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Rétinoïdes systémiques : pharmacologie des molécules disponibles en ville
Mécanisme d’action : Contrôle de la différenciation cellulaire
Les rétinoïdes sont des dérivés synthétiques de la vitamine A (ou rétinol). Après diffusion intracellulaire, ils sont capables d’interagir avec des récepteurs nucléaires et modulent, à l’instar de la vitamine A, la transcription de gènes. Ils régulent la croissance et la différenciation cellulaire avec un effet antiprolifératif, anti-inflammatoire cutané et immunomodulateur. Cependant, ils exercent aussi leur effet sur la division et la différenciation cellulaire au cours de l’embryogenèse, ce qui les rend responsables d’effets tératogènes importants.
Indications : en dermatologie et en cancérologie
L’acitrétine est indiquée notamment dans les formes sévères de psoriasis et de lichen plan, ainsi que dans l’ichtyose, maladie d’origine génétique caractérisée par une extrême sécheresse et une desquamation de la peau.
L’alitrétinoïne est préconisé pour traiter l’eczéma chronique sévère des mains ne répondant pas aux dermocorticoïdes puissants.
L’isotrétinoïne, qui réduit la taille et l’activité des glandes sébacées, est indiquée dans l’acné sévère.
Le bexarotène, qui permet d’inhiber la croissance des cellules hématopoïétiques et épithéliales, est préconisé dans le traitement des lymphomes cutanés épidermotropes.

Pharmacocinétique : forte lipophilie
Absorption et distribution : leur biodisponibilité orale est augmentée par l’alimentation, ce qui justifie leur mode d’administration au cours d’un repas de préférence. Très lipophiles, ils diffusent à travers le placenta, dans le cerveau et passent dans le lait maternel.
Métabolisme : du fait de leur haute liposolubilité, ces composés sont fortement métabolisés par le foie. Ils sont oxydés par différentes isoformes des cytochromes P450 (CYP), et principalement par le CYP3A4. Les métabolites sont, dans la plupart des cas, actifs et tératogènes.
Élimination : l’alitrétinoïne est évacuée essentiellement avec les urines, le bexarotène majoritairement avec les matières fécales et les autres molécules sont à élimination mixte (rénale et hépatique). La demi-vie est très variable selon les molécules, allant de 9 heures pour l’alitrétinoïne à 50 heures pour l’acitrétine. Il faut toutefois tenir compte aussi des demi-vies des métabolites, souvent supérieures à celle de la molécule mère. Par exemple, la demi-vie du métabolite de l’acitrétine est de 60 heures, celle du métabolite de l’isotrétinoïne de 29 heures contre 19 heures pour l’isotrétinoïne.
Effets indésirables
Les rétinoïdes oraux sont hautement tératogènes (malformations cardiaques, atteintes du système nerveux central et anomalies craniofaciales avec hydrocéphalie, microcéphalie, hypoplasie du cervelet, fentes palatines, malformation des oreilles). Le don de sang est interdit pendant le traitement et une période plus ou moins longue après son arrêt (jusqu’à 2 ans pour l’acitrétine). Ils sont incriminés dans la survenue de troubles neurosensoriels (céphalées, hypertension intracrânienne, troubles visuels). Par ailleurs, des cas de survenue ou d’aggravation de dépression, d’anxiété ou de changements de l’humeur ont été rapportés. Bien que les patients atteints d’affections cutanées sévères présentent un risque accru de troubles psychiatriques, un lien avec un traitement par rétinoïdes ne peut être écarté. Il convient donc d’informer le patient et son entourage. Toute modification de l’humeur ou du comportement doit mener à une consultation médicale. Des sécheresses cutanéomuqueuses sont fréquentes et susceptibles de concerner notamment les lèvres, la peau, l’œil (conjonctivite, xérophtalmie). Les rétinoïdes peuvent également provoquer une photosensibilisation imposant de limiter l’exposition aux ultraviolets pendant le traitement et d’appliquer un produit solaire à très haut indice de protection. Les rétinoïdes peuvent également être responsables d’atteintes cutanées possiblement sévères (comme la nécrolyse épidermique toxique). Sous isotrétinoïne en particulier, un risque de décollement épidermique fait déconseiller l’épilation à la cire jusqu’à 6 mois après l’arrêt du traitement. Des douleurs osseuses et une soudure prématurée des cartilages de conjugaison sont possibles. La survenue d’atteintes hépatiques (élévation des transaminases), de pancréatites et de troubles du métabolisme lipidique (hypertriglycéridémie et hypercholestérolémie) justifie de surveiller le bilan lipidique et les enzymes hépatiques le premier mois puis tous les 3 mois. L’alitrétinoïne et le bexarotène peuvent induire des hypothyroïdies apparaissant 4 à 8 semaines après le début du traitement et réversibles à son arrêt, ce qui impose une surveillance men suelle de la fonction thyroïdienne les premiers mois.
