Dépistage du VIH : une démarche inédite en officine dans les Alpes-Maritimes

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Dépistage du VIH : une démarche inédite en officine dans les Alpes-Maritimes

Publié le 25 novembre 2024
Par Matthieu Vandendriessche
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C’est une première en France. Six pharmacies des Alpes-Maritimes expérimentent actuellement le dépistage du VIH au moyen d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) dans le cadre d’un protocole local de coopération.

Six pharmacies volontaires et bien réparties dans le département des Alpes-Maritimes se lancent actuellement dans le dépistage du VIH au moyen d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod). A l’origine de cette initiative, le Comité régional de la lutte contre le VIH et les IST (Corevih Paca-Est) et la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Riviera française* qui couvre les communes de Menton, Roquebrune-Cap-Martin et Cap-d’Ail. Ils ont mis sur pied un protocole local de coopération. Mais pourquoi ce territoire ? Il est actif dans la lutte contre le VIH (expérimentations de la prophylaxie pré-exposition ou PrEP dès 2012, du test VIH sans ordonnance dans les laboratoires de biologie dès 2019) et la CPTS Riviera française est reconnue pour son dynamisme, souligne son président, le médecin généraliste Jean-Louis Gerschtein. « Nous nous trouvons sur une zone frontalière avec l’Italie qui reçoit beaucoup de touristes. Il y a aussi un flux de migrants transfrontaliers. Pour des raisons différentes, ces deux populations sont considérées à risque », explique Kathleen Waeytens, coordinatrice de la CPTS.

Des comportements à risque identifiés

En pratique, il s’agit pour les pharmaciens d’identifier les personnes éligibles au Trod VIH et de le réaliser dans l’espace de confidentialité de l’officine « Cela peut être une femme qui vient chercher une pilule du lendemain ou un homme achetant des préservatifs, présentant une prescription de sildénafil et évoquant une situation avec des partenaires multiples. En général, les personnes qui ont des comportements à risque le savent et elles ne demandent qu’à en parler », témoigne Cyril Colombani, vice-président de la CPTS et pharmacien titulaire participant au dépistage. Selon lui, l’objectif ne se mesure pas seulement à l’aune du nombre de tests réalisés mais de l’effectif de personnes sensibilisées et orientées vers les structures adéquates. « Le test peut être remis à plus tard mais l’information sera passée. De même, s’il s’avère négatif, la personne n’est pas lâchée dans la nature. Elle reçoit un kit de prévention et un annuaire des solutions de recours. Il peut aussi y avoir prise de rendez-vous avec le Corevih », complète le pharmacien. L’entretien qu’il réalise permet donc d’informer sur les situations d’exposition au VIH, de faire connaître les diverses solutions de prévention et de proposer si besoin un rappel vaccinal (hépatite B, HPV, etc.).

S’approprier un arbre décisionnel

Pour s’impliquer, les pharmaciens ont reçu une formation théorique et une autre avec des éléments pratiques, à raison d’une demi-journée pour chacune d’elles. Il est essentiel de s’approprier l’arbre décisionnel et les critères d’exclusion. « Ce sont notamment l’altération de l’état général, un jeune de moins de 16 ans avec comportements à risque et sans présence d’un représentant légal, une infection au VIH connue, un traitement post-exposition au VIH ou une PrEP en cours », énumère Kathleen Waeytens. Si nécessaire, la personne peut être réorientée vers une consultation médicale, notamment en cas de doute sur une préinfection au VIH symptomatique. Après formation, l’entretien d’annonce est maîtrisé en particulier dans sa dimension psychologique : le pharmacien aborde le rendu quel que soit le résultat. Une personne contaminée prend alors contact avec le Corevih Paca-Est. Ce sont trois médecins spécialisés en infectiologie et attachés à cette structure qui sont délégants pour les pharmaciens. Les tests fournis par le laboratoire AAZ-LMB sont optimaux en termes de qualité et de fiabilité, souligne Cyril Colombani.

Une possible duplication

Pour faire connaître cette initiative, une affiche et des flyers sont mis en place dans l’espace de vente, annonçant un dépistage confidentiel, anonyme, sans ordonnance et sans avance de frais. Les cabinets médicaux, les mairies et la presse locale se font le relais de l’opération. Côté financier, le pharmacien reçoit 12,50 € pour chaque prise en charge. Une somme prélevée sur le fonds de la CPTS qui pourrait être revalorisé par l’obtention d’autres financements. A terme, ce protocole local pourra être dupliqué dans d’autres territoires.

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* Avec l’association « Objectif Sida Zéro, Nice et les Alpes-Maritimes s’engagent ! »