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- « Nous avons besoin d’un avenant économique 2, l’officine traverse la crise la plus grave de son histoire »
« Nous avons besoin d’un avenant économique 2, l’officine traverse la crise la plus grave de son histoire »

Les pharmaciens parviendront-ils à obtenir les remises biosimilaires ? Quels sont les obstacles à leur mise en œuvre ?
Les pharmaciens ont de bonnes raisons d’espérer que les remises biosimilaires seront accordées. Ces remises sont absolument cruciales pour garantir la pérennité du modèle officinal. Elles constituent une bouffée d’oxygène indispensable, tant les marges des pharmacies se sont réduites à une peau de chagrin. Mais la question clé demeure : à quel niveau seront-elles fixées ?
Bien qu’il n’y ait pas d’obstacle majeur à leur mise en place, la question de la substitution des médicaments s’avère plus délicate. Nous risquons de voir émerger des stratégies de contournement. Prenons l’exemple du Lucentis, désormais éligible à la génériquation, à la différence de l’Elea. Ce décalage crée une dynamique où les choix de prescription pourraient progressivement se déplacer vers l’Elea ou vers des traitements récents non substituables. Une telle tendance risque de compliquer l’accès à des alternatives réellement soutenables économiquement, ajoutant ainsi un défi supplémentaire à l’optimisation des dépenses de santé. Il est donc impératif d’agir avec discernement pour éviter des dysfonctionnements qui risquent de fragiliser davantage le secteur.
Les remises biosimilaires suffiront-elles à inverser la tendance et redresser l’économie officinale ?
Les remises sont un premier pas, mais elles ne suffiront pas à réparer l’ensemble des dysfonctionnements de l’économie officinale. La vraie question réside dans la mise en place rapide des biosimilaires. Si nous parvenons à accélérer leur substitution – au lieu de nous contenter du délai de deux ans actuellement prévu – les économies pour l’Assurance Maladie seraient colossales.
Une étude menée par l’économiste Frédéric Bizard et le pharmacien Guillaume Racle indique qu’une substitution immédiate pourrait générer 6,7 milliards d’euros d’économies d’ici 2030. À l’inverse, si l’attente de deux ans persiste, cette économie serait réduite à 5,7 milliards. Un milliard d’euros d’écart, c’est une question de timing. Ce délai est d’autant plus crucial que la rapidité de la substitution aura un impact direct sur la viabilité économique des officines.
Pourquoi est-il urgent de revoir la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) des biosimilaires ?
La Rosp existante pour les biosimilaires est bien trop modeste, avec un plafond de 1 million d’euros, contre 10 millions d’euros pour les génériques. Et aujourd’hui, ce montant a été légèrement rehaussé à 11 millions d’euros, mais cela reste largement insuffisant. Nous exigeons une revalorisation substantielle de cette rémunération pour qu’elle soit à la hauteur des enjeux.
Frédéric Valletoux, ancien ministre de la Santé, avait d’ailleurs souligné la nécessité de réajuster cette rémunération. Notre syndicat a déjà formulé des propositions concrètes auprès de la Caisse nationale d’Assurance Maladie (Cnam) et nous ne comptons pas laisser cette question en suspens. Il est temps de passer des paroles aux actes.
Les nouvelles missions peuvent-elles contribuer à redresser l’économie officinale ?
La question des nouvelles missions est essentielle, mais leur mise en œuvre nécessite un équilibre fin. La Cnam doit comprendre que l’urgence est de réduire la pression administrative qui pèse sur les pharmaciens. Les nouvelles missions, bien qu’elles soient un levier pour améliorer l’accompagnement des patients, ne doivent pas devenir une surcharge. Elles doivent au contraire simplifier le travail des pharmaciens, pas le complexifier davantage.
Prenons l’exemple des entretiens sur les âges clés de la vie. Ces missions sont certes pertinentes, mais leur coût en temps est disproportionné par rapport à la rémunération allouée. Le temps que les pharmaciens consacrent à ces missions doit être mieux rémunéré, et les tâches administratives allégées. Sinon, ces missions risquent de rester sous-exploitées, faute d’un cadre économique suffisamment incitatif. La Cnam doit revoir sa copie pour garantir un juste équilibre entre engagement professionnel et rémunération.
L’avenant économique signé en juin dernier suffira-t-il à inverser la tendance des fermetures d’officines ?
Non. La situation est bien trop grave pour se contenter de demi-mesures. Certes, la Cnam a octroyé un milliard d’euros supplémentaires de plus qu’en 2019, mais à l’horizon 2027. Sur les cinq dernières années, seuls 503 millions ont été versés, et il reste encore 500 millions à percevoir. Ces 500 millions sont-ils garantis ? La réponse est un non catégorique.
Les prévisions de croissance sont bien trop optimistes, et l’économie officinale est bel et bien dans le rouge. Les estimations de hausse des honoraires entre 1 et 1,3 % sont des mirages. La réalité est plus proche de 0,6 %. Quant aux remises sur les génériques, elles ne cessent de baisser. Face à cette situation, il est illusoire de croire que l’avenant signé en juin dernier suffira à stopper l’hémorragie des fermetures d’officines. Une véritable révision est plus que jamais nécessaire.
Considérez-vous la mise en place d’une nouvelle stratégie, notamment via un avenant économique numéro 2, comme une nécessité ?
L’heure des compromis est révolue. L’avenant économique signé en juin dernier ne répond en rien aux besoins urgents du terrain. La clause de revoyure de mi-2026 est une illusion : il n’y a pas de temps à perdre. Les négociations doivent reprendre immédiatement pour remettre l’économie officinale sur pied.
La nouvelle Convention prévue pour 2027 offrira une opportunité de repenser le cadre global, mais la clause de revoyure n’a de sens que si elle intervient en son sein, et non avant sa mise en œuvre. Il est impératif d’agir maintenant, car le statu quo entraînerait une catastrophe sanitaire et sociale inévitable.
Que faut-il demander dans ce nouvel avenant ?
Nous souhaitons une revalorisation substantielle et rapide des honoraires, pierre angulaire du métier de pharmacien. Cette revalorisation est un impératif absolu pour la survie des officines, et pour qu’elles puissent continuer à assumer leur rôle clé auprès des patients. Nous proposons que le financement de cette revalorisation soit assuré par les économies générées par les biosimilaires. Une solution pragmatique et bénéfique à la fois pour les pharmaciens et pour l’Assurance maladie.
Comment convaincre la Cnam de réviser l’avenant économique de manière anticipée ?
Notre levier de pression est certes limité, mais il est crucial de l’utiliser avec stratégie. Nous allons démontrer à la Cnam l’ampleur des enjeux : le nombre croissant de fermetures d’officines, la montée en flèche des coûts, l’inflation galopante, et la hausse des salaires liée à la pénurie de main-d’œuvre et aux démissions massives durant la crise sanitaire. Si aucune action n’est prise, l’officine sombrera dans une crise encore plus profonde, marquée par une vague inévitable de licenciements. L’officine traverse aujourd’hui sa pire crise de son histoire, et la Cnam ne peut plus se permettre de fermer les yeux. Il est urgent de rouvrir les négociations et d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
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