La marque va créer une différenciation
Choisir un nom de marque pour une entreprise, un produit ou un service ne se fait pas à la légère. Véritable casse-tête juridique et marketing, la naissance d’une marque est un événement qui se prépare désormais avec le plus grand soin. Une opportunité pour les officines d’afficher un nom différenciant et évocateur d’une image positive… Interview du spécialiste du secteur, Marcel Botton.
→ Economiste et expert en créativité, Marcel Botton est fondateur et directeur général délégué de Nomen, une société spécialisée dans la création de noms de marques et de domaines (produits et services). Parmi les 2 000 créations à son actif, Nomen a été à l’origine de nombreuses marques au succès aujourd’hui mondial comme Vivendi, Thalès, Areva, Clio, Captur, Flying blue, Skyteam…
« Pharmacien Manager ». Quelles sont les missions de Nomen ?
Marcel Botton. Avec une équipe de 30 personnes en France et un réseau de 500 experts dans le monde, la société crée des noms et s’occupe également des logos, du volet juridique (recherche d’antériorité et de dépôt des marques), des études marketing et des contrôles linguistiques (afin de vérifier que le nom ne correspond pas, par exemple, à une insulte, dans une autre langue).
P.M. Avez-vous une expérience en officine ou dans un secteur proche ?
M.B. Nous avons créé des noms de spécialités pharmaceutiques ainsi que le nom du réseau de pharmacies Amavita en Suisse. Généralement, les officines prennent spontanément un nom classique (de l’église, de la mairie…) ou le nom patronymique du pharmacien.
P.M. Un nom peut-il devenir une marque ?
M.B. Non, pour la bonne raison qu’il y en a plein qui portent le même nom. Par exemple, des pharmacies « de la Poste », il y en a des dizaines en France. En revanche, une officine peut déposer un logo. Selon la définition légale, une marque permet de différencier un produit ou un service des produits et services concurrents. Pour une officine, les produits (médicaments) sont les mêmes partout. La différence se fait donc sur la qualité de service et sur la proximité.
P.M. Quelle est le rôle d’une marque pour un commerce ?
M.B. Tout d’abord, elle va permettre de désigner la boutique ! Ensuite, elle va apporter une identité et un positionnement qui vont créer une différenciation. La marque n’est pas obligée d’avoir un sens ni d’être en lien avec l’activité. Par exemple, Google ou Amazon n’ont pas de sens, ni de lien avec la distribution. Idem avec Renault, Peugeot ou Volkswagen : aucun rapport avec l’automobile.
P.M. Quelles sont les différentes étapes de création d’une marque ?
M.B. On part d’interviews de managers, parfois du personnel pour définir l’identité de l’entreprise. Nous devons comprendre quelle est cette entreprise et ce qu’elle veut devenir. Puis arrive la phase de production durant laquelle on sort une centaine de noms. On effectue ensuite des contrôles linguistiques pour voir si le nom ne pose pas de problème dans tel ou tel pays. Dernière étape : la recherche de disponibilité. Pour cela, on a accès à 149 bases de données nationales dans le monde. Enfin, si on a la chance d’avoir plusieurs noms disponibles, et que le client hésite, on peut les tester auprès de panels de consommateurs.
P.M. Peut-on créer sa marque tout seul ?
M.B. Absolument. Tous les ans, 60 000 marques sont déposées en France. Environ 600 sont créées par des professionnels. Cela sous-entend que 99 % des marques ne sont pas créées par des professionnels. Si un dirigeant choisit un nom original, il a des chances que le nom soit libre. Il se rend sur le site de l’INPI pour vérification, puis le dépose (pour quelques centaines d’euros) et il a sa marque pour 10 ans. Si je peux donner un conseil, il vaut mieux que le dépôt soit fait par un professionnel (des conseils en propriété industrielle spécialisés en marque). Rappelons que c’est sur la base de ce dépôt que l’activité marketing va se construire.
P.M. Peut-on choisir sa marque sur catalogue ?
M.B. C’est un service que nous proposons via notre service Panoramark. C’est un catalogue qui présente les noms disponibles à un instant T, actualisé en permanence.
P.M. Comment créer une marque bankable ?
M.B. Ce qui fait la valeur d’une marque c’est sa notoriété, le fait qu’elle soit connue, et son attractivité, le fait qu’elle donne envie d’être achetée. Pour développer sa notoriété, une marque doit faire de la pub, créer des événements, être originale. L’attractivité repose sur de bons produits, une capacité à créer du buzz et un nom original ou inhabituel… Quand ces deux conditions sont réunies, une marque peut devenir « bankable ». Elle doit aussi disposer d’une capacité de développement dans le temps (entre 5 et 7 ans).
P.M. Existe-t-il des tendances au niveau des noms de marques ?
M.B. Les gens connaissent environ 2 000 marques. Pour se démarquer, les marques doivent opter pour des noms originaux avec des lettres ou des combinaisons de lettres improbables. Par exemple, Yoos (un collier pour le confort articulaire des animaux) ou Wulo (un concurrent d’Uber). Cela se vérifie encore davantage dans le domaine des logiciels informatiques (Linxap et Tuitiz de Maincare Solutions), des start-up (Cheerz) ou encore des plateformes numériques.
P.M. Une fois lancée, comment une marque peut-elle susciter de la confiance ?
M.B. La confiance, dans un produit ou en un commerçant, est longue à acquérir et rapide à perdre. A l’officine par exemple, on a confiance en son pharmacien. Mais si un jour on s’aperçoit qu’il nous a vendu un produit plus cher que dans un autre circuit, on va se sentir trahi. On va perdre confiance en lui et un processus de doute va se mettre en place. Et ce sentiment peut être rapidement propagé via les réseaux sociaux.
P.M. Quand on veut créer un nom de commerce qui a pignon sur rue, quelle dimension doit l’emporter ?
M.B. La fonction de repérage est essentielle : le nom sert fondamentalement à dire de quel commerce on parle. Il doit être marquant. Par exemple, « Pharmacie Générale », ce n’est pas très parlant. En revanche, s’appeler la « Pharmacie bleue » avec une façade bleue, c’est immédiatement identifiable.
P.M. Quels sont les avantages et les inconvénients à donner son patronyme à sa pharmacie ?
M.B. Beaucoup de pharmacies portent le nom patronymique du titulaire. Cela permet de savoir tout de suite à qui on a affaire. Le problème se posera à la revente. Dans ce cas, soit on le laisse mais cela n’a plus vraiment de sens ; soit on le change, mais l’officine peut perdre de la valeur.
P.M. Quel nom pourriez-vous conseiller à une pharmacie ?
M.B. Je prendrais un nom symbolique ou celui d’un animal, un nom pas trop direct et qui véhicule une image positive.
P.M. Avez-vous un exemple de création qui vous tient à cœur ?
M.B. Oui, la marque Enedis, ex ERDF, distribue l’électricité mais c’est elle aussi qui va rétablir le courant en cas de coupure et envoyer des techniciens pour réparer des câbles ou redresser les pylônes en cas d’intempéries. Je suis fier d’avoir travaillé sur le nom de cette marque qui touche tous les Français.
Directeur général délégué de Nomen
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