires et les nouveaux entrants dans la profession. Pour les autres, un dispositif de transition serait mis en place afin de ne pas les pénaliser.
Il y a deux méthodes possibles. Soit procéder à une modification du barème : c’est simple, c’est entre les mains de la CAVP, mais cela ne tient pas compte du régime fiscal du pharmacien. Soit modifier l’assiette en instaurant une cotisation portant sur l’ensemble des revenus. On s’oriente plutôt vers cette deuxième option.

À quelle échéance ces modifications pourraient-elles intervenir ?
Nous sommes en négociation avec l’État, mais ce sont des modifications lourdes et nous sommes dans une période d’incertitude politique et juridique. Or il faut aller vite : aujourd’hui, la quasi-totalité des nouveaux entrants constituent une SEL. S’ils ne cotisent pas suffisamment, ils ne bénéficieront pas d’une retraite correcte et un certain nombre d’entre eux ne vendront vraisemblablement pas leur officine.

Quelles sont les autres modifications envisagées pour le régime de retraite ?
Lors de la liquidation de la retraite par capitalisation, on utilise des tables de mortalité qui surévaluent légèrement l’espérance de vie des pharmaciens et qui dégagent un gain technique permettant d’améliorer la revalorisation annuelle. Les tables doivent être mises à jour prochainement.
Nous travaillons constamment à améliorer les mécanismes permettant de revaloriser les droits et de consolider les fonds propres du régime. Nous sommes en train de constituer une provision pour participation aux excédents (PPE) pour faire face aux aléas conjoncturels comme l’inflation.

Lors des 4es rencontres de la CAVP du 17 octobre à Paris, vous avez indiqué qu’un régime par capitalisation pourrait permettre de « financer l’économie, l’innovation et la transition écologique ». Vers quels projets la CAVP oriente-t-elle ses investissements ?
Nous réalisons essentiellement des achats d’obligations à taux élevé et nous nous diversifions en réinvestissant notamment sur les fonds d’infrastructures. Tous les trois ans, nous revoyons l’allocation stratégique des actifs. Nos investissements intègrent également des critères sociaux et environnementaux.

Vous avez annoncé la création d’une association appelée Capissens, en faveur de la création d’un régime par capitalisation « pour tous, obligatoire et collectif » :
Capissens est un groupe de réflexion réunissant des personnalités convaincues de la nécessité d’introduire une part de capitalisation obligatoire et collective en complément du régime de retraite par répartition. J’y adhère à titre personnel, la CAVP n’ayant pas le droit de s’engager dans une telle association. J’apporte mon témoignage sur ce que nous savons faire.
Introduire une partie de capitalisation est un facteur de stabilité. C’est ce que les gens font en pratique : achat de maison, plan d’épargne en actions (PEA) Mais c’est une capitalisation personnelle et désorganisée. Ce serait mieux si c’était une capitalisation collective, organisée par l’État et les corps intermédiaires.

(1) Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés.