Les biothérapies, une avancée dans la prise en charge de l’eczéma

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Les biothérapies, une avancée dans la prise en charge de l’eczéma

Publié le 12 novembre 2024
Par Estelle Deniaud Bouet
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Depuis plus de dix ans, les biothérapies ont marqué un tournant dans la prise en charge de plusieurs pathologies dermatologiques chroniques, comme le psoriasis et la dermatite atopique. Regards croisés d’un dermatologue et d’un patient sur les biothérapies utilisées dans le traitement de ce qui est communément appelé l’eczéma.

Quelles sont les biothérapies disponibles ?

La première biothérapie contre l’eczéma disponible en France, le dupilumab, est arrivée sur le marché en 2018. Cet anticorps monoclonal est spécifiquement dirigé contre des cytokines pro-inflammatoires (interleukines-4 et interleukine-13) impliquées notamment dans cette pathologie. Il est recommandé dans le traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l’adulte qui nécessite un traitement systémique.

Un deuxième anticorps monoclonal, le tralokinumab (Adtralza), un anti-interleukine-4, l’a ensuite rejoint. Un troisième anticorps monoclonal, le lébrikizumab (Ebglyss), a reçu un avis positif de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS), mais n’est pas encore commercialisé.

Ces biothérapies viennent donc compléter l’arsenal thérapeutique des traitements systémiques de la dermatite atopique, qui comprend un immunosuppresseur, la ciclosporine, et des inhibiteurs de Janus kinases (anti-JAK).

Quelle place dans le traitement de l’eczéma ?

« D’après les recommandations européennes de 2022, les traitements systémiques sont indiqués pour les patients ayant un score de sévérité élevé (SCORAD > 50, par exemple [voir Info+]), ceux ne répondant pas cliniquement à un traitement topique approprié et ceux dont l’impact de la maladie sur la qualité de vie est majeur. Le traitement systémique peut aussi permettre de réduire la posologie des corticostéroïdes topiques lorsque celle-ci commence à être élevée ou impose de traiter de grandes surfaces corporelles pendant une durée prolongée », précise le Dr Aurélie Du Thanh, dermatologue au centre hospitalier universitaire de Montpellier (Hérault).

Les biothérapies disponibles sont indiquées dans les formes modérées à sévères d’eczé ma, nécessitant un traitement systémique. Elles se positionnent chez l’adulte en seconde intention, en cas d’échec ou de contre-indication au traitement systémique de référence, la ciclosporine. Chez l’enfant et l’adolescent de moins de 16 ans, elles peuvent être prescrites comme premier traitement systémique.

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En savoir plus

Le SCORAD (SCORing Atopic Dermatitis) : développé par l’European Task Force on Atopic Dermatitis (ETFAD) et publié en 1993, est un score très utilisé dans la prise en charge de la dermatite atopique. Ce score prend à la fois en compte les observations du médecin et le ressenti du patient en ce qui concerne le prurit et le sommeil. 

Biothérapies : quels bénéfices ?

Les biothérapies sont associées à une efficacité clinique assez rapide sur le prurit, comme sur les lésions cutanées. Ce bénéfice clinique se maintient dans le temps, avec un possible rebond de la maladie à l’arrêt du traitement. « L’efficacité des biothérapies n’est pas forcément supérieure à celle de la ciclosporine. Mais ces nouveaux traitements ont d’autres avantages : ils présentent beaucoup moins de contre-indications, peu d’effets indésirables, ne nécessitent pas de surveillance biologique particulière et peuvent être prescrits au long cours. De plus, ils ont une action positive sur l’asthme et la polypose nasale, un bénéfice important pour les patients concernés », précise le Dr Du Thanh.

Des avantages perçus au quotidien par les patients, comme en témoigne Alexandre Cuvello (32 ans) : « Je suis atteint d’eczéma depuis l’âge de 5 ans. Jusqu’à environ 30 ans, je parvenais à gérer mes poussées d’eczéma avec les dermocorticoïdes, avant une aggravation assez soudaine de mes symptômes. La première biothérapie que j’ai reçue, en 2023, n’était pas très efficace, tandis que la seconde a totalement changé mon quotidien. Je n’ai plus eu de plaques sur le corps, plus de démangeaisons, en seulement deux mois de traitement. Je conserve seulement quelques lésions sur le visage. Une telle efficacité a changé mon quotidien, car cette maladie est vraiment stigmatisante. »

Quelles contraintes ?

Les biothérapies disponibles dans le traitement de l’eczéma sont des médicaments injectables par voie sous-cutanée, qui sont administrés toutes les deux voire quatre semaines. « Le plus souvent, le mode d’administration n’est pas un frein pour les patients, mais il faut leur préciser que l’injection peut être douloureuse. Une surveillance ophtalmologique est conseillée et des collyres peuvent être prescrits en prévention des effets indésirables oculaires [conjonctivite, kératite], qui restent la plupart du temps modérés », indique le Dr Du Thanh.

Le mode d’administration représente tout de même une contrainte nouvelle pour les patients, comme le souligne Alexandre Cuvello : « Le fait de devoir s’injecter un médicament m’a vraiment fait prendre conscience de ma pathologie chronique. Heureusement, les stylos préremplis facilitent l’injection sous-cutanée du médicament. Le plus important, comme il ne s’agit pas d’un traitement quotidien, c’est de ne pas l’oublier et de bien respecter les instructions de la notice. Mais les effets indésirables passent vraiment au second plan, tant l’efficacité sur l’eczéma est importante. »

Quels conseils au comptoir ?

Alexandre Cuvello souligne l’importance des conseils apportés par l’équipe officinale lorsqu’il va récupérer son médicament : « J’ai posé toutes sortes de questions aux préparateurs et aux pharmaciens sur l’administration du médicament, sur les effets indésirables, sur mes doutes. J’ai toujours été rassuré et bien informé par l’équipe de mon officine. Ils m’ont aussi précisé les conditions de conservation des stylos. Pouvoir poser des questions sur la maladie et les traitements, en dehors de la consultation chez le dermatologue – qui reste relativement courte , est fondamental. »

Au comptoir, plusieurs informations sont essentielles à transmettre lors de la délivrance d’une biothérapie. En particulier la première fois, comme le rappelle le Dr Du Thanh : « Si possible, il est très intéressant de faire une démonstration de l’injection, avec un stylo test mis à disposition par le laboratoire. Il faut bien préciser au patient de sortir le stylo du réfrigérateur 30 minutes avant l’injection afin de limiter l’inconfort de l’injection d’un produit froid, lui indiquer où injecter et lui rappeler de bien respecter le jour d’administration. Il est également important de l’informer sur les effets indésirables, sur l’utilisation des collyres utilisés en prévention et sur les signes oculaires (démangeaisons, œil rouge), qui doivent amener à consulter. Sans oublier d’informer le patient sur la poursuite des traitements topiques, même après l’initiation du traitement, car l’efficacité de la biothérapie n’est pas immédiate. »

Les biothérapies représentent une avancée majeure dans le traitement des formes modérées à sévères de dermatite atopique, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Elles offrent une perspective de thérapeutique efficace et bien tolérée au long cours. Chers et à dispensation particulière, ces médicaments d’exception ont vu leur règle de prescription évoluer en avril 2024. À l’origine réservée aux spécialistes hospitaliers, la prescription initiale est depuis peu ouverte aux médecins spécialistes de ville. « C’est une évolution favorable pour les patients qui facilite leur accès aux soins et à ces médicaments innovants », conclut le Dr Du Thanh.

Nos remerciements au Dr Aurélie Du Thanh, dermatologue au CHU de Montpellier, membre de la Société française de dermatologie (SFD) et du Groupe de recherche sur l’eczéma atopique (Great), et à Alexandre Cuvello, membre de l’Association française de l’eczéma.