Contre-indications
Les rétinoïdes systémiques sont contre-indiqués chez la femme enceinte et allaitante ainsi qu’en cas d’hypervitaminose A, d’hyperlipidémie et d’insuffisance hépatique. L’acitrétine et l’alitrétinoïne le sont également chez l’insuffisant rénal sévère. L’alitrétinoïne et le bexarotène sont, de plus, contre-indiqués chez l’hypothyroïdien non contrôlé et le bexarotène, en cas d’antécédents de pancréatite.
Rétinoïdes oraux et femme en âge de procréer
Chez la femme en âge de procréer, l’acitrétine, l’alitrétinoïne et l’isotrétinoïne sont à utiliser conformément au programme de prévention des grossesses : les femmes doivent être informées des risques malformatifs et signer un formulaire d’accord de soins. Il convient de compléter le carnet patiente à chaque délivrance. Une contraception efficace (stérilet ou implant ou association pilule et préservatifs), à commencer 1 mois au moins avant l’instauration du traitement, est nécessaire durant toute la durée de celui-ci et 1 mois après son arrêt, à l’exception de l’acitrétine pour laquelle la contraception doit être poursuivie trois ans après la dernière prise. Il convient d’effectuer un test de grossesse plasmatique avant l’instauration du traitement, puis mensuellement les 3 jours précédant la prescription (s’agissant du contrôle en lien avec l’acitrétine, réaliser les tests tous les 1 à 3 mois durant les 3 ans qui suivent l’arrêt). La date et le résultat du test sont notifiés sur la carte patiente qui doit être présentée à chaque délivrance au pharmacien. La délivrance du traitement s’effectue au plus tard 7 jours après la prescription. Les QR Code sur les boîtes d’isotrétinoïne renvoient à des vidéos sur les effets indésirables de la molécule, accessibles également via un dossier consacré au médicament sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. En cas de positivité du test, il ne faut pas délivrer le traitement, qui doit être immédiatement interrompu. Pour les patients masculins dont les partenaires sont en âge de procréer ou enceintes, seul le bexarotène impose l’utilisation de préservatif. Il n’y a pas de précautions particulières pour les autres rétinoïdes.
Contre-indication avec les cyclines
L’association des rétinoïdes systémiques avec les cyclines n’est pas recommandée car elle majore le risque d’hypertension intracrânienne. La combinaison de plusieurs rétinoïdes systémiques entre eux ou avec la vitamine A est également contre-indiquée en raison d’un risque de surdosage. L’acitrétine est, en outre, contre-indiquée avec le méthotrexate dont elle majore l’hépatotoxicité. De plus, chez la femme en âge de procréer traitée par acitrétine, la consommation d’alcool est fortement déconseillée car celle-ci favorise le métabolisme de l’acitrétine en étrétinate, puissant tératogène dont la demi-vie est de 120 jours. Du fait de leur important métabolisme hépatique, l’association des rétinoïdes systémiques avec les inhibiteurs de CYP 450 peut majorer le risque de toxicité : une adaptation de posologie est possible avec l’alitrétinoïne et le bexarotène. L’application de kératolytiques locaux ou d’antiacnéiques exfoliants doit être évitée sous isotrétinoïne en raison d’un risque accru d’irritation locale.

Sources : « Rétinoïdes », pharmacorama.com ; « Rétinoïdes », Collège national de pharmacologie médicale, pharmacomedicale.org, août 2018 ; « Rétinoïdes : mise à jour des informations sur la tératogénicité et les troubles psychiatriques », Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), avril 2021 ; « Isotrétinoïne orale et traitement de l’acné sévère », ANSM, juillet 2023 ; « Isotrétinoïne », centre de référence sur les agents tératogènes, janvier 2024 ; Thésaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM, juin 2024 ; programme de prévention des grossesses, ANSM, novembre 2023 ; base de données publique des médicaments ; meddispar.fr.
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